Par Pierre Mabut
30 septembre 2014
L’assassinat barbare le 24 septembre en Algérie d’Hervé Gourdel, un alpiniste français de 55 ans, par un groupe associé à l’Etat islamique (EI) a été l’occasion pour le gouvernement et les médias français d’intensifier leur campagne de guerre au Moyen-Orient.
Gourdel était en randonnée dans la région montagneuse de la Kabylie en Algérie lorsqu’il a été pris en otage par le groupe Jund al-Khalifa, lié à l’Etat islamique. Le meurtre horrible dont il a été victime a été récupéré pour attiser une campagne médiatique appelant de façon hystérique à la guerre et à des mesures autoritaires, au moment où le gouvernement PS cherche à intensifier son intervention militaire en Irak. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que « la question est posée » concernant le bombardement de la Syrie.
Jeudi dernier, le gouvernement a ordonné de mettre le drapeau français en berne sur tous les bâtiments publics pendant trois jours. Vendredi dernier, les dirigeants de la communauté musulmane, qui compte cinq millions de personnes en France, organisèrent des rassemblements devant les mosquées dans plusieurs villes pour dénoncer ce meurtre. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a dénoncé « l’horreur barbare et sanguinaire des terroristes » liés au groupe Etat islamique (EI) et souhaité que, « toute la communauté musulmane » s’élève « avec force » contre cette « idéologie mortifère » au nom de laquelle sont « perpétrées des actions qui pervertissent l’islam et ses valeurs ».
Tout ceci est accompagné d’efforts sans relâche pour terroriser le public. Le Comité de défense gouvernemental s’est réuni jeudi dernier afin de renforcer ses procédures antiterroristes et alerter les français se trouvant à l’étranger d’être « vigilants ». La présence militaire dans les terminaux de transport et galeries marchandes sera augmentée. Des contrôles d’identité spontanés et fouilles de bagages seront effectués.
Le ministère des Affaires étrangères a annoncé qu’ « aucune zone ne peut plus désormais être considérée comme totalement sûre ». L’alerte de « vigilance » pour la sécurité des français à l’étranger s’étend à 40 pays, comparé à une trentaine avant. Ceux-ci comprennent maintenant en plus : l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Ouzbékistan, les Comores, le Burundi, la Tanzanie, l’Uganda et la Somalie.
Le 18 septembre, le gouvernement a fait voter une nouvelle loi antiterroriste liberticide qui porte atteinte aux droits démocratiques élémentaires de la liberté d’expression et de déplacement, soi-disant pour tenter de mettre fin au départ de jeunes français cherchant à se joindre aux forces de l’EI.
Les passeports peuvent être confisqués pour une période de six mois pour bloquer la sortie du territoire de certaines personnes. Cette loi a été votée par l’Assemblée Nationale avec le soutien de tous les partis, de l’extrême droite au Front de Gauche, les Verts et Ecologistes s’étant abstenus. Bien que le gouvernement estime le nombre des combattants français dans I’EI à seulement 900, la nouvelle loi donne l’étiquette de terroriste à toute personne qui consulte des sites internet ou possède des documents qu’on aura jugé être en rapport avec I’EI ou des groupes semblables.
Sous-tendant toutes ces guerres et ces attaques contre les droits démocratiques, il y a une fraude politique monumentale. Il est bien connu que l’impérialisme français et ses alliés de l’OTAN ont chapeauté la fourniture massive d’armement aux diverses milices liées à Al-Qaïda qui servent de mandataires dans les guerres de changement de régime menées d’abord en Libye, puis en Syrie. En Syrie, le Front islamique et autres « rebelles modérés » dont l’OTAN a fait la promotion l’année dernière, n’a pas caché qu’il travaillait avec diverses forces liées à Al-Qaïda, telles que le Front al-Nosra et l’EI.
Oliver Besancenot, porte-parole du parti soi-disant de gauche NPA, a même demandé publiquement la livraison d’armes « gracieusement » par le gouvernement français aux milices d’opposition syriennes. Comme le président Hollande l’a clairement dit ultérieurement, les services secrets français ont exaucé ses souhaits et armé les groupes islamistes en Syrie. (voir : La France reconnaît avoir fourni directement des armes aux "rebelles" syriens).
Paris utilise maintenant de façon hypocrite le contre coup de ces opérations réactionnaires comme prétexte pour faire des guerres supplémentaires, malgré une vaste opposition populaire.
Le deuil organisé par l’Etat pour Hervé Gourdel est dans ce contexte tout à fait sinistre. Il est vrai que Gourdel a été assassiné par un milicien islamiste en Algérie. Mais les principaux responsables de sa mort sont ceux qui à Washington, Paris et dans d’autres capitales de l’OTAN ont pendant des années appuyé l’armement massif des milices islamistes à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.
A l’Assemblée Générale de l’ONU à New York jeudi dernier, le nouveau premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, annonçait aux journalistes qu’il avait reçu des informations crédibles de Baghdad que l’EI préparait un attentat visant les métros de New York et de Paris. Le cabinet du premier ministre français a réagi en disant qu’il n’y avait aucune confirmation qu’une telle attaque était préparée.
Dans tous les cas, ceci n’arrêterait pas le président Hollande dans la poursuite de son escalade militaire en Irak et en Syrie en alliance avec Washington. Hollande était déjà aux avant-postes de la campagne militaire, temporairement avortée en septembre dernier, qui devait renverser le président syrien Bashar al-Assad. Il hésite encore à attaquer les forces de l’EI en Syrie où la France a soutenu les milices islamistes d’extrême droite dans sa guerre contre Assad.
Son gouvernement essaye à présent de manipuler l’horreur et la colère ressenties par le public devant le meurtre de Gourdel afin de poursuivre la guerre qu’il n’avait pu mener il y a un an.
L’auteur recommande aussi : (France: L'Offensive de l'EIIL en Irak révèle le soutien de la pseudo-gauche à la guerre en Syrie)