La réunion du Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale le week-end dernier à Washington s’est concentrée sur la crise de la dette grecque. Elle a eu lieu au moment où s’élevait la crainte dans les milieux financiers d’une défaillance de la Grèce ou d’une sortie de l’euro, et celle de la montée de l'opposition de la classe ouvrière en Grèce. La « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) cherche à créer les conditions politiques dans lesquelles Syriza continuera d’imposer l’austérité.
Après la réunion, le président de la BCE Mario Draghi a appelé à la reprise des pourparlers avec Syriza pour éviter une défaillance grecque. Il a dit, « Le danger de contagion à court terme est difficile à évaluer, mais nous avons suffisamment de volants de sécurité en place. Et même s’ils ont été conçus pour des circonstances différentes, elles sont suffisantes. Mais nous entrons en territoire inconnu. »
Nonobstant son appréciation incertaine et pessimiste de la situation, Draghi a fait l’éloge de Syriza et de ses discussions informelles avec le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis à Washington. Il a dit qu’il y avait eu au cours des pourparlers avec Syriza des progrès dans « la formulation d’un dialogue politique qui fonctionne bien »
Draghi a loué la capitulation de Syriza au programme d’austérité de l’UE et sa coordination avec l’UE pour l’imposition de nouvelles attaques contre la classe ouvrière. Au moment où Syriza négocie la prochaine tranche de 7,2 milliards d’euros de prêts des partenaires de la Grèce dans la zone euro, la Troïka presse Syriza de présenter des plans détaillés pour la réforme du marché du travail et la réduction des pensions.
Dans les coulisses, une collaboration se développe entre Syriza et l’UE qui vise à intensifier massivement les attaques contre la classe ouvrière.
Le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe qui s’est distingué par ses menaces agressives et ses exigences vis-à-vis de la Grèce a dit: « N’allons pas jouer à ‘qui tiendrait le coup’ pour voir qui cèdera le premier. Nous avons un intérêt commun à parvenir à un accord rapidement ».
« Nous étions inquiets quant aux paiements précédents qu’ils devaient faire et pourtant, ils ont réussi, alors je ne sais pas quand cela deviendra vraiment dangereux. Mais je pense qu’il est dans notre intérêt commun de rester loin de ce moment-là, » a-t-il ajouté.
Alors que la Grèce est au bord de la faillite, Syriza et les cercles dirigeants à l'échelle internationale se préparent à une confrontation brutale avec la classe ouvrière.
Jeudi dernier déjà, autour de 4000 mineurs employés par la mine Eldorado Gold, située dans le nord de la Grèce, ont organisé une manifestation à Athènes pour protester contre la décision de Syriza de révoquer la licence de l’entreprise. Les travailleurs craignent un arrêt de la mine et la perte de tous les emplois. Leur marche a été la première grande manifestation ouvrière depuis que Syriza est arrivé au pouvoir. Les mineurs ont brandi des banderoles disant: « Oui aux mines, oui à la croissance, » et scandé des slogans, obligeant la police à fermer de grands axes routiers.
« La lune de miel est terminée. Nous en avons fini avec la période où l’opinion publique grecque serait d’accord avec tout ce que fait le gouvernement, » a déclaré Nikos Marantzidis, professeur à l’université de Macédoine.
Syriza se prépare maintenant à prendre la mesure explosive de couper les retraites et les salaires des salariés du secteur public. Après avoir remboursé près de 2 milliards d'euros de prêts au FMI en mars et avril, il doit payer au FMI, d'ici le 12 mai, 950 millions d'euros et prévoit de puiser dans les réserves restantes de trésorerie du secteur public grec, pour un total de 2 milliards d'euros.
Cela ne serait pas assez pour qu’Athènes puisse à la fois rembourser ses dettes envers le FMI et payer les salaires et les pensions. Selon Reuters, « Sans un accord politique avec la zone euro la semaine prochaine, Athènes est susceptible d’avoir à choisir entre payer des salaires et des pensions à son peuple ou rembourser le FMI. »
Quel que soit le résultat à court terme de la crise financière – défaillance de la Grèce ou sortie de l’euro – Syriza et ses partenaires de l’UE se préparent à une répression brutale des travailleurs grecs. Ce qui est discuté est l’imposition de facto d'une dictature militaire en Grèce.
Syriza a fait clairement savoir qu’il veut renforcer la police et que la rhétorique fausse et soi-disant de gauche avec laquelle il a été élu ne l’empêcherait pas d’imposer la répression policière. La semaine dernière, après que le ministre de l’Ordre public Yiannis Panousis a lancé un appel à l’ordre public, Syriza a ordonné à la police de briser une occupation de bâtiments universitaires par une poignée de manifestants anarchistes à Athènes.
Avant-hier, Wolfgang Münchau, chroniqueur du Financial Times, écrivait un commentaire intitulé : « La défaillance de la Grèce est nécessaire, mais le Grexit [sortie de l’euro] ne l’est pas, » avertissant qu’il n’avait « jamais vu des fonctionnaires financiers européens aussi perplexes. » Tout en préconisant plus de coupures sociales, Münchau était profondément inquiet des conséquences d’une défaillance de la Grèce ou d’une sortie de la zone euro: « Le Grexit apporterait un risque économique incalculable pour le pays même et nuirait aux ambitions géopolitiques de l’UE et à sa réputation mondiale. »
Il ajoutait: « Ma compréhension est que certains responsables de la zone euro sont au moins en train d’envisager la possibilité d’une défaillance de la Grèce, mais sans le Grexit. La complexité est sévère, et il est possible qu’ils n’aient eu le temps d’estimer toutes les implications. Mais c’est peut-être la seule façon d’éviter une catastrophe totale. » Il a averti que la décision de ne pas payer les pensions et les salaires du secteur public serait « politiquement suicidaire pour le gouvernement dirigé par Syriza. »
Quoi qu’il advienne, écrit Münchau, Athènes a besoin de temps pour préparer des mesures de type militaire: « Les deux options: Grexit ou défaillance dans la zone euro mettraient à rude épreuve les ressources même du gouvernement le mieux organisé. Il faudrait une préparation de style militaire: le contrôle des changes, la fermeture temporaire des frontières terrestres et des aéroports, la recapitalisation des banques en une nuit et la planification logistique de transférer l’argent de “A” à “B” quand le jour “J” arrivera. Est-ce que le gouvernement grec est vraiment si intelligent qu’il peut juste attendre jusqu’à ce qu’arrive le moment fatidique, puis gérer l’ensemble du processus en temps réel sans script? »
En fait, Syriza se prépare à des scénarios de défaillance de la Grèce ou de Grexit depuis que Tsipras a commencé une tournée des capitales internationales et des centres financiers il y a deux an, alors qu’il était préparé pour être un Premier ministre grec acceptable pour Washington et l’UE. Des discussions d’un tel scénario sont apparues dans quotidien grec de droite, Kathemerini qui disait que si Athènes décidait de faire défaut ou de quitter l’euro, il chercherait à le faire un week-end, lorsque les marchés boursiers mondiaux seraient fermés. Ce journal écrit que la Grèce « déploierait son armée très tôt le samedi matin et fermerait ses frontières, se préparant à transformer les euros en drachmes comme solution provisoire, une fois faite l’annonce publique. »
Le ministre grec des Finances sortant, Filippos Sachinidis, a dit qu'il doutait de ce que, dans ces conditions, « nous serions en mesure de continuer à fonctionner comme une démocratie moderne. »
Interrogé sur de tels événements par le magazine Time, Tsipras a répondu: « Nous avons un plan. Il y a une équipe d’économistes qui élabore les plans, les met à jour et les communique... Je ne souhaite pas en parler. » Il a ajouté : « Nous sommes pleinement conscients des conséquences. Nous sommes pleinement conscients des conséquences que cela aura sur le pays et sur l’Europe en général. » C’est à dire qu’alors que les médias bourgeois et les milieux politiques sont au courant de ces plans, les électeurs et les travailleurs de Syriza en Grèce et à l’étranger devaient être maintenus dans l’ignorance.
Les commentaires qui circulent actuellement dans la presse financière sont un avertissement à la classe ouvrière. Ceux qui doutent qu’un parti soi-disant de gauche comme Syriza soit capable de réprimer brutalement la classe ouvrière se font des illusions.
(Article original publié le 20 avril 2015)