A la veille de la célébration, le 9 mai, du 70e anniversaire de la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine connaît une vague grandissante d'assassinats politiques ciblant les détracteurs du régime d’extrême droite de Kiev, soutenu par l'Occident.
Vendredi dernier, un groupe se faisant appeler l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) – du nom d'une milice fasciste ukrainienne ayant collaboré avec les forces nazies dans les génocides ethniques contre les Juifs et les Polonais pendant la Seconde Guerre mondiale – a revendiqué la responsabilité de ces meurtres. Dans un communiqué envoyé par courriel aux parlementaires de l'opposition et aux commentateurs politiques, le groupe a également donné aux personnes « anti-ukrainiennes » 72 heures pour quitter le pays ou être tuées si elles restaient.
Selon un reportage publié dans Der Spiegel, il s’est engagé à réaliser « l’extermination complète » des ennemis de l'Ukraine et une « lutte insurrectionnelle impitoyable contre le régime anti-ukrainien de traîtres et de lèche-bottes de Moscou ».
La tuerie a commencé la semaine dernière avec l'assassinat du journaliste Sergey Sukhobok. Mercredi dernier, Oleg Kalashnykov était retrouvé mort à son domicile de Kiev. C’était un ancien parlementaire du Parti des régions et un proche allié du président Viktor Ianoukovitch, l'homme politique pro-russe évincé dans un coup d'Etat fasciste soutenu par l'OTAN en février dernier et qui a mis au pouvoir le régime actuel de Kiev.
Selon Anton Heraschenko, conseiller du ministère de l'Intérieur, les tueurs attendaient Kalashnykov à l’extérieur de son domicile et lui ont tiré dessus à son retour.
Avant d’être tué, Kalashnykov avait indiqué qu'il avait reçu des menaces de mort concernant son appel à commémorer le 9 mai. Il avait adressé une lettre à ses amis dans laquelle il avertissait qu’« un génocide ouvert de la dissidence, des menaces de mort et des insultes sales en permanence » étaient devenu la « norme » depuis qu’il avait soulevé publiquement la question. Il aurait ajouté dans la lettre que l'Ukraine était sous occupation nazie.
Jeudi, le journaliste pro-russe Oles Buzyna a été abattu près de sa maison à Kiev par deux hommes armés et masqués non identifiés qui ont tiré depuis une voiture. Buzyna avait édité le journal Segodnya, une publication pro-russe financée par l'oligarque le plus riche de l'Ukraine, Rinat Akhmetov, un multi-milliardaire qui était aussi l'un des principaux sponsors du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch. L’éditeur de Neteshinskiy Vestnik ,Olga Moroz, a elle aussi été tuée jeudi dernier.
Ces meurtres étaient les derniers d'une série de morts d’opposants bien en vue du régime de Kiev. Les victimes étaient dans une large mesure des associés politiques et médiatiques de la faction de l'oligarchie ukrainienne post-soviétique liée à Akhmetov, Ianoukovitch, et à l'oligarchie du Kremlin en Russie. Ont également été tués:
* Aleksey Kolesnik, ancien président du gouvernement régional de Kharkov, retrouvé pendu le 29 Janvier;
* Stanislav Melnik, membre du Parti des régions et supposé être un proche d’Akhmetov a été tué par balle dans la salle de bain de son appartement de Kiev le 24 février;
* Sergey Valter, le maire de Melitopol, a été retrouvé pendu avant son procès le 25 Février et n’a laissé aucune lettre de suicide;
* Aleksandr Bordyuga, le chef de police adjoint de Melitopol, retrouvé mort le lendemain, dans son garage;
* Mikhail Chechetov, un ancien membre du Parti des régions, qui a sauté de la fenêtre de son appartement au 17e étage, à Kiev, le 28 février. Il a laissé une lettre de suicide;
* Sergey Melnichuk, un procureur qui est tombé d'un appartement au 9ème étage à Odessa le 14 mars.
Les responsables russes et ukrainiens se sont mutuellement accusés d’être responsables de ces meurtres. Lors d’une émission téléphonique télévisée, le président russe Vladimir Poutine a exprimé ses condoléances aux familles des victimes et a commenté le meurtre de Buzyna en disant, « Ce n’est pas le premier assassinat politique, nous avons vu une série de ces meurtres en Ukraine ».
Les responsables de Kiev ont avancé des arguments douteux pour tenir la Russie responsable des meurtres. Le président ukrainien Petro Porochenko a qualifié les meurtres de « provocation délibérée qui joue le jeu de nos ennemis, à savoir déstabiliser la situation politique en Ukraine ».
Dans l'intervalle, des responsables et parlementaires d'extrême droite à Kiev ont ouvertement approuvé et célébré les meurtres. Alors que le député Borys Filatov se réjouissait de ce qu’« une m…e de plus avait été éliminée », la parlementaire Irina Farion, députée du parti fasciste Svoboda, a elle attaqué Buzyna comme « dégénéré » et espéré que sa « mort aura l’effet en quelque sorte de neutraliser la saleté que cette [juron] a déversé. ... De telles personnes vont dans les égouts de l'histoire ».
La responsabilité politique de ces massacres incombe aux puissances impérialistes qui ont supervisé et soutenu le putsch de Kiev. Elles ont encouragé Kiev à mener une guerre civile sanglante contre les régions pro-russes de l'est de l'Ukraine et ont caché la dépendance du régime des forces fascistes et antirusses. Dans l'atmosphère politique qui en est issue, les adversaires de Kiev peuvent être assassinés sans qu’aucune enquête ne soit menée et en toute impunité politique.
Ce qui se passe en Ukraine est un avertissement à la classe ouvrière internationale. Avec le soutien de Washington et de ses alliés européens, qui prennent des mesures pour former les milices néo-nazies qui composent une grande partie de la Garde nationale du régime ukrainien, un régime d'extrême-droite est apparu dans un grand pays européen.
Face à la désintégration de l’économie ukrainienne et à la résistance de sa population aux tentatives de Kiev de rétablir la conscription pour faire la guerre à l’est de l'Ukraine, Kiev cherche à écraser la dissidence intérieure en s’appuyant de plus en plus directement sur l'extrême droite. Le régime de Kiev est tellement terrifié qu’une opposition de masse puisse s’ unir autour des manifestations du 9 mai, qu’il a interdit la discussion publique du communisme. Il a également réhabilité l'UPA et l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN
C’est là l'aboutissement d'une série de mesures d'Etat policier prises par le régime de Kiev qui ont bénéficié du plein soutien de ses commanditaires de l'OTAN. Lors des élections législatives ukrainiennes de l'année dernière, des candidats de l'opposition, y compris l’ancien candidat du Parti communiste stalinien (KPU) à la présidence de l'Ukraine, Piotr Simonenko, avaient été physiquement attaqués par des voyous fascistes.
Même avant l'assassinat de Buzyna, les responsables du régime de Kiev et leurs sympathisants réclamaient des punitions draconiennes contre les journalistes qui s’opposaient au régime. Le mois dernier, le ministre ukrainien de la Politique d'information Yuri Stets a exigé que les journalistes de la région séparatiste du Donbass dans l’est de l’Ukraine servent des peines de prison de 8 à 15 ans.
Dans un compte-rendu sur Facebook d'un discours qu'il avait prononcé à l'Université de Harvard, le commentateur pro-Kiev et analyste politique Yuri Romanenko se vantait qu'il avait plaidé en faveur du meurtre de journalistes pro-russes et résumé ainsi ses arguments:
« L'armée ukrainienne doit éliminer sélectivement et soigneusement les journalistes russes couvrant la situation au Donbass. Nous devons instruire les tireurs d'élite de l'armée ukrainiennes de tirer sur les gens portant des casques PRESSE, ce qui en fait des cibles prioritaires », a écrit Romanenko. « Puisque les médias représentent une arme destructrice et permettent à la Russie de fonctionner non seulement dans la zone de guerre, mais à travers l'Ukraine, éliminer plusieurs dizaines de journalistes dans la zone de conflit permettra de réduire la qualité de l'image présentée dans les médias russes et, par conséquent, de réduire l’ efficacité de leur propagande ».
Le meurtre de Kalashnykov, Buzyna et leurs associés politiques émane directement de l'atmosphère politique putride produite par ces élucubrations. C’est une accusation du soutien du régime en Ukraine par les puissances de l'OTAN et des illusions véhiculées par les médias occidentaux et les groupes corrompus de la pseudo-gauche selon lesquelles les manifestations droitières du Maidan et le putsch de février 2014 faisaient partie d’une révolution démocratique.
Alors que ces forces ont insisté, sans aucune preuve, pour dire que l'assassinat du politicien de l'opposition russe Boris Nemtsov était un crime perpétré par le gouvernement russe, elles maintiennent un silence hypocrite sur le fait que les opposants internes au régime de Kiev sont abattus dans les rues.
(Article original publié le 18 avril 2015)