Selon le Financial Times, des chasseurs de l’OTAN ont intercepté au cours des deux dernières semaines de juillet plus d’une vingtaine d’avions russes dans l’espace aérien international au-dessus de la mer Baltique.
Le 24 juillet, des avions de chasse Typhoon de la Royal Air Force, qui ont décollé de la base aérienne d’Amari en Estonie, ont intercepté dix avions militaires russes volant en formation dans l’espace aérien international au-dessus de la mer Baltique. Selon le ministre britannique de la Défense, les pilotes de chasse ont identifié quatre bombardiers Sukhoi, quatre chasseurs MiG et deux avions de transport qui effectuaient une mission de routine.
Ensuite, le 29 juillet, une dizaine d’avions russes, qui effectuaient eux aussi une mission de routine, ont été interceptés dans l’espace aérien international au large de la côte lituanienne.
Les avions russes interceptés se déplaçaient dans un couloir aérien qui est régulièrement utilisé pour atteindre Kaliningrad, région au bord de la mer Baltique qui est située à l'extrémité nord-est de la Russie. Kaliningrad abrite les bases aériennes de Chernyakhovsk, Donskoye et Chkalovsk ainsi que la flotte russe de la mer Baltique.
La dissolution en 1991 de l’URSS et la restauration du capitalisme en Europe de l’Est a coupé la région de Kaliningrad, qui faisait partie de l’administration russe, de toute voie terrestre vers le reste de la Russie. Le territoire est entouré par la Pologne au sud et la Lettonie au nord-est, qui toutes deux sont devenues par la suite des membres de l’OTAN. En conséquence, tout avion militaire russe faisant le voyage aller-retour de Kaliningrad doit traverser l’espace aérien de l’Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie, et risque ainsi d'être intercepté par l’OTAN.
Les responsables de l’OTAN profitent de ces vols russes pour affirmer que la Russie effectue une escalade militaire offensive dirigée contre l’Europe.
«Les activités aériennes de la Russie près des frontières de l’OTAN ont augmenté l’année passée tant en nombre qu’en complexité», a dit au Financial Times un responsable de l’OTAN. «Les avions russes volent souvent sans faire fonctionner leur transpondeur, sans faire connaître leurs plans de vol et sans communiquer avec les autorités responsables du contrôle aérien.»
En fait, la confrontation qui est actuellement en train de s’aggraver dans les pays baltes est surtout le résultat d’une escalade militaire provocatrice engendrée en Europe de l’Est par les États-Unis et les puissances de l’OTAN depuis que le coup d’État, perpétré l’année dernière à Kiev avec le soutien de l’OTAN, a mené à une guerre par procuration entre l’OTAN et la Russie en Ukraine.
Les Typhoon britanniques participent à la mission de surveillance aérienne dans les pays baltes de l’OTAN qui implique le déploiement en rotation d’avions de chasse de l’Alliance dans le but de contrôler l’espace aérien au-dessus de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie. L’OTAN assume la responsabilité de l’espace aérien au-dessus des États baltes, car ces derniers sont trop petits pour disposer de leurs propres forces aériennes.
Les patrouilles, qui ont débuté en 2004 après l’adhésion officielle des États baltes à l’OTAN, ont été considérablement intensifiées au printemps dernier après le coup d’État pro-américain en Ukraine et la guerre civile qui en a résulté. En avril de l’année dernière, les forces de l’OTAN ont pour la première fois commencé des missions de vol de surveillance depuis la base aérienne d’Amari en Estonie, faisant passer ainsi le nombre de chasseurs impliqués de quatre à seize.
Aux côtés des quatre Typhoon britanniques stationnés en Estonie, des chasseurs venant de Norvège, d’Italie et de Belgique patrouillent actuellement le ciel balte. La Norvège dirige cette mission. Quatre de ses F-16 déployés depuis la base aérienne de Siauliai en Lituanie sont soutenus par quatre Eurofighter italiens. Quatre F-16 belges stationnés à la base aérienne de Malbork en Pologne participent aussi à la mission.
Depuis le début de l’année 2015, des avions de chasse de l’OTAN ont été dépêchés plus de 250 fois à travers l’Europe pour intercepter des avions russes et 120 de ces interceptions ont eu lieu au-dessus de la Baltique. Le nombre d’interceptions effectuées par des avions de l’OTAN devrait dépasser les quelque 400 interceptions comptabilisées en 2014, ce qui représentait déjà une augmentation de 50 pour cent par rapport à 2013.
Les interceptions aériennes au-dessus de la Baltique ne sont qu’une partie du renforcement de la présence militaire des États-Unis et de l’OTAN partout en Europe de l’Est qui vise la Russie. Depuis le coup d’État appuyé par les États-Unis et l’Allemagne l’année dernière à Kiev, les États-Unis et l’OTAN ont effectué toute une série d’exercices militaires impliquant des dizaines de milliers de soldats, du matériel lourd et des avions à travers tout le continent européen, allant du cercle polaire à la mer Noire. Les États-Unis et d’autres alliés de l’OTAN ont effectué le mois dernier des manœuvres militaires en Géorgie, en Ukraine et en Moldavie.
En septembre de l’année dernière, le président américain Barack Obama s’était rendu en Estonie où il avait juré que les États-Unis s'engageaient, «résolument» et «à perpétuité», à défendre militairement les États baltes contre une attaque d'après les conditions de l’article 5 et la clause de défense collective du traité de l’OTAN.
Le nombre croissant d’interceptions d’avions russes par des chasseurs de l’OTAN au-dessus de la mer Baltique multiplie le risque d’un incident entre la Russie et l’un des États baltes qui pourrait déclencher l’application de l’article 5 et dégénérer rapidement en une guerre totale entre les États-Unis et la Russie.
Le secrétaire d’État américain à la Défense, Ashton Carter, avait annoncé en juin que le Pentagone stationnerait de l’artillerie lourde ainsi que des chars et autre équipement militaire en rotation partout en Europe de l’Est. Parallèlement, l’OTAN a annoncé vouloir tripler la taille de sa Force de réaction visant la Russie en renforçant aussi sa force opérationnelle inter-armée à très haut niveau de préparation (Very High Readiness Joint Task Force) qui a été développée pour être capable de se déployer n’importe où en Europe en l’espace de deux jours.
L’Alliance est actuellement sur le point d’achever les préparatifs des manœuvres de l’OTAN «Trident Juncture 2015» (TJ15), le plus grand exercice militaire depuis 2002 impliquant 36.000 hommes issus de plus d’une trentaine de pays pour prendre part à des exercices qui se dérouleront en Espagne, en Italie et au Portugal.
(Article paru en anglais le 1er août 2015)