« Aujourd’hui nous vous présentons non pas ce que nous voudrions faire, mais ce dont nous sommes capables. »
Par ces mots, Alexis Tsipras, le chef de Syriza (Coalition de la gauche radicale), a présenté le programme de son parti au Salon international grec à Thessaloniki en septembre 2014. S’il était plus honnête, il aurait rajouté, « Et ce que nous sommes capable de faire est déterminé par l’élite financière internationale, avec qui nous sommes en discussion constante ».
Le gouvernement de New Democracy/PASOK avait échoué à faire élire un nouveau chef d’Etat par le parlement le mois dernier, déclenchant des élections législatives le 25 janvier. En tête dans les sondages, SYRIZA présente son «Programme Thessaloniki» comme une solution progressiste à la crise. En fait, SYRIZA l'a formulé pour convaincre le capitalisme grec et européen qu'il est le parti le mieux placé pour empêcher un désastre imminent.
Le programme de SYRIZA prône un « New Deal européen », avec des investissements publics financés par la Banque d’investissement européen. Il souligne que, à l’opposé de la perspective du gouvernement actuel de Samaras de construire une alliance seulement « avec le gouvernement allemand », SYRIZA veut « négocier et nous travaillons à construire des alliances les plus larges en Europe ».
Son appel principal est pour « l’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) avec l’achat direct des obligations souveraines. »
Cette politique de la planche à billet est favorisé par des éléments la BCE, mais ce n’est pas le cas du côté allemand.
SYRIZA n’offre que des propositions les plus élimées pour limiter l'impact des mesures d’austérité imposés par les gouvernements successifs grecs à la botte de la « troïka » (l’Union européenne, la BCE, et le Fonds monétaire international). Il affirme qu’un gouvernement SYRIZA mènera le « redressement » de la Grèce, « inversant progressivement toutes les injustices des Mémorandums (de l’Union européenne) » pour « restaurer progressivement les salaires et pensions de retraite pour stimuler la consommation et la demande. »
Il appelle à un Plan de reconstruction nationale pour « inverser la désintégration sociale et économique, reconstruire l’économie, et sortir de la crise. » Mais le premier des quatre « piliers » du programme, qui appelle à « confronter la crise humanitaire », n’est accordé que 239 mots en tout.
Les mesures présentées ne visent que « la couche sociale la plus vulnérable », notamment une gratuité d’électricité (limitée à 3,600 KW par an) et des repas subventionnés pour 300,000 familles. D’autre mesures comprennent la restitution de la prime de Noël, des soins médicaux et pharmaceutiques gratuits pour les chômeurs sans couverture sociale, et un titre de transport public pour les chômeurs de longue durée et ceux en dessous du seuil de pauvreté.
Ce qui a été fait en Grèce constitue un désastre humanitaire, et les propositions de SYRIZA ne répondent nullement à la gravité de la situation.
Pour confronter la catastrophe sociale imposée à la Grèce, SYRIZA ne compte dépenser qu’un peu plus de €1.8 milliards, sur les €11.3 milliards total de son programme. Mais d’après le Centre pour la Recherche politique progressiste, un panel d’experts grecs, €62,5 milliards de mesures d’austérité furent imposés en Grèce entre 2010 et 2014.
Beaucoup de gens sont massivement endettés suite aux licenciements, aux réductions de salaires et de retraites, et à une panoplie de nouvelles taxes touchant surtout les plus pauvres. Mais sous SYRIZA, il n’y aurait que des « cas par cas d’annulation partielle de dettes encourues par les gens actuellement sous le seuil de pauvreté, aussi bien que le principe général de réajustement de dette pour que le service total de la dette destiné aux banques, l’état, et les fonds de la sécurité sociale ne dépassent pas un tiers du revenu du débiteur ».
L’élite dirigeante ne serait quasiment pas concernée. Concernant l’évasion fiscale généralisée des grecs les plus riches, SYRIZA propose de « collecter, au bas mot, €20 milliards sur le total de €68 milliards d’impayés étalés sur une période de sept ans ».
L’effort proposé par SYRIZA est si dérisoire qu’il doit reconnaître que cela ne rapporterait que €3 milliards dans la première année.
SYRIZA a élaboré son programme au cours d’intenses discussions avec des personnalités politiques de premier plan – surtout, et cela malgré des remarques critiques occasionnelles des deux côtés, avec les représentants de l’élite dirigeante allemande.
La semaine dernière, le quotidien italien La Stampa a signalé que Jörg Asmussen, dirgeant du Parti Social-démocrate (SPD) allemand et membre du cabinet du gouvernement de coalition de l'Union Chrétien-démocrate/SPD de la chancelière Angela Merkel, participe depuis des semaines à des pourparlers secrets avec des dirigeants de Syriza.
Asmussen, un ancien dirigeant de la Banque centrale européenne, est proche du président de la BCE Mario Draghi et du ministre de Finances allemand Wolfgang Schäuble. Business Insider l'appelle « l'homme choisi par Francfort et Berlin pour s'occuper d'Alexis Tsipras »
Ceux choisis par SYRIZA pour sonder les représentants du capital sont eux-mêmes, pour la plupart, issus de milieux bourgeois privilégiés. Ils ne sont aucunement embarrassés par leurs discussions extensives avec les institutions principales capitalistes du monde.
John Milios, chef économiste de SYRIZA, est sorti du Collège d'Athènes, l'école privée la plus prestigieuse de Grèce. Dans un entretien avec le Guardian, où il est décrit comme le fils de parents « avec des opinions distinctement pas de gauche », Milos déclare: « Je n'ai jamais eu d'affiliation avec le marxisme soviétique ».
Schäuble compte parmi ceux que Milios a rencontrés. Expliquant son rôle, Milios a dit : « [Je] continuerai à participer constamment dans la formulation de l'opinion grecque et internationale ... participant institutionnellement à des réunions cruciales avec des organisations internationales (FMI, les agences gouvernementales d'autres pays, les centres financies, etc.) tout comme ce que j'ai fait jusqu'à présent.... »
Dans un entretien avec un journal grec, Milios a dit des « contacts internationaux » qu'il rencontre régulièrement, « croyez-moi, 'là-bas' il faut une conduite des affaires très délicate ».
Un autre conseiller de Tsipras est l'économiste et héritier d'une famille de gros armateurs, Giorgos Stathakis. En janvier 2014, Stathakis a rassuré les élites financières qu'un gouvernement SYRIZA payerait la vaste majorité de la dette grecque. Il a déclaré: « Plus de 90 pour cent de la dette est la dette traditionnelle, publique des marchés, c'est à dire, des obligations. Il n'y a pas de processus juridique pour s'opposer à cela ».
Euclide Tsakalotos, autre conseiller de Tsipras, est un député SYRIZA et professeur d'économie formé à Oxford. En 2012, il a dit à l' Australian Broadcasting Corporation qu'il n'y avait rien de trop radical dans le programme du parti : « En fait, nous avons le programme que les anciens partis travaillistes et sociaux-démocrates avait dans le temps... »
La classe dirigeante sait à qui elle a affaire et qu'elle n'a rien à craindre de SYRIZA. Krishna Guha d'Evacore, société offrant des services d'investissement et de conseils financiers, a dit au Financial Times, « Nous croyons que Tsipras s'avérera plus pragmatique que la rhétorique passée de SYRIZA donne à penser. Il a ouvert des canaux de communication informels avec Berlin, Paris et Francfort et a tout intérêt à tenter de négocier des modifications relativement cosmétiques au programme grec et de naviguer les premières étapes de la reprise grecque plutôt que de la dérailler ».
Toutefois, SYRIZA sera chargé d'aller encore plus vers la droite pour éviter d'être déstabilisé par l'Allemagne et l'UE. L'hebdomadaire influent Der Spiegel a signalé samedi que Merkel est prête à voir la Grèce quitter la zone euro si un gouvernement conduit par SYRIZA venait à abandonner son engagement à imposer une politique d'austérité.
« Le gouvernement allemand considère quasiment inévitable une sortie de la zone euro (par la Grèce) si le dirigeant de l'opposition Alexis Tsipras dirige le gouvernement après l'élection et abandonne la discipline budgétaire et ne paie pas les dettes du pays », a écrit Der Spiegel .
Dans un entretien avec Rheinische Post du 31 décembre, un membre haut placé de la CDU, Michael Fuchs, a menacé: « Si Alexis Tsipras du parti de gauche grec SYRIZA pense qu'il peut réduire les efforts de réforme et les mesures d'austérité, alors la troïka sera obligée de réduire les crédits pour la Grèce.... L'époque à laquelle il fallait aller à la rescousse de la Grèce a vécu. Il n'y a plus de possibilité de chantage. La Grèce n'est plus importante pour le système de l'euro ».