Des documents révélés par Edward Snowden et étudiés par le quotidien Le Monde soulignent le rôle de l'opérateur France Télécom/Orange dans la collecte de données pour le compte des services de renseignement français durant des décennies. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) puisait librement, et de toute apparence de manière totalement illégale, dans les données des clients d’Orange.
Le Monde s'appuyait sur des documents des services secrets techniques britanniques GCHQ extraits des archives de la National Security Agency (NSA) par Snowden. Ils démontrent, selon le quotidien, que la coopération entre la DGSE et l'opérateur «est portée par des personnes habilitées secret-défense, au sein de l'entreprise, et pérennisée, depuis au moins trente ans, par des ingénieurs, qui font la navette entre les deux institutions».
Dans l'article «La DGSE aurait un accès total aux réseaux d'Orange», Reuters souligne le fait que ces interceptions étaient encadrées par la loi du 10 juillet 1991 et concernent seulement certains cas relatifs à la lutte contre le terrorisme et à la criminalité organisée. Cette procédure se fait sur autorisation du premier ministre après le contrôle a priori de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) pour une durée limitée de quatre mois et sur la base d'une demande motivée.
Par le biais d’Orange, l'État français a mis en place un système de captation des données qui échappe à tout contrôle, comme l'explique Le Monde : «L'une des forces de la DGSE résiderait dans le fait qu'elle ne se contente pas des autorisations accordées par le législateur pour accéder aux données des clients de France Télécom-Orange. Elle dispose surtout, à l'insu de tout contrôle, d'un accès libre et total à ses réseaux et aux flux de données qui y transitent.»
La collecte «libre de tout contrôle» concerne aussi bien des Français que des étrangers. Les données «sont partagées avec des alliés étrangers comme le GCHQ» qui les transmet ensuite à la NSA américaine.
Ces révélations soulignent de nouveau la mauvaise foi des manœuvres réactionnaires du Parti socialiste (PS) dans l’affaire Snowden. À la suite des révélations de Snowden, le parlement sous majorité PS a adopté en novembre 2013 la loi de programmation militaire, rendant légaux les échanges d'informations entre les sociétés et la DGSE. Cette loi autorise la surveillance des communications téléphoniques et internet en temps réel, sans intervention d’un juge.
En fait, cette pratique se déroulait déjà, avec la complicité de l’État et de la bureaucratie syndicale, sans la couverture politique réactionnaire offerte par la loi votée par le PS. Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC de France Télécom-Orange a confirmé l'information du Monde: «Le recueil massif de données par les Etats, lui, n'obéit à aucune loi. Les opérateurs, quelle que soit leur taille, n'ont pas les moyens de résister. Etre opérateur, c'est bien plus qu'on ne le croit une fonction de souveraineté nationale. Et ce, dans tous les pays. ».
Ni Orange et ni les syndicats n'ont essayé de défendre les droits démocratiques des clients d’Orange. Comme l'explique Crozet, «Cette problématique n'est pas appréhendée» auprès des travailleurs, ce qui démontre le rôle du silence complice de la bureaucratie syndicale et des forces de pseudo-gauche qui y sont alliées, tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).
Il devient plus facile de comprendre pourquoi les organisations petite-bourgeoises de la prétendue «extrême-gauche» n'ont monté aucune défense de Snowden à la suite des révélations qu'il a faites sur la NSA. Ces organisations étaient au courant des mesures policières de l'État et en restant silencieux ils voulaient éviter que leur complicité avec les services de renseignement ne soit mise en avant.
Crozier a justifié l’inaction de l’opérateur et de la bureaucratie syndicale en prétextant la toute-puissance de l’État. Toujours selon le bureaucrate, «l'État de droit fait la différence: dans un cas, on peut couper votre câble; dans l'autre, rendre vos surcoûts insupportables au travers de modifications réglementaires.»
Ces déclarations de Crozier soulignent avant tout le fait qu’Orange et les syndicats Orange n’ont tenté ni une défense de leurs clients, ni une défense devant les tribunaux de leurs propres intérêts contre d’éventuelles manœuvres de rétorsion de l’État. Avec l’ensemble de la classe politique, ils sont complices d’une vaste opération d’espionnage dirigée contre la classe ouvrière.