Suite à un sommet des dirigeants européens à Bruxelles jeudi, le premier ministre grec Alexis Tsipras a promis de soumettre une nouvelle liste de mesures d'austérité.
Un communiqué des pouvoirs européens et de la Grèce rendu public vendredi matin déclarait que « les autorités grecques ser[aient] responsables des réformes et devr[aient] présenter une liste complète de réformes précises dans les prochains jours. » Ces réformes font partie de l'accord que la Grèce a conclu avec l'Eurogroupe le mois dernier.
Le communiqué ajoutait que, dans un esprit de « confiance mutuelle », toutes les parties étaient « engagées à accélérer les travaux et à les compléter aussi vite que possible. »
La crise grecque n'était pas à l'ordre du jour officiel du sommet de jeudi. Un représentant de l'Union européenne (UE) aurait cependant déclaré que la situation à Athènes était « l’éléphant dans la pièce, » la chose dont personne ne parle mais à laquelle tout le monde pense.
Les représentants politiques des banques européennes ont bien pris la mesure de Syriza, ils ont répondu à son abjecte capitulation du mois dernier en le pressant pour qu’il s’engage de plus en plus sur la voie de l’austérité. Menés par l'Allemagne, les gouvernements européens ont insisté, dans le cadre des préparatifs du prochain sommet, pour que le gouvernement dirigé par Syriza commence à imposer des mesures concrètes au risque de voir bloqué tout prêt supplémentaire. Athènes a besoin de milliards supplémentaires dans les jours et semaines à venir pour éviter un défaut sur sa dette de € 320 milliards.
Les « discussions techniques » prévues par l'accord de février pour concrétiser les mesures que la Grèce doit imposer, ont eu lieu à Bruxelles, Athènes et Paris la semaine dernière. Elles n'ont cependant pas abouti à un accord final. Ce fut le signal pour que l'UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (la ‘troïka’) accentuent encore la pression sur l'Etat grec en faillite.
Tsipras a demandé une réunion en marge du sommet avec des personnalités politiques françaises et allemandes de premier plan, ainsi qu’avec des représentants des principales institutions de l'UE. Une réunion de trois heures dans la nuit de jeudi, convoquée par le président du Conseil européen Donald Tusk, a réuni la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande, le chef de la BCE, Mario Draghi, le président de la Commission Jean-Claude Juncker et le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem.
Merkel a aussi invité Tsipras à Berlin pour de nouveaux pourparlers lundi. Elle a toutefois précisé que ni les pourparlers au sommet, ni les discussions de lundi n'allaient changer quoi que ce soit et que la Grèce devrait se conformer à l'Accord du 20 février.
Elle a déclaré après les réunions de jeudi: « Nous n'avons pas changé un iota. Vous avez probablement entendu une partie de ces choses avant. Mais il ne s’est pas passé grand-chose ces dernières semaines. » Hollande a ajouté: « Ces réformes doivent être ... compatibles avec les engagements de la Grèce ... Il n'y a pas de temps à perdre. »
Les tensions entre les dirigeants de l'UE et la Grèce ont explosé au cours des derniers jours. Mardi Dijsselbloem avait dit: « La pression monte sur la Grèce. La quantité d'argent liquide – du moins c'est ce qu'on me dit – diminue de jour en jour. Et je répète, ils n’obtiendront un prêt d'urgence que s'il y a de vraies mesures de prises, s'il y a des progrès par rapport aux réformes qui sont nécessaires en Grèce ".
Mercredi, la BCE n’a prêté à la Grèce que €400 millions de fonds de la Fourniture de liquidité d'urgence (FLU) au lieu des €900 millions que le gouvernement Syriza avait demandés. Les banques grecques sont seulement maintenues à flot grâce à leur accès temporaire à des fonds FLU.
Reuters a cité une « personne qui connaît bien la pensée de la BCE » disant qu'il n'y aurait pas d'assurance complémentaire de la dette à court terme. « C'est à la Grèce de respecter ses engagements afin d'obtenir de l'argent de ses créanciers. La BCE ne fait pas de crédits-relais ».
Les craintes d'une sortie de la Grèce de la zone euro ont mis en péril le système bancaire du pays dans une situation où le financement par le FLU couvre à peine les montants retirés par les déposants. Mercredi, entre €300 et €400 millions ont été retirés des banques, la plus grande sortie de fonds depuis que l'Accord de février a été signé.
Le même jour, le gouvernement Tsipras a fait passer un « projet de loi humanitaire » au Parlement grec, d’un coût de seulement €200 millions. Le projet de loi fournit de l'électricité gratuite et des coupons alimentaires à des familles dans la misère. Sous la pression constante de ses créanciers, Syriza avait déjà considérablement réduit le programme humanitaire de € 1,8 milliards d'euros, déjà insuffisant.
Même ceci était inacceptable pour la Commission européenne, qui a envoyé une note à la Grèce mardi l'avertissant que cette loi pourrait être considérée comme une action « unilatérale » et donc une violation de l'Accord de février.
Suite au vote, le vice-premier ministre grec Giannis Dragasakis s’est aplati devant l'UE pour mendier de l'argent. « Le pays est confronté à des problèmes de liquidités et a besoin de la coopération des partenaires européens pour couvrir ses obligations », a-t-il dit. « Nous n'avons pas reçu un seul versement de prêt depuis août 2014, mais nous avons payé toutes nos obligations. »
Le tabloïde allemand Bild a déclaré que le soutien du Parlement grec au projet de loi humanitaire était une « déclaration de guerre ».
Vendredi, il a été révélé que la BCE envisageait d'interdire aux prêteurs grecs d'augmenter le montant de la dette publique qu'ils détiennent. Le Financial Times a écrit que ce serait là « couper une source essentielle de financement pour Athènes et aggraver la discorde avec ses créanciers. »
Juncker a déclaré à une station de radio française jeudi, « je vais lui répéter [à Tsipras] ce que je lui ai déjà dit deux fois: la Grèce doit entreprendre les réformes nécessaires, la Grèce doit garantir que les engagements pris à l'Eurogroupe en 2012 et, plus récemment, soient suivis. "
Cette semaine, Alex Brazier, directeur exécutif de la Banque d'Angleterre pour la stratégie de la stabilité financière et le risque, a déclaré que la Grèce ne serait jamais capable de se débarrasser de sa dette. Il a dit à la commission parlementaire du Trésor britannique, « Je pense qu'il y a des chiffres pour l'excédent primaire que la Grèce pourrait porter, en principe, ce serait assurer le remboursement de la dette sur un certain horizon », mais il a ensuite posé la question, « Est-ce que la douleur des interventions politiques dans la gestion de ce genre de surplus primaire est tolérable? Je trouve cela difficile à croire. »
Il a suggéré qu'aucun gouvernement élu ne pouvait le faire
Le gouvernement américain a également accentué son intervention dans la crise. La position géographique de la Grèce fait qu'elle joue un rôle géostratégique clé dans l'Alliance atlantique. Alors que les États-Unis sont en train de renforcer leur encerclement provocant de la Russie par l'OTAN, le gouvernement Obama ne peut se permettre un scénario où la Grèce serait poussée dans l'orbite de la Russie. Des personnalités dirigeantes de Syriza, ainsi que Panos Kammenos, le chef des Grecs indépendants, l’autre parti de la coalition, ont suggéré qu'ils envisageaient de s’adresser à la Russie comme source alternative de financement, s'ils ne pouvaient parvenir à un accord avec l'UE.
Mardi, la Secrétaire d'Etat américaine adjointe pour les Affaires européennes et eurasiennes, Victoria Nuland, s’est rendue à Athènes pour y rencontrer Tsipras et d'autres hauts responsables du gouvernement grec. Son voyage fut motivé par l'annonce que le voyage de Tsipras à Moscou, prévu en mai, était rapproché d'un mois. Selon le quotidien grec Kathemerini le changement de date de ce voyage avait été demandé « à l'initiative d'Athènes. »
Nuland a déclaré que le Etats-Unis voulaient voir la Grèce « en mesure d'arriver à un bon accord avec les institutions créancières. »
Selon les informations diffusées par la presse, elle a aussi discuté de la sécurité, de la défense, de l'Ukraine, du groupe EI, du Moyen-Orient et des questions énergétiques. Nuland a déclaré à propos de l'Ukraine que les États-Unis « étaient très heureux qu'il y ait eu solidarité entre l'UE et les Etats-Unis et que la Grèce ait joué son rôle en aidant à établir un consensus. »
(Article original publié le 20 mars 2015)