Depuis plusieurs jours, le premier ministre Manuel Valls et les principaux dirigeants du Parti socialiste déclarent qu’ils vont à nouveau se servir de l’article 49-3 de la constitution pour imposer, sans vote du parlement, l’impopulaire loi Macron à l’issue de son deuxième passage à l’Assemblée nationale, à partir du 16 juin.
Le gouvernement Hollande avait déjà eu recours à cette méthode en février de cette année pour s’épargner un vote problématique pour sa loi, critiquée par les « frondeurs » du PS. A la suite de cette mesure, le gouvernement avait dû faire face à une motion de censure déposée par l’opposition conservatrice et qui avait le potentiel de le faire chuter. La motion n’a pas eu le soutien nécessaire et le gouvernement est resté en place.
Cette manœuvre a permis aux « frondeurs » de défendre le programme du gouvernement Hollande sans soutenir publiquement la loi Macron.
La loi Macron, du nom du ministre de l’Economie et ancien financier de chez Rothschild, Emmanuel Macron, est une loi totalement réactionnaire qui traduit pour la France les mesures de contre-révolution sociale décidées par l’UE. Elle comporte des attaques fondamentales du droit du travail, une flexibilisation accrue des heures et conditions de travail et une précarisation accrue de l’emploi. (Voir France: avec la loi Macron, le Parti socialiste fait avancer la déréglementation libérale
Une de ses fonctions avouées est d’envoyer au capital financier français et international le message que le gouvernement du Parti socialiste est absolument déterminé à mener à bien toute attaque de la classe ouvrière qu’il exigera.
Après l’imposition de la loi, elle fut discutée au Sénat qui l’a amendée. Une commission des deux assemblées a échoué à trouver un accord entre les deux versions. La loi est retournée la semaine dernière en « deuxième lecture » à l’Assemblée nationale qui l’a plus ou moins fait revenir à sa version d’avant son passage au Sénat.
Le gouvernement en a profité pour apporter ses propres amendements qui ont encore renforcé et aggravé la loi sur certains points.
Valls mais aussi Bartoloné le président (PS) de l’Assemblée nationale avaient déjà annoncé l’utilisation possible du 49-3 dès la fin du congrès du PS qui s’est tenu du 4 au 6 juin. Valls avait dit « qu’il n’excluait rien » et Bartolone a dit: « … je préfère le 49.3 à un débat qui s’éternise et qui afficherait une nouvelle fois sur le même texte, les mêmes divisions qu’au moment de la première lecture ».
Selon RTL en ligne, l’ « entourage de Manuel Valls argue qu’‘il faut montrer aux Français que ça va vite. Peut-on se permettre une semaine ou deux de débats alors que les Français pensent que la loi est déjà adoptée ?’et qu’il ‘assume parfaitement le 49-3’ ».
« Nous voulons aller vite, et cette solution me paraît la bonne solution…., il faut avancer et le 49-3 est une option raisonnable », a dit mercredi, [10 juin] sur Europe1, le secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen.
Il est déjà clair que l’opposition ne pourra pas faire voter de motion de censure et le faire tomber faute des voix nécessaires. Lors de la dernière motion de censure, les « frondeurs » du PS avaient refusé de voter contre le gouvernement.
Le recours au 49-3 dans ces conditions montre qu’il a avant tout peur qu'une discussion publique de plus sur cette loi ne renforce l’opposition populaire à son encontre. En février Valls avait justifié son premier recours au 49-3 ainsi : « Nous sommes dans un moment où, en conscience, on ne peut pas affaiblir le chef de l’Etat et le gouvernement. »
Certains députés « frondeurs » ont bien laissé entendre à nouveau qu’ils pourraient voter contre la loi tout en disant qu’il ne s’agissait pour eux que de la « négocier ». Loin d’être une « opposition » à Hollande et Valls , les frondeurs sont partie intégrante du mécanisme gouvernemental et parlementaire contre la classe ouvrière. Plusieurs organes de presse ont écrit que l’utilisation du 49-3 était en fait en faveur des frondeurs.
RTL en ligne écrit par exemple: « Selon une source socialiste, le recours à cet article, s'il reste une ‘défaite collective’, pourrait ‘arranger tout le monde’: ‘les frondeurs n'auront pas à se compter, ça libère un peu de temps parlementaire alors que l'ordre du jour est extrêmement chargé et tout le monde est un peu fatigué d'avoir les mêmes débats dont on n'arrive pas à sortir’ ».
Une vidéo du journal Les Echos dit: « Sans faire barrage au gouvernement les frondeurs veulent tout de même négocier ce texte, ... le 49-3 est la solution qui arrange tout le monde elle permet à Manuel Valls d’aller vite et aux frondeurs de ne pas perdre la face ».
Les frondeurs sont le rouage « oppositionnel » qui permet la collaboration des syndicats et des partis de pseudo gauche, comme le Nouveau parti anticapitaliste, avec le PS dans l’attaque de la classe ouvrière. (Voir : Le Nouveau parti anticapitaliste orienté vers ceux qui critiquent Hollande au sein du Parti socialiste)
Cette division du travail a été bien illustrée le 13 juin dans une manifestation « nationale » à Guéret où on a vu défiler sur une plate forme politique commune réactionnaire, deux ou trois mille membres des syndicats, du Front de Gauche (PCF et PG de Jean-Luc Melenchon) et de la pseudo gauche avec en tête le NPA. Présents étaient également des dirigeants régionaux du PS. On organisait cette manifestation progouvernementale sous prétexte de « défendre le service public ».
La déclaration commune de cette journée « pour la défense du service public » qui incluait aussi des députés du PS n’a pas mentionné une seule fois la loi Macron, le fer de lance de l’offensive pour la déréglementation et la privatisation des services essentiels. Cette manifestation n’avait pas pour but d’inquiéter le gouvernement mais de répandre un peu plus l’illusion que le capitalisme pouvait fonctionner « autrement ».
Pour les frondeurs, Mélenchon et la pseudo-gauche, il ne s’agit pas de s’opposer à la destruction brutale des acquis sociaux et démocratiques de la classe ouvrière qui sont pour le capitalisme un frein au profit, mais d’aménager celui-ci de façon à ce que la petite bourgeoisie affluente ait accès à la richesse de l’élite.
A Guéret, ils ont répandu l’illusion qu’on pouvait garder les services essentiels comme l’approvisionnement en eau et en énergie, les services de santé, en apportant que quelques modifications de détail au capitalisme en crise. Mélenchon s’oppose à l’utilisation du 49-3 sur la base d’une réforme de la constitution bourgeoise, c'est-à-dire d’une continuation et d’un renforcement du capitalisme.
L’évacuation brutale le 8 juin de réfugiés à la porte de la Chapelle à Paris par la police sur ordre du gouvernement Valls au même moment où celui-ci annonce qu’il passera outre au vote parlementaire, montre la véritable nature du régime capitalisme défendu par le PS. Un système en faillite profonde dont la seule voie vers l’avant est la répression, la dictature et la guerre, et un gouvernement déterminé à imposer précisément cela et que la classe ouvrière doit renverser.