Le ministre de l’Economie et ancien banquier d’affaires chez Rothschild Emmanuel Macron (PS) a présenté le 10 décembre au conseil des ministres un projet de loi de dérèglementation pro-patronale portant son nom. Au nom d’un renforcement de « la croissance et [de] l’activité », cette loi vise à appauvrir la classe ouvrière et une partie de la petite bourgeoisie dans l’intérêt des marchés financiers.
Le sommaire du projet de loi dit: « Pour remettre la France en avant, moderniser l’économie française est une nécessité. Le projet de loi pour la croissance et l’activité a pour objectif de donner de l’énergie à la société, de lui redonner de la confiance, de la simplifier, de l’ouvrir [...] Elle se construit autour de trois axes : libérer, investir, travailler. »
Le projet de loi inclut des mesures telles que la privatisation de biens publics; l’élimination des restrictions à la création d’entreprises; la réforme des prud’hommes pour limiter le nombre de litiges de la part de travailleurs contre des licenciements et en vue d’accélérer leur règlement; la décriminalisation des violations du Code du travail par l’employeur, en ne les rendant passibles que de sanctions financières; la déréglementation des conditions de travail de professions telles les notaires et les avocats; l’assouplissement du travail le dimanche.
Ces mesures réactionnaires, acclamées par le patronat, sont profondément impopulaires. Avant que le projet de loi ne soit dévoilé, les notaires et les pharmaciens étaient descendus dans la rue pour protester contre la déréglementation. Ils craignent que la loi ne baisse de 10 à 20 pour cent le prix des services qu’ils délivrent.
Selon la loi, le nombre de dimanches que les autorités locales permettront aux commerces d’ouvrir par an passera de cinq à douze. En « zones touristiques internationales », telles Paris, cependant, l’ouverture le dimanche n’est pas limitée à douze dimanches et sera permise jusqu’à minuit.
Les travailleurs qui devront travailler le dimanche ne bénéficieront pas d’heures supplémentaires. Hier, les travailleurs du commerce ont manifesté dans les rues de Paris contre le travail du dimanche et pour de meilleurs salaires en général.
Le gouvernement projette de privatiser d’importants biens publics, cédant de vastes parts de son capital dans les aéroports de Nice et de Lyon qui sont actuellement détenus à 60 pour cent par l’Etat. Il a déjà vendu sa part de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Au total, le gouvernement projette de mettre en vente entre 5 et 10 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros du portefeuille d’actifs de l’Etat d’ici les 18 prochains mois, et affectera 4 milliards d’euros au désendettement.
Ces mesures réactionnaires viennent s’ajouter aux 40 milliards d’euros de cadeaux promis au patronat au cours des trois prochaines années et aux réformes du marché du travail visant à éliminer les coûts de main-d’œuvre.
Le projet de loi a été présenté après que l’Allemagne et la France ont proposé, le mois dernier, un plan de réforme économique commun qu’ils ont appelé la « feuille de route ». Le plan exhortait la France d’imposer une plus grande flexibilité du travail et des coupes claires dans les dépenses sociales afin de ramener, dans les années à venir, la dette publique du pays de 57 pour cent à moins de 50 pour cent du produit intérieur brut.
Les plans de déréglementation inscrits dans le projet de loi sont conformes aux exigences de longue date de l’Union européenne (UE) visant à accélérer les réformes structurelles pro-patronales. Ils surviennent après que l’UE a donné à la France et à l’Italie jusqu’à mars prochain pour prouver qu’elles sont déterminées à accélérer les mesures pro-patronales pour équilibrer leurs budgets.
La semaine passée, dans une interview publiée dans le journal allemand Welt am Sonntag, la chancelière allemande, Angela Merkel, avait remarqué, « La Commission européenne a dit clairement que ce qui avait été mis jusqu’à présent sur la table n’était pas suffisant, » ajoutant, « Je suis d’accord avec cela. »
L’UE et le patronat ont salué la loi Macron. Avant que le projet de loi ne soit soumis au conseil des ministres, les ministres des Finances de la zone euro en avaient fait l’éloge dans un communiqué conjoint du 8 décembre : « Nous nous félicitons des engagements pris par la France pour accomplir l’effort nécessaire pour s’attaquer aux faiblesses structurelles de l’économie du pays et d’encourager l’application d’un vaste et ambitieux programme de réformes. »
La fédération patronale Medef a salué le projet de loi, disant qu’il allait « véritablement dans la bonne direction. »
François Cabau, chef économiste chez Barclays Plc à Londres a dit « Ce ne sera pas une révolution mais un pas dans la bonne direction. » « C’est complet et marque un changement significatif de ton et, surtout, c’est déjà sur la table. »
Le 10 décembre, l’hebdomadaire britannique The Economist a écrit, « Le projet de loi testera jusqu’où le gouvernement est prêt à aller en faisant correspondre à son discours favorable au marché des mesures concrètes. Ce sera aussi un test de la détermination [du premier ministre Manuel] Valls. Quelques députés socialistes qui s’étaient abstenus dernièrement lors du vote du projet de budget ont même menacé de voter contre la loi Macron, un geste de franche rébellion. Si ses députés frondeurs rendent le passage de la loi au parlement trop risqué pour M. Valls, il devra décider s’il est prêt à imposer les changements par décret. »
Cette loi droitière souligne le caractère profondément réactionnaire du gouvernement PS et de ses alliés de la pseudo-gauche tel le Nouveau Parti anticapitaliste qui avait soutenu le président François Hollande au second tour des élections de 2012.
Valls a carrément déclaré vouloir « sortir du logiciel des Trente Glorieuses », les années de croissance économique de l’après-guerre (1945-1975) et poursuivre une politique de désindustrialisation et de démolition des acquis sociaux obtenus par la classe ouvrière dans le quart de siècle qui a suivi le renversement du régime collaborationniste, pronazi, de Vichy.
Macron a dit lui-même que sa politique prenait modèle sur la politique pro-patronale de l’ancien premier ministre néo-travailliste Tony Blair. Macron a salué comme un tournant majeur la suppression par Blair, il y a deux décennies, de la ‘Clause 4’ du programme travailliste, adoptée en 1918 et qui appelait à la nationalisation des moyens de production.
Le ministre de l’Economie a dit à la presse le mois dernier que sa loi avait un sens similaire. Peu de gens étaient convaincus des nationalisations avant que celui-ci ne fasse voter le changement, mais celui-ci était symbolique et montrait que les choses avaient changé, a-t-il précisé.
Si le PS a cyniquement refusé d’adopter franchement une politique anti-ouvrière dénonçant le socialisme comme l’avait fait Blair, il a durant cette période poussé sa politique très loin à droite. Il a supervisé des attaques sévères contre la classe ouvrière, l’effondrement accéléré de son niveau de vie et la hausse à plus de cinq millions du nombre des chômeurs et des sous-employés.
Un rapport publié par le ministère des Affaires sociales a constaté que le nombre des personnes recevant une aide sociale d’urgence augmentait rapidement. « Le nombre d'allocataires de minima sociaux a progressé de 4,4% en 2012 en France, pour atteindre 3,8 millions de personnes. » Si l’on prenait en compte époux et enfants à charge cela signifiait que 6,8 millions sur les 66 millions d’habitants que compte la France dépendent des minima sociaux.
(Article original paru le 17 décembre 2014)