La condamnation à mort prononcée lundi en Egypte par un tribunal fantoche contre 529 partisans des Frères musulmans (FM) marque une nouvelle étape dans les efforts brutaux déployés par la junte militaire pour intimider et terroriser l’opposition populaire.
Le procès qui s’est déroulé dans la ville de Minya a été une parodie de justice. La plupart des accusés n’étaient pas présents. Le juge, un laquais sanguinaire des militaires, a proféré des insultes à l’adresse des quelques prévenus admis dans la salle d’audience. Il a été interdit aux avocats de la défense d’assister à l’audience. Ces procédures répugnantes ont duré moins de deux jours et se sont soldées par la condamnation à mort de plus de 500 prévenus pour le meurtre d’un policier.
Le procès s'est tenu dans le seul but de fournir une couverture pseudo-légale pour le meurtre d’Etat de partisans des Frères musulmans, la principale opposition politique à la dictature militaire.
Avec un cynisme consommé, les Etats-Unis et l’Union européenne ont associé une critique de pure forme des condamnations à mort à une déclaration de soutien au régime des meurtriers de masse. Ils ont dit qu'ils ne laisseraient pas leur « profonde préoccupation » et leur « choc » miner la « relation importante» avec la junte. L’Union européenne a qualifié « la peine de mort » de « cruelle et inhumaine », a appelé les « autorités provisoires d'Egypte » à appliquer les « normes internationales » et a souligné que ceci « est particulièrement important pour la crédibilité de la transition égyptienne vers la démocratie. »
La junte a assassiné des milliers de personnes, elle est sur le point d’exécuter par pendaison des centaines de ses adversaires et l’Union européenne a encore le culot de parler de « transition [de l’Egypte] vers la démocratie. »
Ne voulant pas être en reste, le département d’Etat américain, dans une déclaration qui aurait pu être rédigée par un maître de l’humour noir, a lancé un appel invitant « tous les partis et groupes en Egypte à veiller à ce que, alors que progresse leur transition démocratique, celle-ci se fasse de manière inclusive. » Les 529 condamnés doivent attendre des instructions supplémentaires du secrétaire d’Etat John Kerry quant à la manière dont ils devraient « progresser » vers la démocratie, alors qu’ils se trouvent au pied de la potence pieds et poings liés et la corde passée autour du cou.
L’armée n’aurait pas osé prononcer ces peines de mort si elle n’avait pas été certaine d’agir avec le soutien du gouvernement Obama. Le maréchal Abdel Fattah al-Sissi n’est rien d’autre qu’une version égyptienne moderne de feu le dictateur chilien, le général Augusto Pinochet. Tout comme l’ancien dictateur chilien, al-Sissi est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire appuyé par les Etats-Unis et bénéficie du soutien des puissances impérialistes pour instaurer une dictature militaire fasciste et déclarer la guerre à la classe ouvrière.
Après le coup d’Etat de 1973, soutenu par le Etats-Unis, contre le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende, Pinochet avait transformé le Chili, au moyen d’escadrons de la mort, de camps de concentration et de chambres de torture, en terrain de jeux sanglant pour le capital financier international. La junte de Pinochet, soutenue par la CIA et plusieurs gouvernements américains, avait perpétré des meurtres et des disparitions d’adversaires politiques, fait voter des bas salaires et des taux d’intérêt élevés et exploité la main-d’œuvre à la pointe du fusil dans le but de générer un maximum de profit pour une infime élite dirigeante.
Comme au Chili, les méthodes barbares employées par la junte égyptienne servent les intérêts de ses sponsors impérialistes. Le gouvernement américain et ceux de l’Europe ont soutenu le coup d’Etat militaire du 3 juillet 2003 ainsi que la répression ultérieure des innombrables sit-in, manifestations et grèves organisées par la junte. Depuis le coup d’Etat, perpétré dans le contexte de protestations de masse contre le président Mohamed Morsi des Frères musulmans, la junte a interdit les FM, a tué et emprisonné des milliers de ses partisans, a promulgué une loi anti-manifestation et ancré ses privilèges dans une nouvelle constitution.
Avec le soutien de Washington et de Bruxelles, la junte militaire égyptienne cherche à étendre son règne de terreur à l’ensemble de la classe ouvrière et à réprimer brutalement, sur ordre du capital financier international, toutes les grèves et protestations.
Ce programme a été clairement énoncé par le ministre égyptien de l’Intérieur, du commerce et de l’investissement, Mounir Fakhry Abdel Nour. Un récent article de Reuters intitulé « Les investisseurs en Egypte pensent que la présidence de Sissi apportera la stabilité », le cite :
« En occident, la candidature et peut-être l’élection d’un officier de l’armée ou d’un ancien officier à la présidence d’un pays du tiers monde et en voie de développement ferait tiquer, rappelant à l’esprit l’image d’un Pinochet plutôt que celle d’un George Washington… un dictateur plutôt qu’un réformateur. [Mais] ce pays tel qu’il est actuellement a besoin d’un homme fort capable de le rassembler… L’ordre public est bon pour l’investissement et l’économie. »
Les banques et les investisseurs internationaux réclament depuis longtemps l'installation de Sissi à la présidence. « Je pense que la plupart des investisseurs diraient que cela ne semble pas très démocratique mais c’est plus stable, et donc mon investissement sera plus en sécurité, » a dit Gabriel Sterne d’Exotix, une banque d’affaires londonienne opérant sur le marché égyptien. Un rapport de la Bank of America Merrill Lynch paru le mois dernier décrit une éventuelle présidence de Sissi comme étant « bienveillante à court terme envers le marché » et exige un prêt « crucial » du Fonds monétaire international.
Au début du mois, Sissi avait menacé d’infliger des années d’austérité et de souffrance à la classe ouvrière égyptienne : « Notre situation économique, en toute bonne foi et en faisant preuve de compréhension, est très, très difficile… Il est possible qu'une ou deux générations [aient à souffrir] pour que les générations restantes vivent. »
L'intensification par la junte de ses tentatives contre-révolutionnaires de réprimer brutalement toute opposition à son régime survient dans le contexte de signes croissants d’un conflit social et d’une nouvelle explosion de luttes de la classe ouvrière. Lundi, Democracy Meter, un centre de recherche égyptien, a rapporté qu’en février le nombre de grèves et de protestations avait atteint le chiffre de 1.044 en Egypte, dont celles des médecins, des travailleurs du textile, des fonctionnaires, des chauffeurs de bus et autres secteurs de la classe ouvrière.
Selon les médias, cinq dirigeants de la grève des postiers de la ville côtière d’Alexandrie ont été interpellés et raflés mardi à l’aube à leur domicile. Le même jour, Sissi faisait l’éloge d’une « unité anti-terrorisme » nouvellement formée en faisant planer la menace que l’armée était capable « de faire l’impossible. » Selon le quotidien égyptien Al-Mary Al-Youm, il a déclaré qu’un « maximum d’efforts doit être accompli pour faire face aux menaces et aux défis de la sécurité nationale du pays. »
Les condamnations à mort et les préparatifs de la junte pour une une dictature toujours plus directement fasciste est un avertissement. Cela confirme que l’élite dirigeante ne reculera devant rien et qu’elle est prête à défendre ses intérêts de classe au moyen de mesures des plus sanglantes contre tout acte de défi de la classe ouvrière.
Le Comité international de la Quatrième Internationale appelle la classe ouvrière dans le monde entier à prendre la défense des prisonniers condamnés et de la classe ouvrière égyptienne assiégée. Il faut organiser des protestations et des manifestations pour dénoncer la junte qui est soutenue par l’impérialisme et exiger l’annulation des peines de mort et la libération de tous les prévenus.
(Article original paru le 26 mars 2014)