Perspective

Tandis que l’économie ralentit, Wall Street profite d’un boum

La semaine dernière, la Réserve fédérale a abaissé ses prévisions pour la croissance de l’économie américaine en 2014 en faisant passer à 2 % son estimation de croissance annuelle à long terme, bien en deçà de la moyenne de l’après-Deuxième Guerre mondiale de 3,3 %. Cette perspective signifie que la vaste majorité de la population n’aura aucun répit, elle qui a souffert de six années de chômage, de baisses de salaire et de coupes dans l’éducation, la santé et d’autres programmes sociaux vitaux.

L’évaluation de la Fed est l’admission que le marasme économique et le déclin du niveau de vie pour des masses de gens sont là pour rester.

Cette sombre évaluation concordait avec deux autres rapports économiques divulgués récemment. Il y a deux semaines, la Banque mondiale a abaissé ses prévisions pour la croissance de l’économie mondiale cette année de 3,2 à 2,8 % et a abaissé les prévisions de croissance pour l’économie américaine de 2,8 à 2,1 %. Le 16 juin, le Fonds monétaire international a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie américaine de 2,8 à 2 %.

Le FMI a dit que le chômage aux États-Unis ne reviendrait pas à son niveau normal avant la fin de 2017, au plus tôt.

Wall Street a réagi à l’évaluation et à la déclaration de politiques de la Fed la semaine dernière par une hausse. L’indice boursier Standard & Poor’s 500 a atteint un nouveau sommet et le Dow a grimpé de 98 points. Ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi.

À l’instar des politiques des banques centrales et des gouvernements appliquées partout dans le monde, la Fed a montré clairement qu’elle a l’intention de continuer à injecter du crédit illimité et pratiquement gratuit dans le système financier pour au moins une autre année. Lors d’une conférence de presse tenue suite à la réunion de deux jours de la Fed, sa présidente, Janet Yellen, a tout fait pour rassurer les banquiers et les spéculateurs qu’elle maintiendrait les taux d’intérêt directeurs à moins de 0,25 % pour les mois à venir et les taux d’intérêt extraordinairement bas, indéfiniment.

C’est précisément cette politique, une vaste subvention publique à l’aristocratie financière, qui, depuis le creux atteint lors du krach financier de septembre 2008, a permis aux valeurs boursières de presque tripler de valeur. Cela a propulsé les fortunes des banquiers et des PDG à des niveaux records, au moment même où l’économie réelle continue de ralentir et que le niveau de vie de la vaste majorité de la population continue de s’abaisser. Le revenu d’un ménage américain type a chuté de 8,2 % entre 2007 et 2012.

La Fed, comme prévu, a réduit ses achats mensuels d’obligations (son fameux programme d’«assouplissement quantitatif») d’un autre 10 milliards $. Dans ses commentaires à la presse, Yellen a fait comprendre clairement que les taux d’intérêt demeureront près de zéro même après que la fin de l’assouplissement quantitatif.

Elle a déclaré en plus que les marchés boursiers, dont la croissance astronomique est entièrement détachée du sombre état de l’économie réelle, n’étaient «pas surévalués». En d’autres termes, selon Wall Street, la question est déjà réglée.

Deux jours plus tôt, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, avait conseillé fortement à la Fed de maintenir ses taux à leur niveau actuel au-delà de la mi-2015, c’est-à-dire lorsque les marchés financiers croient que de légères hausses de taux seront probables. Mettant en garde contre la fragilité du système financier, elle a laissé sous-entendre que les banques centrales devaient maintenir le flot d’argent pratiquement gratuit vers les banques et les fonds spéculatifs.

La justification donnée par Yellen, Lagarde et compagnie pour ce qui revient essentiellement à une politique systématique de redistribution de la richesse du bas vers le haut est que cela permet de créer de l’emploi et de réduire le chômage. Cela n’est que pur mensonge.

Elles savent très bien qu’injecter de l’argent dans le système financier ne mène pas à un accroissement de l’investissement productif et des emplois à salaire décent. Rien n’oblige les banquiers et les grands investisseurs qui bénéficient de ce détournement de fonds publics à utiliser cette rentrée d’argent pour construire des usines ou des écoles. Lors des six dernières années, les opérations de sauvetage par le gouvernement ou les subventions provenant de la banque centrale n’ont fait qu’engraisser les comptes bancaires et les portefeuilles d’actions des super riches ainsi que financer des formes encore plus téméraires et criminelles de manipulations financières.

Afin de payer pour les dettes contractées les gouvernements, des programmes d’austérité brutaux qui détruisent les services sociaux, les emplois, les salaires, les retraites et le niveau vie de la classe ouvrière sont imposés. Entre 2007 et 2012, les dépenses et les investissements publics du gouvernement américain ont chuté de près de 8 %, la plus grande baisse en plus de cinquante ans. L’investissement par les entreprises est minimal.

En plus du détournement massif de la richesse sociale vers l’élite financière, le FMI, la Banque mondiale et la Fed continuent de demander la destruction des réformes sociales du passé et des protections pour les travailleurs, au nom de la «création d’emploi» et de la «compétitivité». Appelant à des coupes dans les subventions gouvernementales qui empêchent les coûts de la nourriture et de l’énergie d’exploser et à la privatisation des industries étatiques, la Banque mondiale, dans ses Perspectives économiques mondiales du 10 juin, déclare: «Dans un monde où les conditions financières externes devraient se resserrer et demeurer un défi, la croissance future doit de plus en plus être apportée par des politiques nationales visant à faire augmenter la productivité et la compétitivité.»

Les mêmes méthodes quasi criminelles et socialement destructrices qui caractérisent les opérations financières de l’élite dirigeante trouvent leur expression dans les politiques étrangères belliqueuses des gouvernements impérialistes. Lagarde a dit la semaine dernière que l’effondrement de l’Irak (le résultat des guerres et des opérations en sous-main des États-Unis dans ce pays, en Libye, en Syrie et ailleurs au Moyen-Orient) pourrait faire augmenter le prix du pétrole et faire dérailler davantage l’économie américaine.

Les travailleurs aux États-Unis encaissent déjà les coups de la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture entraînée par l’inflation des valeurs boursières et d'autres actifs financiers précipités par la politique des États-Unis dans des endroits comme l’Ukraine et l’Irak. Le prix national moyen de l’essence est le plus haut pour cette période de l’année depuis 2008. Plus de la moitié de tous les États américains ont rapporté une hausse du coût de l’essence. Les prix au détail du bœuf, du porc, de la volaille, des œufs et du lait sont tous fortement en hausse par rapport à l’année dernière.

La semaine dernière, le FMI a mis en garde que l’inflation des valeurs immobilières dans plusieurs pays importants augmentait le risque d’un autre krach financier. Mais les politiques mêmes que le FMI met en œuvre, dont l’injection de liquidité dans le système bancaire, produisent des bulles spéculatives qui vont inévitablement éclater.

Cette contradiction reflète le cul-de-sac d’un système qui est défendu par toutes ces institutions de la classe dirigeante: le capitalisme. C’est un système qui a produit un océan de misère humaine et d’oppression, ainsi que la stagnation et la détérioration des forces productives de l’homme. Cela est exacerbé par le pillage des ressources sociales afin de financer les marchés boursiers en fulgurante hausse, les profits records des sociétés et les fortunes personnelles d’une aristocratie financière numériquement minuscule.

Une statistique souvent citée, qui demeure extraordinairement révélatrice et accablante, résume l’irrationalité et la faillite morale et historique du système capitaliste: 85 milliardaires ont aujourd’hui autant de richesse (1,68 billion de dollars) que les 50 pour cent les plus pauvres de la population mondiale: 3,5 milliards de personnes.

Cette situation n’est pas viable, que ce soit économiquement ou politiquement. De plus en plus de travailleurs, aux États-Unis tout comme partout dans le monde, en viennent à la conclusion qu’il n’y a pas d’issue à l’intérieur du système actuel, un système qui masque à peine son objectif unique d’enrichir une minorité aux dépens de la majorité.

La tâche de l’heure est de construire la direction révolutionnaire nécessaire pour armer les luttes à venir de la classe ouvrière d’un programme socialiste et internationaliste.

(Article original paru le 20 juin 2014)

 

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