La révélation récente selon laquelle le dirigeant du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, est un admirateur déclaré de l'ancienne première ministre britannique Margaret Thatcher démontre une fois de plus le caractère de droite du parti de l'opposition officielle du Canada.
Une vidéo publiée en ligne le 18 août montrait Mulcair donnant un discours en 2001, quand il était membre des libéraux du Québec. Dans un bref extrait, Mulcair déclare que la première ministre conservatrice avait été un «vent de liberté et de libéralisme dans les marchés». Il a ajouté que la période durant laquelle Thatcher avait été au pouvoir, de 1979 à 1990, a conduit à l'émergence de la Grande-Bretagne comme l'un des pays les plus productifs de l'Europe.
«Un gouvernement ne devrait jamais prétendre être capable de remplacer le libre marché. Cela ne fonctionne pas. Cela n'a pas fonctionné en Angleterre. Jusqu'à l'époque de Margaret Thatcher, c'est ce qu'ils avaient essayé, le gouvernement avait son nez dans tout», a affirmé Mulcair. «L'interventionnisme est un échec. Le meilleur moyen de créer de la richesse pour un gouvernement est de laisser le libre marché s'épanouir et de laisser les hommes et femmes d'affaires tranquilles.»
Son éloge de Thatcher démontre la faillite de la perspective mise de l'avant par les syndicats et les forces de la pseudo-gauche qui prétendent que le NPD offre une alternative progressiste pour les électeurs qui veulent se débarrasser des conservateurs. La réalité est que , tout comme les conservateurs et les libéraux, le NPD est un parti pro-patronal de la droite voué au programme capitaliste de la libre entreprise que défendait Thatcher.
L'adulation de Mulcair est dédiée à l'une des figures, aux côtés du président des États-Unis Ronald Reagan, qui sera pour toujours associé à la brutale contre-offensive internationale contre la classe ouvrière commencée vers la fin des années 1970.
À la tête de son gouvernement qui a duré 11 ans, Thatcher a lancé un vaste programme de privatisations, réduit les budgets des gouvernements locaux, mené une guerre impérialiste pour les îles Malouines/Falkland, attaqué les droits démocratiques et était une partisane déterminée de l'approche agressive de Reagan envers l'Union soviétique. Elle était aussi une proche amie du dictateur chilien Augusto Pinochet et appuyait le régime d'Apartheid en Afrique du Sud.
Thatcher a démontré qu'elle était cruellement déterminée à éliminer toute opposition à son programme réactionnaire durant la grève des mineurs de 1984-85. Son gouvernement a violemment réprimé les travailleurs sur les piquets de grève et a détruit des milliers d'emplois qui ont dévasté des communautés à travers le pays. Pendant la grève, près de 20.000 mineurs furent blessés ou hospitalisés, 13.000 arrêtés, et deux travailleurs furent tués sur les piquets de grève.
Sa confrontation avec les mineurs a été l'exemple le plus important d'un vaste programme antisyndical qui a imposé les lois antisyndicales les plus restrictives en Europe. Lorsqu’elle quitta le gouvernement en 1990, de vastes étendues de la Grande-Bretagne avaient été désindustrialisées et abandonnées.
Le fait que Mulcair applaudit l'héritage de Thatcher offre une confirmation de plus de son profil politique de droite. Ses commentaires de 2001 étaient dirigés contre le gouvernement séparatiste du Parti Québécois (PQ), qu'il qualifiait de trop interventionniste et d'«avoir les mains partout». Il a critiqué le Québec pour être l'endroit en Amérique du Nord où les impôts étaient les plus élevés et se plaignait du fait que cela empêchait les travailleurs de devenir des consommateurs.
Deux ans plus tard, il entrait dans un gouvernement libéral en tant que ministre de l'Environnement dans le cabinet de Jean Charest, qui faisait la promotion de la «réingénierie» de l'État. Ce programme voulait entre autres l'augmentation des frais de garderie et le relâchement des lois contre la sous-traitance: des politiques qui ont déclenché d'importantes manifestations en l'espace de quelques mois.
Mulcair a également appuyé des lois ouvrant la porte à la privatisation du système de santé et des clauses permettant de réduire les salaires de 500.000 travailleurs du secteur public. Il a seulement quitté le gouvernement libéral en 2006, s'opposant à la décision de Charest de développer des terres protégées pour de l'immobilier.
En 2006-7, Mulcair est entré en négociation avec les conservateurs fédéraux pour se joindre au gouvernement de Stephen Harper en tant que conseiller. Son opinion favorable de Thatcher confirme que cette proposition était entièrement cohérente par rapport à son idéologie de libre marché. Comme Mulcair l'a dit lui même auparavant, ses négociations avec d'importants conseillers de Harper ne se sont pas effondrées à cause de différents concernant le programme des conservateurs de réductions budgétaires et d'impôts, ou sa politique étrangère impérialiste agressive, mais plutôt sur l'accord de Kyoto.
Le flirt de Mulcair avec les conservateurs était considéré comme un signe positif plutôt qu'un problème au sein du NPD. Quand plus de détails sur ses négociations avec des représentants du gouvernement conservateurs furent publiés plus tôt cette année, un porte-parole du NPD Karl Bélanger a répondu que le fait que tous les partis fédéraux aient tenté de recruter Mulcair prouvait qu'il était largement respecté en tant que «fonctionnaire».
Les néo-démocrates avaient abandonné leur timide programme réformiste timoré depuis longtemps quand Mulcair s'est joint au parti en 2007 et est devenu le seul député du parti au Québec. Il a été rapidement promu dans les échelons supérieurs du parti et était présenté comme un futur dirigeant du NPD bien avant la mort soudaine de Jack Layton en 2011.
Même si le NPD n'a pas encore détenu le pouvoir au niveau fédéral, il a démontré dans plusieurs gouvernements provinciaux depuis les années 1990 qu'il est voué aux attaques contre la classe ouvrière et à l'investissement en réduisant les impôts des entreprises. En 2008, il a conclut une entente au niveau fédéral avec les libéraux pour faire tomber le gouvernement Harper, qui comportait une réduction d'impôts en cinq ans de 50 milliards de dollars, un engagement à la «responsabilité fiscale» ainsi qu'une promesse de faire la guerre en Afghanistan jusqu'en 2011. Cette entente n'a pas été réalisée uniquement à cause du coup anticonstitutionnel de Harper, quand il a persuadé le gouverneur général de proroger le parlement.
Sous la direction de Mulcair, le NPD s'est orienté encore plus vers la droite. Il a plusieurs fois soulevé la possibilité de collaborer dans un gouvernement avec les libéraux après les élections: le parti qui a mis en place les plus importantes coupes sociales dans l'histoire du Canada dans les années 1990.
Quand les conservateurs ont cassé une série de grèves des travailleurs de Postes Canada et CP Rail, le NPD a travaillé avec ses alliés dans la bureaucratie syndicale pour forcer les travailleurs à retourner au travail en prétendant qu'ils ne pouvaient défier les lois imposées par le parlement.
Les politiques économiques et sociales de droite mises de l'avant par Thatcher ont été adoptées par des partis anciennement sociaux-démocrates à travers le monde. Le Parti travailliste de Grande-Bretagne a adopté l'héritage de Thatcher quand il est venu au pouvoir en 1997. Sous Tony Blair, les travaillistes n'ont rien fait pour défaire les attaques contre les services publics et l'aide sociale menées par Thatcher ni pour révoquer ses lois antisyndicales réactionnaires.
Blair a entraîné la Grande-Bretagne dans une série de guerres impérialistes, incluant en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003. L'attitude des travaillistes envers l'augmentation rapide du niveau des inégalités sociales a été résumée par la fameuse déclaration d'un membre dirigeant, Peter Mandelson, selon lequel le parti était «extrêmement détendu» à l'idée que des individus puissent devenir ridiculement riches.
Dans la campagne électorale actuelle, Mulcair attaque régulièrement le gouvernement conservateur de la droite. Il a tenté d'obtenir l'appui de la grande entreprise en proclamant que le NPD était capable de produire des budgets équilibrés de façon plus efficace en maintenant l'austérité, ce que le gouvernement Harper n'a pas réussi depuis 2008, tout en conservant un taux d'imposition réduit pour les riches et des réductions d'impôts pour les petites et moyennes entreprises. Il ne serait pas exagéré de dire qu'il n'y a aucune proposition du parti avec laquelle Thatcher n'aurait pas été d'accord.
Il n'est donc pas surprenant que le NPD ait louangé Mulcair après qu'il a fait les éloges de Thatcher. Bélanger s'est une fois de plus précipité à la défense de Mulcair, affirmant que ses remarques avaient été «déformées» et prises hors contexte.
Mulcair en a profité pour réitérer sa position en tant que politicien bourgeois de droite prêt à suivre les instructions de la grande entreprise. «Il y a certaines choses qui fonctionnent, et d'autres qui ne fonctionnent pas, et il n'est pas surprenant que je sois en faveur de ce qui fonctionne», a-t-il affirmé lors d'un discours de campagne en Colombie-Britannique il y a deux semaines. Pour Mulcair, «les choses qui fonctionnent», est un synonyme pour les politiques qui visent l'enrichissement continu des couches les plus aisées aux dépens des travailleurs.
(Article paru en anglais le 21 août 2015)