Le gouvernement japonais a annoncé lundi que la production économique du pays a diminué de 0,4 pour cent au deuxième trimestre, soit 1,6 pour cent sur une base annualisée. La consommation privée, l’investissement des entreprises et les exportations nettes ont tous chuté, principalement en raison de la décélération rapide de l’économie chinoise et la stagnation qui se poursuit en Europe et aux États-Unis.
La contraction de la troisième plus grande économie du monde a porté un coup au programme anti-déflationniste du premier ministre Shinzo Abe. Mais plus profondément, il a exposé l’échec des principaux gouvernements capitalistes à concevoir une véritable reprise en réponse à l’effondrement financier et la récession de 2008 et s’ajoute aux signes d’une crise plus profonde.
La consommation privée, qui représente environ 60 pour cent du produit intérieur brut du Japon, a diminué de 0,8 pour cent au cours du trimestre et les exportations ont chuté de 4,4 pour cent.
Ces données lamentables ont montré que l’économie japonaise stagne, au mieux, malgré un vaste programme d’achat d’actifs mené par la Banque du Japon pour les deux dernières années qui injecte des milliers de milliards de yens dans les marchés financiers. En octobre dernier, la banque centrale a accéléré le rythme d’achat d’actifs – ce qui équivaut à imprimer de l’argent – jusqu’à quatre-vingt mille milliards de yens par an.
Comme aux États-Unis et en Europe, où les banques centrales ont mené des programmes de relance financière similaires, l'injection par Abe de liquidités dans le système financier a eu l’effet de pousser à la hausse les prix des actions, a subventionné la spéculation financière et a augmenté la richesse des grandes sociétés, mais n’a pratiquement rien fait pour relancer l’économie réelle.
La croissance du parasitisme financier a été reflétée dans la réponse du marché boursier japonais aux nouvelles économiques négatives. Dans ce qui est devenu une tendance mondiale, où les grands investisseurs réagissent aux signes de ralentissement continu de l’économie réelle en poussant les actions à des valeurs encore plus hautes dans l’attente de recevoir plus d’argent de la part des banquiers centraux, l’indice Nikkei a augmenté de 0,5 pour cent lundi.
Le rapport japonais fait suite à une vague de données négatives indiquant un fort ralentissement de la croissance en Chine et à une dévaluation surprise du renminbi (aussi connu comme le yuan) la semaine dernière. La Chine, la deuxième plus grande économie du monde et le principal «moteur de croissance» de l’économie mondiale depuis le krach de 2008, est le plus grand partenaire commercial du Japon.
Les conséquences mondiales d’un nouveau ralentissement en Chine sont indiquées par le fait qu’au cours de la dernière décennie, la Chine a compté pour un tiers de l’expansion de l’économie mondiale, presque le double de celle fournie par les États-Unis.
La dévaluation a augmenté les craintes au sein des gouvernements et des marchés partout dans le monde que la Chine est peut-être sur le bord d’une crise majeure. Ceci a suivi les rapports officiels que les exportations chinoises ont chuté de 8,3 pour cent en juillet et les prix à la production du pays ont décliné pour le 40e mois consécutif, ce déclin s'accélérant en juillet.
Les exportations chinoises vers le Japon sont en baisse de 10 pour cent par rapport à l’année dernière. (Ils sont en baisse de 12 pour cent vers l’Europe.)
Suivant la dévaluation initiale, Pékin a rapporté que la production en usine en juillet était à peine au-dessus du niveau le plus bas depuis quatre ans atteint en mars dernier. L’investissement des entreprises a crû à son rythme le plus lent depuis l’an 2000 dans les sept premiers mois de 2015. L’effondrement de l’investissement immobilier était au cœur de ce ralentissement.
Les importations chinoises ont chuté de 8,1 pour cent en juillet par rapport à juillet dernier, après une baisse de 6,1 pour cent en juin, reflétant un ralentissement de la demande des industries chinoises en matières premières.
Tao Wang, économiste en chef de la Chine chez UBS, a déclaré: «De toute évidence, le principal problème pour la Chine reste l'augmentation des pressions déflationnistes.»
Le ralentissement en Chine a eu un impact particulièrement brutal sur l’économie japonaise. Mais les exportations japonaises ont également été impactées par effondrement de la demande en Europe et aux États-Unis.
Vendredi dernier, les responsables européens ont signalé que le PIB de la zone euro de 19 nations a connu une croissance de seulement 0,3 pour cent au deuxième trimestre. La France a stagné complètement. L’Allemagne n’a augmenté que de 0,4 pour cent. L’Italie a augmenté de 0,2 pour cent par rapport à 0,3 pour cent au premier trimestre, et l’économie néerlandaise a réalisé seulement 0,1 pour cent de croissance. L’économie de la région reste inférieure à ce qu’elle était dans le deuxième trimestre de 2008.
Et aux États-Unis, la Federal Reserve Bank of New York a publié lundi son enquête mensuelle de l'industrie de fabrication, montrant une forte baisse de l’activité à ce jour en août. L’indice des conditions d’affaires est passé de + 3,9 en juillet à – 4,9, son point le plus bas depuis avril 2009, au plus fort de la crise.
La baisse continue des prix des matières primaires est une expression directe de pressions déflationnistes mondiales. La baisse des prix du pétrole qui a commencé l’année dernière s’est approfondie lundi avec le pétrole brut intermédiaire de West Texas qui a chuté de1,1 pour cent de plus, après une baisse de 3 pour cent la semaine dernière, pour clôturer à 42,05 dollars le baril, son niveau le plus bas en six ans. Le prix du cuivre a baissé de 1 pour cent de plus à Londres. Un indice Bloomberg des matières primaires a chuté à son plus bas niveau depuis le début de 2002.
Le ralentissement général est en train d’avoir un impact particulièrement sévère sur les économies dites «émergentes» en Europe de l’Est, en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Les actions, les obligations et la monnaie de ces pays ont généralement chuté depuis que la Chine a annoncé sa dévaluation.
La livre turque, le peso mexicain et le rand sud-africain ont tous atteint des planchers records contre le dollar lundi, tandis que les monnaies de la Malaisie et l’Indonésie ont chuté à leur niveau le plus bas depuis la crise asiatique de 1997-98. D’autres monnaies qui ont fortement chuté sont le baht thaïlandais et la roupie indonésienne. L’index des monnaies des marchés émergents de JP Morgan a baissé de 2,4 pour cent ce mois-ci à son plus bas niveau depuis qu’il a été calculé pour la première fois en 2000.
L’un de ces pays ou d’autres qui sont dépendants des flux de capitaux depuis les grandes économies et l’expansion de leurs marchés d’exportation pourrait basculer dans l’insolvabilité et déclencher une autre crise financière mondiale.
Dans une chronique publiée lundi par le Financial Times, Jay Pelosky, directeur de J2Z Advisory, a écrit: «Depuis 2010, les pays émergents sont le moteur de la croissance mondiale, ce qui suggère que les déboires actuels des économies de la Bric [Brésil, Russie, Inde, Chine] sont à noter: oui, l’Inde est en croissance, mais le Brésil et la Russie sont dans une profonde récession tandis que la Chine ralentit rapidement... Contrairement à 2010, la Chine ne sauvera pas l’économie mondiale. Les chances d’une récession mondiale semblent être dans la gamme de 35 à 40 pour cent et vont en augmentant»
L’économie mondiale est plus étroitement interconnectée et complexe que jamais auparavant dans l’histoire. Mais sa division en États-nations rivaux, le cadre politique de base de la propriété privée capitaliste des moyens de production, rend toute résolution rationnelle et progressiste de la crise dans le cadre du capitalisme impossible.
Au lieu de cela, ce qui prédomine est une croissance ininterrompue du parasitisme et de la criminalité. Au cœur de la crise est une forte baisse de l’investissement productif. Avril dernier, le Fonds monétaire international a admis qu’il n’y avait pas de perspective pour un retour à des taux de croissance «normaux», tels que ceux qui sont antérieurs à l’effondrement financier de 2008. Il a attribué cela avant tout à une baisse marquée de l’investissement productif dans les économies avancées d’Europe et d’Amérique du Nord.
Les grandes sociétés américaines sont assises sur une montagne de liquidités de 1400 milliards de dollars. Mais les investissements d’infrastructure dans le premier trimestre aux États-Unis ont diminué de 2,8 pour cent. L’élite patronale et financière est en train d’affamer l’économie de l’investissement productif, et à la place est en train de se livrer à des manipulations financières et escroqueries qui augmentent sa richesse personnelle au détriment de la société. Le résultat est un chômage de masse, la baisse des salaires et la pauvreté croissante et la misère sociale pour la classe ouvrière.
Fusions et acquisitions, qui génèrent des milliards pour les banques et les grands investisseurs tout en détruisant des emplois, sont à des niveaux records, non seulement aux États-Unis, mais à l’échelle internationale. C'est la même chose pour les rachats d’actions, dans lesquels les bénéfices des entreprises ne sont pas utilisés pour accroître la production ou mener des recherches et du développement, mais pour acheter les propres actions de la société pour faire grimper leur prix et augmenter les primes des dirigeants et les revenus des investisseurs.
Depuis 2004, les entreprises américaines ont dépensé près de 7000 milliards de dollars pour acheter leurs propres actions. Selon le professeur William Lazonick de l’Université du Massachusetts, cela représente environ 54 pour cent de tous les bénéfices réalisés par les 500 sociétés de l’indice de Standard & Poor entre 2003 et 2012.
(Article paru d'abord en anglais le 18 août 2015)