La Coalition de la Gauche radicale (Syriza) a été élue et mise au gouvernement le 25 janvier en Grèce parce qu’elle avait promis de mettre fin à l’austérité. Trois mois plus tard, ce parti est devenu pour le capital financier l’instrument clé pour continuer à imposer des coupes sociales à la classe ouvrière. La signification de cette capitulation dépasse de loin les frontières de la Grèce.
Le World Socialist Web Site avait déjà averti, un jour avant l’élection, que Syriza n’offrait aucune alternative à l’austérité, mais défendait bien plutôt le régime de dettes de l’Union européenne (EU). Nous écrivions:
« Malgré sa façade de gauche, Syriza est un parti bourgeois de droite s’appuyant sur les couches aisées de la classe moyenne. Sa politique est déterminée par la bureaucratie syndicale, les universitaires, les membres des professions libérales et le personnel parlementaire, qui tous cherchent à défendre leurs privilèges en préservant l’ordre social.... Un gouvernement dirigé par Tsipras ne serait pas seulement prêt à faire le sale boulot de l’UE et du FMI mais encore à s’en prendre violemment aux ouvriers qui s’opposeraient à son objectif de ‘renforcer la zone euro’ et de ‘sauvegarder l’équilibre budgétaire’. »
Cette estimation a été entièrement confirmée. Le lundi 27 avril, le premier ministre et président de Syriza, Alexis Tsipras, a fait comprendre tout à fait clairement qu’il imposerait pratiquement toutes les réductions demandées par l’UE. Afin d’obtenir des fonds de renflouement totalisant 7,2 milliards d’euros, il a restructuré son équipe de négociation tout en faisant des concessions très étendues.
Ce faisant, il a continué sans rupture la politique haïe du gouvernement conservateur précédent, tant du point de vue du contenu que du point de vue du personnel. Le négociateur en chef récemment nommé, Giorgos Chouliarakis, faisait déjà partie de l’équipe de négociation sous l’ancien premier ministre Antonis Samaras et bénéficie de la confiance des institutions de l’UE.
En même temps, Tsipras a franchi les dernières « lignes à ne pas franchir » que son gouvernement avait officiellement fixées dans les pourparlers. Il a déclaré son empressement à couper les pensions, augmenter la TVA et remettre à plus tard toute augmentation du salaire minimum. Sur cette base, Tsipras espère conclure un accord temporaire avec la troïka dimanche.
La proposition de Tsipras pour un référendum sur les coupes avait pour objectif d’effacer ses traces et de maintenir l’unité dans ses propres rangs. En réalité, le gouvernement Syriza a déjà pris une décision en faveur de l’austérité dictée par l’UE en faisant main basse sur les finances des caisses de retraite, des caisses d’assurance maladie et des entreprises nationales pour payer 2 milliards d’euros au FMI.
Les réformes annoncées intensifieront la crise sociale en Grèce. Plus de 25 pour cent de Grecs sont déjà sans emploi. Parmi ceux qui ont un travail, 40 pour cent sont payés moins de 630 euros par mois. Souvent, des familles entières dépendent d'une minuscule retraite.
La poursuite du pillage de la société grecque, déjà saignée à blanc, est destinée à servir d’exemple pour des coupes extensives sur le continent européen tout entier. Le fait que les préparatifs de cet assaut social soient menés par Syriza est un avertissement sans équivoque aux ouvriers. Il illustre le caractère de classe réactionnaire de cette organisation.
Syriza a été dès le départ un phénomène international. Le parti a été salué et présenté comme un modèle par les forces petites-bourgeoises du monde entier. Des partis tels que Podemos en Espagne ou le Parti de Gauche en Allemagne ont célébré dans la victoire électorale de Syriza l’arrivée au pouvoir de leurs alliés en Grèce.
Comme Syriza, ces tendances se basent sur des couches privilégiées de la petite bourgeoisie, qui sont étroitement liées à l’appareil d’État et aux institutions de l’UE, et ils voient les revendications sociales de la classe ouvrière d’un œil extrêmement hostile.
Leur assertion que l’UE peut être réorganisée pour mettre en œuvre une politique socialement plus acceptable et que la crise capitaliste peut être résolue par des réformes ne sert qu’à défendre l’ordre existant et à désarmer politiquement la classe ouvrière. Face à des conflits sociaux extrêmes, ces forces sont de plus en plus intégrées à la politique officielle. Les partis frères de Syriza se pressent de façon enthousiaste pour suivre son exemple.
Un rôle particulièrement méprisable est joué par les diverses organisations de la pseudo-gauche alignées sur Syriza. Si elles critiquent bien, sans lésiner sur les formules de « gauche », l’une ou l’autre décision prise par Syriza, elles défendent néanmoins l’orientation sociale et politique fondamentale de ce parti.
Le mercredi 29 avril, le chef de l’aile « gauche » de Syriza, Panagiotis Lafazanis, a publié une déclaration s’opposant à d’importantes concessions à l’UE. « Syriza ne signera jamais de nouvelles mesures avec l’UE au détriment de la classe ouvrière, » a-t-il déclaré. Le gouvernement Syriza libérerait selon lui la Grèce « des chaînes de la servitude et de la dépendance. »
Malgré tout son pathos nationaliste, le ministre de la réforme structurelle Lafazanis évite concrètement d’attaquer les annonces du premier ministre. En fait, sa faction a voté à l’unanimité au parlement le vendredi 24 avril en faveur du pillage des finances publiques, ce qui accroît la dépendance de la Grèce vis-à-vis de la troïka.
Ces phrases de gauche hypocrites visent à démobiliser les travailleurs dans une situation où le gouvernement se prépare à des conflits majeurs. Syriza n’a laissé aucun doute quant au fait qu’il était prêt à adopter des mesures brutales si les travailleurs cherchaient à résister aux attaques sociales.
Il y a deux semaines, Tsipras a ordonné l’expulsion manu militari de l’Université technique d’Athènes d’un peu plus d’une douzaine de militants qui avaient organisé une occupation. Le déploiement de policiers dans cette université est hautement symbolique en Grèce à cause du massacre perpétré par le régime des colonels durant la dictature.
Mercredi, Tsipras a rencontré le dictateur égyptien, Abdel Fattah Al-Sisi, et a convenu d’élargir la coopération sur la sécurité et la « lutte contre le terrorisme » -- un euphémisme pour des interventions militaires et des attaques contre les droits démocratiques.
Les travailleurs doivent prendre cela comme un avertissement sérieux. Dans leur lutte contre l’austérité, ils sont confrontés non seulement à l’élite financière et aux institutions de l’UE, mais aussi à leurs défenseurs de la pseudo-gauche.
La seule façon de lutter contre ces dangers graves est par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière européenne tout entière contre les banques et les entreprises. Telle est la leçon la plus importante de l’expérience du gouvernement Syriza. Une telle lutte exige une perspective socialiste et la construction du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) comme un parti révolutionnaire international. Nous appelons tous nos lecteurs à participer à cette lutte et à s’inscrire dès aujourd’hui pour participer au Rassemblement international en ligne pour fêter le 1er mai (le 3 mai).
(Article original publié le 1er mai 2015)