Perspective

La combine de Ponzi à l’échelle mondiale menace d’imploser

Les marchés boursiers asiatiques ont ouvert lundi avec une nouvelle vente massive. Au moment d’écrire cet article, l'Indice composite de Shanghai avait baissé de plus de 8 pour cent ; le Nikkei japonais, le Hang Seng de Hong Kong et l'All Ordinaries australien avaient tous baissé de plus de 3 pour cent. La banque centrale chinoise préparait de nouvelles injections de liquidités dans les marchés financiers du pays. 

La panique mondiale qui a anéanti pour plus de mille milliards de dollars d’actions rien qu’aux États-Unis a fait voler en éclats l'affirmation selon laquelle les États-Unis et les économies du monde connaissaient une reprise économique. 

Poussé par la décélération de la croissance économique en Chine, l'effondrement des marchés financiers et des monnaies des pays dits émergents et une baisse continue du prix du pétrole et d'autres matières premières, la chute du prix des actions ne reflète pas des conditions éphémères mais l'incapacité des gouvernements et des banques centrales à s’attaquer aux contradictions fondamentales du système capitaliste ayant provoqué l'effondrement de Wall Street et la récession de 2008-2009. 

Ce qui semble être terminé est la période où l’injection massive de liquidités par les banques centrales dans les marchés financiers pouvait, avec l’attaque impitoyable du niveau de vie de la classe ouvrière internationale, masquer le caractère systémique de la crise et produire un boom du prix des actions, des bénéfices des sociétés et de la richesse de l'aristocratie financière – alors même que l'économie réelle continuait de stagner. 

Un article du New York Times dimanche (« Les investisseurs se ruent pour échapper aux risques dans les obligations mondiales ») met en lumière un facteur important dans l'atmosphère de crise sur les marchés mondiaux. Il explique que quelques-uns des plus gros fonds communs de placement obligataires aux Etats-Unis comme BlackRock, Franklin Templeton et Pimco sont massivement engagés dans le marché des obligations souveraines des pays émergents, dont la valeur s'effondre. 

L'article évoque la possibilité très réelle que l'une ou plusieurs de ces firmes pourraient faire faillite si les investisseurs demandaient le retour de leur argent dans des conditions où elles ne pourraient pas se décharger de leurs obligations des marchés émergents et répondre à ces demandes. Un tel événement serait comparable à l'effondrement de Lehman Brothers en 2008, et peut-être pire. 

Les investissements à grande échelle des fonds communs de placement dans des obligations à haut risque mettent en évidence les fondations pourries non seulement de la soi-disant reprise économique, mais encore du système capitaliste mondial même. Ils montrent que la réponse de la classe capitaliste à l'effondrement économique de 2008-2009 a été une continuation et une escalade du parasitisme et de la spéculation déjà à l’origine du krach. 

Ceci illustre le modus operandi du capitalisme mondial dans sa sénilité et sa décadence. Ce qui était considéré historiquement comme le processus normal – investir le capital pour construire des usines et des mines et mener la recherche et le développement, embaucher des travailleurs et générer des profits à partir de la plus-value extraite en les exploitant – est devenu presque accessoire à une ruée fébrile et incessante vers des rendements toujours plus élevés venant de diverses formes de manipulation financière et de la fraude pure et simple.

Dans les vieux centres impérialistes, en particulier aux Etats-Unis, l'infrastructure industrielle a été largement démantelée, décimant les emplois et le niveau de vie de la classe ouvrière, dans le but d'obtenir des profits plus élevés issus de bulles financières. Après le krach de 2008, la classe dirigeante américaine a été la première à utiliser l’approvisionnement illimité de crédit quasi gratuit fourni par les banques centrales pour gonfler le prix des titres boursiers jusqu’à des niveaux records et générer une bulle financière sur les marchés émergents, tout en détruisant emplois, salaires et conditions de vie des travailleurs par des politiques d'austérité et de chômage de masse.

La « reprise » économique qui en a résulté avait le caractère d'une combine géante de Ponzi, reposant sur ​​une économie réelle stagnante et une inégalité sociale croissante. Ce château de cartes financier est miné par des tendances déflationnistes croissantes dans l'économie mondiale dont l’expression la plus radicale est l'effondrement du prix des matières premières et le ralentissement en Chine, mais aussi une croissance anémique ou la récession pure et simple, au Japon, en Europe et aux États-Unis.

En janvier 2008, le World Socialist Web Site écrivait que la crise, alors à ses débuts, n’était « pas simplement une baisse conjoncturelle, mais plutôt un désordre systémique profond » du système capitaliste.

Le 16 septembre 2008, le lendemain de l'effondrement de Lehman Brothers, le WSWS a déclaré: « Un changement radical s’effectue dans l’économie américaine et mondiale qui laisse présager une catastrophe de dimensions sans précédent depuis la Grande Dépression des années 1930 ».

L'article disait encore: « Ces événements sont des balises marquant l'échec historique du capitalisme américain et mondial. Pour la classe ouvrière, ils signifient une croissance rapide du chômage, la pauvreté, l'absence d’un toit et la misère sociale. Le gouvernement, Wall Street et les deux partis politiques chercheront à placer le fardeau des conséquences de leur propres cupidité et incompétence entièrement sur ​​le dos des travailleurs ».

Cette analyse a été entièrement confirmée. Sept ans plus tard, le taux de participation au marché du travail aux États-Unis est à son plus bas niveau en près de quarante ans, tandis que la production économique dans la zone euro reste en-dessous de son niveau de 2008.

La crise a été aggravée par la politique des sept dernières années. Les principales banques centrales ont assumé d'énormes niveaux de dette, ce qui limite leur capacité à répondre à une nouvelle panique. Le bilan de la Réserve fédérale américaine a explosé allant de juste en dessous de mille milliard de dollars en 2008 à plus de $4 mille milliards aujourd'hui, et le taux d'intérêt de référence de la Fed a été maintenu plus ou moins à zéro, donnant à la banque centrale nettement moins de « munitions », selon les termes du Wall Street Journal, pour répondre à une crise financière renouvelée.

« L'économie mondiale est comme un paquebot sans canots de sauvetage », a écrit Stephen King, économiste en chef chez HSBC, dans une note de recherche récente.

Toutes les institutions de gouvernance capitaliste et en particulier l'Union européenne, ont été considérablement affaiblies dans la période écoulée depuis 2008. Les signes de désarroi et d'instabilité à Pékin, au milieu d’une vague croissante de grèves et de manifestations des travailleurs chinois, ont attisé les craintes dans les classes dirigeantes du monde entier que le régime sur lequel ils se sont appuyés pour avoir une base de fabrication à bas coût pour stimuler la croissance mondiale ne se délite.

La perplexité et la faillite des gouvernements et des décideurs face à la nouvelle baisse d’activité économique ont été résumées dans une colonne publiée dans le Financial Times ce week-end par l'ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers qui a appelé la Réserve fédérale à maintenir les taux d'intérêt à zéro indéfiniment.

Summers écrit: « Une croissance satisfaisante, si elle peut être obtenue, nécessite des taux d'intérêt très bas que nous n’avons vus dans l’histoire que dans les crises économiques. C’est la raison pour laquelle les marchés obligataires à long terme nous disent que les taux d'intérêt réels sont censés être proches de zéro dans les pays industrialisés dans la prochaine décennie ».

L'aggravation de la crise économique ouvre la voie à d'immenses luttes sociales. La classe ouvrière n’acceptera pas un retour à des conditions de pauvreté de masse et d'esclavage industriel.

Cependant, toute l'histoire du 20e siècle – la victoire de la classe ouvrière en Russie en 1917 et les défaites qui ont suivi – et les résultats initiaux des luttes de masse de ce siècle, de l'Egypte à la Grèce, montrent que pour que la résistance de la classe ouvrière ait gain de cause, il faut qu’elle soit guidée par un programme socialiste, internationaliste, et dirigée par un parti révolutionnaire. La construction de cette direction – le Comité international de la Quatrième Internationale – est la tâche décisive posée par l'effondrement du capitalisme mondial.

(Article paru en anglais le 24 août 2015)

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