Les enquêtes sur le financement illicite de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), parti de droite de l'ex-président Nicolas Sarkozy, ont débouché sur un scandale majeur, à quelques semaines des élections municipales françaises prévues pour le 23 mars.
Les luttes internes d'une élite dirigeante discréditée ont fait resurgir la criminalité politique, les sentiments fascistes, et la brutalité impérialiste dans laquelle baigne l'ensemble de la classe dirigeante. Les tentatives de l'impopulaire Parti socialiste de l'actuel président François Hollande d'exploiter ces scandales se sont également retournées contre ce parti, avec des révélations de mensonges concernant son rôle dans ces enquêtes qu'il espérait manifestement utiliser pour discréditer ses opposants.
L'image qui se dessine est dévastatrice :
Le 27 février, Le Point a fait savoir que le président de l'UMP, Jean-François Copé, un fidèle de Sarkozy controversé parce qu'il défend l'idée d'un appel à la base électorale du Front national (FN) néo-fasciste, aurait favorisé l'entreprise Bygmalion, dirigée par des amis à lui, dans des contrats pour des événements électoraux de l'UMP. Cette compagnie aurait ensuite surfacturé à l'UMP ses prestations à hauteur de 8 millions d'euros.
Le 5 mars, le quotidien satirique Canard Enchaîné a révélé que Patrick Buisson, conseiller de Sarkozy ayant des liens étroits avec les néo-fascistes, a enregistré sans autorisation des centaines d'heures de conversations avec les responsables du gouvernement Sarkozy. Des extraits ont été publiés dans la presse montrant, sans surprise, que Buisson est un personnage grossier et réactionnaire qui se vante d'avoir une culture « royaliste ».
Le 7 mars, Le Monde a révélé que Sarkozy et deux de ses ex-ministres et principaux collaborateurs, Claude Guéant et Brice Hortefeux, étaient sous écoute judiciaire depuis le printemps 2013. Les juges d'instruction enquêtant sur des allégations selon lesquelles l'ex-président libyen Mouammar Kahdafi aurait financé la campagne électorale de Sarkozy en 2007 ont entendu des discussions entre Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sur la manière d'influencer la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire en France.
Ils ont lancé une enquête sur la subornation par l'équipe de Sarkozy du procureur Gilbert Azibert. Sarkozy et Herzog auraient discuté du moyen d'obtenir une mutation de complaisance à Monaco pour Azibert en échange de son influence sur la décision de la Cour de cassation concernant la conservation de l'agenda des rendez-vous de Sarkozy pour 2007-8 comme preuve pour d'autres enquêtes. Celles-ci portent sur le rôle de la milliardaire de L’Oréal, Liliane Bettencourt dans le financement de la campagne électorale de Sarkozy, et sur le versement d'une indemnité de 285 millions d'euros par l'Etat à l'homme d'affaires Bernard Tapie, un ami de Sarkozy.
La Cour de cassation a décidé le 11 mars que ses agendas peuvent être utilisés comme preuves, un revers majeur pour Sarkozy.
Les affirmations de la ministre de la Justice du gouvernement PS Christiane Taubira selon lesquelles elle n'aurait pas été informée des écoutes visant Sarkozy jusqu'à ce que Le Monde publie son article se sont révélées être des mensonges. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a ensuite reconnu que lui-même et Taubira avaient été informés une semaine plus tôt, le 26 février. De manière embarrassante, les rapports judiciaires que Taubira brandissait lors d'une conférence de presse dans laquelle elle avait nié s'être vue notifier ces écoutes étaient en fait les courriers de la procureur Eliane Houette et de l'avocat général Philippe Lagauche qui lui en faisaient part.
Il ne fait pas de doute que les allégations contre l'UMP gaulliste sont sérieuses et, étant donné l'histoire de ce parti, crédibles. Il a accepté des versements d'argent non-déclaré venant du pétrole des ex-colonies africaines de la France pendant des dizaines d'années, conservé des liens illicites avec des figures de l'aristocratie financière comme Bettencourt, et il développe des liens toujours plus étroits avec les forces fascistes françaises.
Les tentatives du PS de profiter des scandales de l'UMP sont, cependant, d'une profonde hypocrisie. Le PS est impliqué dans tous les délits reprochés à l'UMP. Il a soutenu la campagne guerrière de Sarkozy en Libye en 2011 qui a détruit le régime de Kahdafi et, comme l'a révélé l'affaire Elf dans les années 1990 et 2000, il a reçu une part importante des fonds pétroliers africains non-déclarés. (lire : France: Affaire Elf, les condamnations révèlent la corruption aux plus hauts niveaux de l'Etat). Hollande lui-même a lancé deux guerres en Afrique l'an dernier, au Mali et en République centrafricaine.
Quant à la famille multi-milliardaire Bettencourt, qui a échappé de justesse à la confiscation de ses biens pour collaboration avec les nazis durant la Deuxième Guerre mondiale, ce furent également de proches partisans du président PS François Mitterrand, ainsi que des politiciens de droite. Les liens entre le PS et les forces fascistes ont refait surface sous Hollande, lorsque le ministre du budget Jérôme Cahuzac a dû démissionner pour fraude fiscale l'an dernier. Il était apparu que Cahuzac avait des liens politiques et financiers de longue date et toujours actifs avec des cercles du FN.
Ce que ces scandales politiques et financiers démontrent, ce n'est pas la corruption d'un parti bourgeois ou d'un autre, mais la faillite historique de l'impérialisme et de la classe capitaliste. L'impérialisme français, confronté à des crises économiques profondes, à des tensions internationales qui s'intensifient, et à l'impopularité de ses propres projets d'austérité sociale à l'intérieur du pays, est poussé par des forces de classe puissantes à légitimer son pillage de par le monde entier et de la classe ouvrière à l'intérieur du pays, en faisant la promotion du fascisme et de la guerre.
En particulier, cette soudaine vague d'enquêtes sur l'UMP de la part de magistrats sous un pouvoir PS, émergeant juste avant des élections que le PS craint de perdre en faisant un très mauvais score, suggère fortement que le PS cherche à discréditer l'UMP auprès des électeurs de droite, pour les pousser vers le FN.
Cela rappelle de près la stratégie électorale de Mitterrand au milieu des années 1980, qui cherchait à rester au pouvoir en dépit de son impopularité en divisant le vote de droite entre les gaullistes et le FN. Après son « tournant de l'austérité » en 1982-3, Mitterrand avait pris des mesures très nettes pour promouvoir le FN. Il avait fait pression sur les chaînes de télévision pour qu'elles accordent plus de temps d'antenne à Le Pen et avait changé les règles électorales ce qui avait permis au FN d'obtenir 36 députés en 1986.
Cette stratégie avait été rendue possible grâce à la collaboration des alliés staliniens et de pseudo-gauche du PS, qui avaient continué à soutenir le PS sous Mitterrand, en dépit de ses attaques contre la classe ouvrière et de sa promotion du FN, dont les conséquences deviennent de plus en plus évidentes. En s'appuyant sur la faillite des forces de la pseudo-gauche, le FN se présente comme l'unique parti d'opposition en France et il se développe rapidement. L'on s'attend maintenant à ce qu'il remporte plusieurs municipalités dans les élections à venir.
Il est significatif que le FN soit resté relativement circonspect dans ses réactions à ces affaires, en particulier une fois que les enregistrements de Buisson ont révélé des contacts entre des responsables du gouvernement Sarkozy et l'ex dirigeant du FN, Jean-Marie Le Pen, durant les élections présidentielles de 2007.
La dirigeante du FN Marine Le Pen a indiqué qu'elle craignait des révélations potentiellement encore plus compromettantes. Elle s'est félicitée du recours de Sarkozy qui demandait à placer les enregistrements de Buisson sous scellés. « Là où il y a affaire d'Etat, c'est qu'il y a des enregistrements qui circulent dans la nature », a-t-elle dit. « Ça va permettre à la justice de sceller ces enregistrements qui, sinon, pourraient passer dans des mains étrangères, dans des mains hostiles."
Ces événements soulignent que le FN s'est déjà établi comme un élément clé de l'establishment politique, du fait du tournant fascisant pris par la politique de l'ensemble de la bourgeoisie.
(Article original paru le 15 mars 2014)