Perspective

La guerre d’Obama en Irak et en Syrie

Le président Barack Obama va profiter de son discours télévisé de ce soir pour officiellement annoncer ce qui a d’ores et déjà commencé : une nouvelle guerre américaine en Irak et qui s’étendra bientôt à la Syrie.

L’homme qui s’était porté candidat à la présidence en 2008 comme opposant à la guerre de Bush en Irak cherche, tout comme son prédécesseur, à justifier la violence militaire américaine dans ce pays torturé et son extension, au moyen de tromperies et de mensonges, en Syrie.

Il y a à peine un mois, annonçant le lancement des frappes aériennes américaines, Obama les avait présentées comme une mesure à court terme particulièrement ciblée et limitée à fournir une « aide humanitaire » aux réfugiés yézédis menacés par la milice de l’Etat islamique (EI) ainsi qu’à assurer la protection du personnel américain dans la capitale kurde d’Erbil.

Ces prétextes n'ont pas réussi à susciter le soutien de l’opinion publique pour une nouvelle guerre au Moyen-Orient et ont été rapidement abandonnés. Puis il y a eu la décapitation de deux journalistes américains par l’EI. Les médias ont publié des histoires macabres sur des Occidentaux recrutés par l’EI et le risque croissant d’attentats terroristes à l’intérieur des Etats-Unis.

Ravivant l’épouvantail de « la guerre contre le terrorisme », les décapitations ont fourni un nouveau prétexte sur mesure pour une intervention militaire américaine au Moyen-Orient. Ce prétexte a été fourni à l’impérialisme américain par un groupe djihadiste sunnite qui doit son existence à Washington.

L’EI est une création des Etats-Unis. Il est né de la destruction de la société irakienne par l’armée américaine dans les années 2003 à 2011 et de la politique coloniale poursuivie par Washington pour attiser une guerre sectaire entre les sunnites et les chiites.

En Syrie, l’organisation a été directement et indirectement armée et entraînée par la CIA en tant que fer de lance de la décision américaine de renverser le régime pro-russe et pro-iranien de Bachar al Assad afin de le remplacer par un gouvernement fantoche pro-américain. Une grande partie de sa direction a des relations avec le renseignement américain. (Voir : en anglais, « American imperialism and the rise of Islamic extremism in Syria and Iraq. »)

La guerre contre l’EI sert à camoufler un programme non avoué. Les Etats-Unis utilisent la force militaire pour tenter une fois de plus de restructurer l’Irak conformément aux objectifs de leur guerre de 1991 et de leur invasion de 2003, à savoir la domination totale des vastes ressources pétrolières du pays.

Mais, de façon plus cruciale encore, la nouvelle guerre vise à renverser Assad en Syrie. Il s’agit d’une tentative de remédier au revers subi l’année dernière par Washington lorsqu’il avait dû abandonner son projet d’intervention en Syrie fondé sur des affirmations fabriquées d'attentats à l’arme chimique par Assad. Le gouvernement Obama n'avait pas été en mesure de susciter le moindre soutien populaire significatif en faveur d’une telle attaque et des divisions internes étaient apparues.

Maintenant, ce même programme est déguisé en une guerre contre l’EI avec lequel les Etats-Unis ont été alliés dans leur effort en faveur d’un changement de régime en Syrie. Les responsables gouvernementaux indiquent clairement, avant qu’Obama ne prononce son discours, qu’il a adopté une politique de frappes aériennes à la fois en Syrie et en Irak. L’on rapporte qu’Obama pressera le Congrès d’autoriser un renforcement de l’aide militaire américaine en faveur des soi-disant « rebelles » en Syrie.

La priorité de cette nouvelle guerre est la priorité fondamentale qui avait motivé la première guerre de Washington contre l’Irak il y a 23 ans: le contrôle américain absolu des ressources énergétiques du Moyen-Orient.

Cette priorité sera poursuivie si Washington réussit à renverser et probablement assassiner Assad (comme ils ont assassiné Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye). Puis Washington relancera très vite ouvertement son effort de guerre contre l’Iran.

La course à l’hégémonie des Etats-Unis au Moyen-Orient est aussi liée à l’incitation à la guerre contre la Russie de la part de Washington. L’année dernière, la Russie avait entravé le projet du gouvernement Obama d’attaquer la Syrie, unique alliée de Moscou dans le monde arabe et site de la principale base navale russe. La volonté d’éliminer un obstacle à la domination américaine du Moyen-Orient est un élément significatif de la confrontation créée par les Etats-Unis avec Moscou, par leur complot visant à renverser un gouvernement pro-russe en Ukraine pour le remplacer par un régime fantoche d’extrême droite et viscéralement anti-russe.

Cette nouvelle guerre, tout comme celles d’avant, est faite en dépit de l'opinion de la population américaine sans qu’il y ait la moindre explication ni le moindre débat public. Les décisions sont prises par une cabale formée de militaires et d’agents du renseignement, de concert avec des groupes de réflexion de Washington et Wall Street.

Mardi, Anthony Cordesman, du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) a publié un commentaire présentant les objectifs du discours d’Obama de mercredi soir. Le CSIS est un élément clé du lien associant les responsables du gouvernement et de l’armée aux groupes de réflexion dédiés aux questions de la sécurité nationale et qui façonnent véritablement les décisions d'importance vitale, dont la poursuite de la guerre, et qui ont un impact sur la population américaine et mondiale.

Sur son site web, qui est élaboré pour l’élite politique, Cordesman explique en toute franchise ce qui est en train de se préparer. Faisant remarquer qu’il « y a de nombreuses bonnes raisons pour que le président ait besoin d'être prudent sur ses propos et ne parle pas trop ouvertement des détails, » il a clairement fait savoir que les promesses d’Obama de « ne pas envoyer de troupes au sol » étaient dénuées de sens et que ce qui était en cours de lancement était une escalade militaire massive au Moyen-Orient.

« Il y a une différence essentielle entre 'pas de troupes au sol' et pas 'd’importantes unités de combat terrestre', » écrit-il. « Les Etats-Unis disposent d’ores et déjà d’un millier de personnel militaire en Irak. Il en faudra davantage à l’avenir, en plus de personnel civil du renseignement, pour l’entraînement, le transfert de matériel, l’analyse concernant le ciblage et le renseignement ainsi que pour des opérations essentielles. Idéalement, il faudra aussi des forces spéciales ou leurs équivalents pour travailler avec les régions sunnites qui soutiennent de nouveau le gouvernement ou qui deviennent hostiles envers l’Etat islamique, qui travaillent avec les Kurdes et qui intègrent les forces irakiennes pour aider à fournir une orientation tactique et une assistance dans la planification de frappes aériennes…

« Une force aérienne américaine restreinte pourrait maîtriser l’Etat islamique, mais il faudra mettre en œuvre une campagne bien plus vaste pour le vaincre en Irak et une campagne qui frappe des cibles en Syrie pour avoir une quelconque chance de ramener la taille de l’Etat islamique à une petite faction extrémiste au soutien limité. En pratique, les forces aériennes doivent être élargies bien au-delà du ciblage des éléments EI de combat avancés et frapper l’ensemble de la direction, les forces militaires, les cadres clé et les centres stratégiques politiques et économiques clé des opérations de l’EI. »

Sous le titre « Le problème Assad: l’ennemi de notre ennemi est pire que notre ennemi, » (The Assad Problem: The Enemy of Our Enemy is Worse than Our Enemy) Cordesman fait clairement comprendre que l’action militaire en Syrie qui cible soi-disant l’EI serait utilisée pour mener à bien la politique américaine en faveur d’un changement de régime contre Assad.

Pas un seul des conspirateurs n’a été tenu pour responsable de leurs guerres incessantes fondées sur des mensonges. Mardi, l’ancien vice-président Dick Cheney, l’un des principaux architectes de l’invasion de 2003 de l’Irak, a rencontré les républicains de la Chambre des représentants afin de promouvoir une guerre totale à la fois en Irak et en Syrie.

L’ancien secrétaire d’Etat, Henry Kissinger, qui a à son actif le meurtre de millions de personnes au Vietnam et le coup d’Etat fasciste qui avait amené au pouvoir Pinochet au Chili, a accordé une interview au Times of London dans laquelle il exhorte Obama à « lancer une attaque en règle » contre l’EI, en disant que les frappes aériennes « ne devaient faire aucune distinction entre la Syrie et l’Irak. »

L’ensemble de l’establishment politique et des médias à la botte du patronat s’est rangé derrière la nouvelle guerre. Le Congrès fonctionne comme une simple chambre d'enregistrement des décisions prises par le Pentagone et la CIA.

Ces événements soulignent le fait que nous vivons aujourd'hui une époque de guerre permanente. C’est ce que Bush voulait dire lorsque, s’exprimant pour la classe dirigeante américaine, il avait parlé en 2001 des « guerres du 21ème siècle. » Les guerres se suivent, chacune plus brutale et plus sinistre que la précédente.

La seule chose capable de mettre fin à la guerre perpétuelle, et qui mènera inévitablement à une troisième guerre mondiale nucléaire, c’est le mouvement indépendant de la classe ouvrière aux Etats-Unis et internationalement contre la source de la guerre impérialiste: le système capitaliste.

(Article original paru le 10 septembre 2014)

Loading