Lors de leur sommet tenu à Bruxelles la semaine dernière, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont adopté un plan en dix points qui avait été négocié lors d'une réunion spéciale au Luxembourg des ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'UE.
Le plan prévoit une extension des opérations militaires et policières pour empêcher les réfugiés fuyant la pauvreté et la violence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient d'atteindre la «forteresse Europe». Ce n’est toutefois que son objectif immédiat. Des plans plus vastes sont envisagés par les anciennes puissances coloniales pour rétablir leur contrôle dans le cadre d’une nouvelle «ruée vers l’Afrique».
La réponse de l'UE à la crise des réfugiés est aussi cynique que criminelle. Les puissances européennes, après avoir collaboré avec Washington dans la destruction de la Libye et d’une grande partie du Moyen-Orient par une série de guerres «humanitaires» et d’opérations de changement de régime qui ont fait des millions de réfugiés, utilisent maintenant le chaos qu'ils ont créé pour soumettre et piller d’avantage leurs anciennes colonies sous couvert de «résoudre le problème des réfugiés» et de lutter contre la traite des personnes.
Les politiciens et les chroniqueurs à Bruxelles, Berlin, Paris, Londres et Rome discutent de plus en plus ouvertement d’une action militaire. Ils cherchent à obtenir un mandat de l'ONU pour détruire les bateaux de réfugiés au large de la côte libyenne et déployer des Forces spéciales pour traquer les trafiquants dans le pays.
Des opérations de plus grande envergure sont également envisagées, y compris la saisie de raffineries pétrolières en Libye, l'installation d'un «gouvernement d’unité» pro-impérialiste à Tripoli, la «stabilisation de la Tunisie et du Maroc», et la création de camps de réfugiés en Afrique sub-saharienne.
L'Allemagne, qui s’était abstenue lors de la guerre aérienne de l'OTAN contre la Libye il y a quatre ans, est maintenant à l'avant-garde des discussions autour d’une intervention militaire coordonnée en Afrique. Suite à l'appel lancé par le président Gauck au début de l’année 2014 pour que l'Allemagne se réarme et fasse valoir plus agressivement les intérêts impérialistes allemands, la classe dirigeante est impatiente de démontrer le retour du militarisme allemand sur la scène mondiale et de s’assurer une part du butin de l’asservissement de l’Afrique.
Nous devons «apporter plus de stabilité en Libye» et «démanteler le trafic d’êtres humains» sur le terrain, a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, à l’émission «Reportage de Berlin» de la chaîne de télévision ARD.
Roderich Kiesewetter, le représentant démocrate-chrétien à la commission des Affaires étrangères du Parlement, a déclaré dans une interview à la chaîne Deutschlandfunk que même si un mandat de l'ONU était nécessaire pour mener une «action de police en Afrique du Nord», une telle opération serait «plus facile à réaliser qu’en Irak ou en Syrie».
Dans une interview avec le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le ministre de l'Intérieur Thomas de Maiziere a préconisé «un mandat solide pour prendre des mesures contre les trafiquants», y compris l’intervention «dans les ports et leur infrastructure».
Un «mandat robuste» est un langage codé signifiant une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu de l’article 42 du chapitre 7, qui autorise «au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales», c’est-à-dire un mandat ouvert pour la guerre. La guerre de l'OTAN qui a renversé le gouvernement de Mouammar Kadhafi et a laissé le pays à la merci des milices belligérantes a été similairement cautionnée en vertu de l’article 42 du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies.
Selon Spiegel Online, les préparatifs sont en cours dans le ministère allemand de la Défense «pour une éventuelle participation allemande tant à une mission de sauvetage rapide de l'UE qu’à une opération militaire à plus long terme contre les gangs de trafiquants de la Méditerranée».
Le site rapporte que la chancelière allemande Angela Merkel a demandé à son ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, de préparer «une liste de possibles contributions de l'Allemagne à ces deux opérations». Spiegel Online continue ainsi: «L'armée a déjà présenté au ministre des listes de navires allemands qui sont disponibles pour les deux options».
Sous le titre «Ce que notre marine peut réaliser dans la Méditerranée», le Frankfurter Allgemeine Zeitung appelle l'Allemagne à jouer un rôle de premier plan dans toute opération militaire. Le journal écrit qu’Atalanta [l'opération anti-pirates de l'UE dans la Corne de l'Afrique] montre «le rôle que pourraient jouer à long terme les forces allemandes dans une telle formation multinationale». Il poursuit ainsi: «Les frégates allemandes seraient en mesure de diriger une flottille de navires de guerre ou de bateaux de patrouille».
Il est si évident qu’il ne s’agit pas d’aide humanitaire, mais d’une nouvelle guerre, que le Süddeutsche Zeitung s’est senti obligé d'admettre: «Ceci n’est pas une initiative humanitaire».
Les «Principes directeurs pour l’Afrique» adoptés par le gouvernement allemand au printemps 2014 donnent un aperçu des véritables objectifs qui se cachent derrière les plans dont discutent les puissances européennes. Le document parle de la «pertinence croissante de l'Afrique pour l'Allemagne et l'Europe», qui découle en partie de la croissance de l'économie et des «riches ressources naturelles» du continent. La déclaration appelle le gouvernement allemand à agir «tôt, vite, de manière décisive et substantielle» et à «utiliser la panoplie complète des ressources dont il dispose».
L'élite dirigeante allemande, 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et les crimes horribles des nazis, considère la mort de plus d'un millier de réfugiés au cours de la semaine dernière comme une opportunité. Elle et ses homologues en France, en Grande-Bretagne et en Italie exploitent la catastrophe humaine en Méditerranée – dont elles sont responsables – pour faire valoir leurs intérêts géostratégiques et commerciaux rivaux.
Le retour du militarisme allemand et la nouvelle «ruée vers l'Afrique» soulèvent des questions historiques vitales. Au début du 20e siècle, la lutte des puissances impérialistes pour le contrôle du continent n’a pas seulement conduit à des crimes contre la population indigène, elle a également exacerbé les tensions inter-impérialistes qui ont explosé dans la Première Guerre mondiale. Aujourd'hui, la crise capitaliste mondiale alimente une fois de plus une campagne effrénée de conquête et de pillage impérialistes, créant les conditions d’une nouvelle guerre mondiale avec le risque cette fois de l'incinération nucléaire.
L’agression militaire renouvelée en Afrique et le danger d'une troisième guerre mondiale ne peuvent être évités que par la mobilisation de la classe ouvrière internationale sur la base d'un programme socialiste et révolutionnaire. D'où l'importance cruciale du rassemblement en ligne qu’organise le Comité international de la Quatrième Internationale dimanche le 3 mai à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs.
Ses principaux slogans sont: À bas le capitalisme et l'impérialisme! Pour l'unité internationale de la classe ouvrière contre la guerre, la dictature et la pauvreté! Pour la paix, l'égalité et le socialisme! Nous exhortons tous les lecteurs et sympathisants du World Socialist Web Site à s’inscrire aujourd'hui à ce rassemblement en ligne.