Des représentants de l’administration Obama et du gouvernement ukrainien ont cherché à allumer une atmosphère de guerre froide contre la Russie lors de prises de parole mercredi et jeudi. Ils ont déclaré que le régime droitier de Kiev, porté au pouvoir par l’impérialisme américain et européen dans un coup d’État mené par des groupes néo-fascistes, était la première ligne sur le front du « monde libre. »
Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a donné le ton mercredi à Washington lors de réunions avec le vice-président Joe Biden à la Maison-Blanche et avec la rédaction du Washington Post; il a attaqué le président russe Vladimir Poutine et allégué une agression russe en Ukraine orientale.
« Poutine joue avec le sentiment nationaliste d’extrême droite qui existe encore en Russie », a dit Iatseniouk – cela de la part du chef d’un gouvernement lui-même un concentré à haute dose du « sentiment nationaliste d’extrême droite » en Ukraine. Le mois dernier, le régime de Kiev avait interdit d’arborer les décorations militaires de l’ère soviétique et les distinctions de ceux ayant combattu dans l’Armée rouge contre l’invasion hitlérienne de l’URSS. Il a déclaré les anticommunistes ukrainiens qui ont collaboré avec les nazis et massacré Juifs et Polonais, les véritables héros nationaux.
Iatseniouk a dit à la rédaction du Washington Post que l’Ukraine, bien que n’étant pas membre de l’OTAN, était devenue la première ligne du front de l’OTAN contre la Russie. « Si nous échouons, ce sera un échec de tout le monde libre ».
Le Washington Post a répondu jeudi par un éditorial exigeant une aide militaire américaine à l’Ukraine et critiquant Obama parce que « [il] a cédé la direction sur la question à l’Allemagne et à la France et ignoré ceux dans son administration et au Congrès qui soutiennent les livraisons d’armes. »
Le thème de Iatseniouk a été repris jeudi par Samantha Power, l’ambassadrice de Washington à l’ONU, dans un discours d’une heure devant un public de nationalistes ukrainiens virulents à Kiev. Power personnifie l’impérialisme des « Droits de l’homme ». Elle s’est d’abord fait connaître comme une critique du refus de l’administration Clinton d’intervenir dans le génocide rwandais en 1994 – un massacre lié à la rivalité entre l’impérialisme français et américain dans la région.
Power fut assistante d’Obama en politique étrangère pendant dix ans; elle est associée aux campagnes pour une intervention américaine au Soudan sous prétexte d’empêcher un génocide au Darfour, et à des efforts similaires en Afrique centrale, en Libye, en Syrie, au Nigeria, et actuellement en Ukraine. Comme tous les défenseurs des intérêts impérialistes américains, Power applique un deux poids deux mesures grossier pour les crimes d’alliés des États-Unis (sans parler de ceux des Etats-Unis en Irak, Afghanistan et ailleurs). Aucune indignation de sa part lors des massacres de masse d’Israël à Gaza ou ceux du dictateur militaire égyptien al-Sisi. Elle soutient l’actuelle campagne de bombardement et de famine de l’Arabie saoudite au Yémen.
Même mesuré à cette aune, le discours de Power à Kiev jeudi était remarquable par sa duplicité et son hypocrisie. Elle a dénoncé comme des « mythes » l’affirmation bien fondée des responsables russes que « les manifestants du Maïdan étaient des pions de l’Occident », et que l’« Euromaïdan avait été manigancé par les capitales occidentales pour renverser un gouvernement démocratiquement élu. »
La responsable du Département d’État Victoria Nuland s’est vantée que ce dernier avait financé le mouvement ukrainien contre Viktor Ianoukovitch. Dans une discussion enregistrée avec l’ambassadeur américain à Kiev elle prévoyait de faire de « Iats » -- diminutif pour le dirigeant de l’opposition Arseni Iatseniouk, le chef d’un nouveau gouvernement proaméricain.
Power a déclaré que le mouvement du Maïdan était dirigé contre « la concentration du pouvoir dans les mains de quelques oligarques » mais évité toute mention du président ukrainien dont l’arrivé au pouvoir en fut une conséquence, le milliardaire Petro Porochenko connu comme le « roi du chocolat, » et qui personnifie l’oligarchie corrompue dont l’emprise sur l’Ukraine n’a été que renforcée.
Passant à la crise politique actuelle provoquée par des coupes massives dans les dépenses sociales et le niveau de vie et exigées par les créanciers de l’Ukraine (dont le FMI, l’UE et les USA), Power a déclaré que c’était là l’aboutissement du mouvement Maïdan de 2013-2014. « Il s’agit de passer de l’ exigence du changement à la réalisation effective du changement », a-t-elle déclaré. « Vous vivez encore dans la révolution. »
La suggestion de Power que les Ukrainiens continuaient de « réaliser le changement » est venue quelques jours seulement après des protestations de masse contre les mesures d’austérité soutenues par les États-Unis et les mesures dictatoriales adoptées par leur gouvernement fantoche de Kiev. Il y aurait un refus généralisé du service militaire par la jeunesse ukrainienne qui ne veut pas être forcée dans l’armée pour lutter contre ses voisins à l’est. La semaine dernière, une marche de la fierté LGBT a été agressée par des milices d’extrême droite alliées au gouvernement.
On peut facilement imaginer la réaction des États-Unis si ces événements se passaient en Russie. Ils saisiraient l’occasion pour une campagne massive et orchestrée par les médias. Mais comme ils se passent en Ukraine, ils ont été ignorés des médias alors que les États-Unis poursuivent sans relâche leurs préparatifs de guerre.
Tant le discours de Power que les déclarations d’Iatseniouk et celles du Washington Post, présentent le monde à l’envers. Dans le monde orwellien des stratèges de l’élite américaine, un régime droitier installé par un putsch soutenu par les impérialistes face à une profonde opposition domestique populaire devient un phare du « monde libre »; la militarisation sans relâche de l’Europe de l’est par les États-Unis et l’OTAN deviennent une riposte nécessaire à « l’agression russe. »
Tout cela sert de préparatifs à une escalade militaire encore plus sanglante. L’opération ukrainienne visait dès le début à préparer le terrain à une guerre avec la Russie.
Ces plans se trouvent maintenant dans une nouvelle phase. Plus tôt cette semaine, les pouvoirs du G-7 se sont réunis pour dénoncer « l’agression » russe et déclarer leur volonté d’imposer de nouvelles sanctions. Et dans les coulisses, les États-Unis préparent la réintroduction de missiles nucléaires en Europe et le lancement de frappes préventives sous prétexte de violations par la Russie d’un traité sur les armes nucléaires.
Derrière une propagande de plus en plus grossière, l’impérialisme américain prépare une catastrophe à l’échelle de la planète.
(Article paru d'abord en anglais le 12 juin 2015)