La direction d’Air France a réagi hier au vote des pilotes de poursuivre leur grève une deuxième semaine en lançant un ultimatum exigeant la fin du mouvement de grève et en menaçant de constituer la base juridique pour intenter une action en justice contre les pilotes.
Les pilotes d’Air France sont en grève depuis le 15 septembre pour protester contre les réductions des salaires et des avantages sociaux au moment où Air France projette de développer son projet low-cost Transavia. Au cours du week-end, plus de 80 pour cent des pilotes ont voté pour la reconduction de la grève jusqu’à vendredi. Hier, 60 pour cent des vols d’Air France étaient annulés.
Hier, le PDG d’Air France-KLM, Alexandre de Juniac a proposé de reporter à décembre la concrétisation du projet low-cost tout en insistant sur le fait que le projet low-cost était nécessaire pour garantir la rentabilité de la société et qu’il serait adopté. Dans une interview accordée au quotidien Le Monde, il a lancé un ultimatum contre la grève qui coûte entre 10 et 15 millions d’euros par jour à Air France.
Il a dit, « Ce matin, avec Frédéric Gagey [PDG d’Air France], nous avons fait une ultime proposition au SNPL [Syndicat national des pilotes de ligne] afin de mettre un terme à cette grève qui, comme à la grande majorité des Français, m'apparaît infondée. Nous proposons de suspendre jusqu’à la fin de l’année le projet de création de filiales de Transavia en Europe, hors France et Pays-Bas. Le temps de mener un dialogue approfondi sur le projet et de construire avec les syndicats les garanties nécessaires. »
De Juniac a clairement fait comprendre qu’il exigeait que les pilotes acceptent le projet low-cost d’Air France qui imposerait d’énormes réductions des salaires, des avantages sociaux et des conditions de travail. Il a dit, « Je demande aux pilotes d’Air France d’accompagner notre ambition d’accélérer le développement de Transavia en France. Cela veut dire reconnaître au low-cost ses spécificités : une flotte homogène, des coûts rigoureusement sous contrôle (y compris les coûts pilotes), une organisation agile et réactive. »
A la question posée par Le Monde quant à ce qu’il ferait si les pilotes d’Air France rejetaient l’offre, de Juniac a indiqué qu’il déclarerait nuls et non avenus tous les contrats existant entre Air France-KLM et Transavia : « Nous serons alors contraints de dénoncer l’accord de création de Transavia. En nous limitant à 14 avions [pour la flotte de Transavia], il bride ce développement alors qu’il y a urgence. Nous voulons passer à 37 avions d’ici à 2017. »
Il semblerait que Juniac menace de recourir à la stratégie employée par la compagnie aérienne allemande Lufthansa consistant à transférer du jour au lendemain ses activités vers Transavia où la durée du travail des travailleurs est de 45 pour cent plus longue et les salaires de 20 pour cent plus bas. « La compagnie allemande, » fait remarquer le journal conservateur Le Figaro, « confrontée à plusieurs mouvements de grève des pilotes ces derniers mois, a adopté un plan de restructuration radical de son activité court et moyen-courrier en logeant la majorité de ses vols dans sa low-cost Germanwings. »
De Juniac a remercié le gouvernement PS (Parti socialiste) réactionnaire d’avoir soutenu le projet d’Air France de tirer vers le bas les salaires dans le but de gonfler les bénéfices et la compétitivité de la société par rapport aux autres compagnies aériennes. « Nous bénéficions d’un total soutien du gouvernement, qui s’est exprimé sans ambiguïté, » s’est vanté de Juniac. « Sur le fond, il est convaincu de la pertinence de nos projets de croissance, qui permettront de créer 1.000 emplois en France, d’acheter des avions, de les mettre sur des aéroports français, de riposter face aux compagnies étrangères et de proposer des billets moins chers aux passagers français. »
Air France tente également de créer les conditions pour réprimer la grève. Lors d’une provocation évidente, la société a brandi la menace de poursuites judiciaires contre les pilotes grévistes pour avoir voulu décourager les pilotes jaunes de briser la grève. Dimanche, la direction des ressources humaines d’Air France a envoyé un courriel à tous les pilotes, disant, « Plusieurs pilotes non-grévistes ont fait part à la direction de tentatives d’intimidation par d’autres salariés... ces comportements sont punis par la loi. »
Le mouvement de grève lancé par les pilotes d’Air France reflète la colère plus générale qui ne cesse de croître au sein de la classe ouvrière partout en France face au programme du gouvernement PS de réduction drastique des coûts de main-d’œuvre, tel qu’il a été défini par le premier ministre Manuel Valls. Le principal danger auquel sont confrontés les pilotes est le fait que les syndicats qui mènent la grève soutiennent l’imposition des bas salaires. C’est pour cela qu'ils refusent de mobiliser la classe ouvrière contre le gouvernement PS détesté en France pour défendre les salaires et les conditions de travail.
Les syndicats de pilotes d’Air France, le SNPL et le SPAF, soutiennent les projets de la compagnie de s’orienter vers des activités low-cost, mais ils formulent la demande que tous les nouveaux emplois low-cost soient créés en France. Le porte-parole du SNPL, Guillaume Schmid a critiqué « le mensonge qui consiste à dire que nous sommes opposés au développement de la low-cost Transavia France. Alors que c’est le contraire. Nous préférerions qu’il y ait 50 appareils chez Transavia France et aucun chez Transavia Europe qui menace les emplois français. »
Ils critiquent aussi de Juniac pour ne pas les avoir suffisamment consultés pour l’application du projet de réduction des coûts. Un autre représentant du SNPL d’Air France a fait remarquer, « S’il avait joué cartes sur table, tout se serait mieux passé, mais nous apprenons bribe par bribe ses projets sur le low-cost en Europe. Il a tenté de passer en force. »
Les principales centrales syndicales françaises sont en train d’isoler la grève en s’associant à la campagne de propagande déclenchée par le gouvernement PS et les médias pour dénoncer la grève des pilotes.
Dimanche, le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, a dit que le sort d’Air France était « en jeu » dans ce conflit. Le « low cost, [stratégie adoptée par Air France] ce n’est pas un choix, c’est un passage obligé, c’est ça la réalité. Je pense que les pilotes en sont pleinement conscients, » a-t-il dit.
La bureaucratie syndicale craint le mouvement de grève car elle sait qu’il pourrait se propager bien au-delà d’Air France en une lutte contre le gouvernement PS; ainsi elle a commencé à critiquer les pilotes d’Air France. Le secrétaire général de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) qui est alignée sur le PS, Laurent Berger, a dénoncé la grève comme étant « indécente » et accusé « les pilotes de mettre en danger l’ensemble du personnel d’Air France. »
La CGT stalinienne (Confédération générale du Travail) a publié une déclaration réactionnaire disant que la CGT « ne condamne pas ce mouvement de grève sans pour autant soutenir le contenu ultra-corporatiste de ses revendications. »
Dire, comme le fait la CGT, que cette grève est une action corporatiste visant à la seule défense des pilotes mieux payés est une fraude réactionnaire. Ce ne sont pas seulement les pilotes mais tous les travailleurs d’Air France qui pâtiraient de l’introduction des conditions de travail low-cost. Reprocher aux pilotes de ne pas être employés pour des salaires de misère, quand le reproche vient des serviteurs surpayés des banques, tels les ministres PS et les bureaucrates de la CGT, a de forts relents d'hypocrisie.
(Article original paru le 23 septembre 2014)