La stagnation de l’économie française durant la première moitié de l’année, annoncée officiellement jeudi par l’institut national de la statistique Insee, a tétanisé le gouvernement PS (Parti socialiste) du président François Hollande. Avec des recettes fiscales en baisse contraignant Paris à envisager le report de son projet de réduire cette année le déficit budgétaire à 3,8 pour cent du produit intérieur brut (PIB), le PS se prépare à accélérer l’imposition de mesures d’austérité à l’encontre la classe ouvrière.
Alors que l’économie de la zone euro se dirige à nouveau vers une récession, y compris l’Allemagne, première économie de la région, le PIB français affichait une croissance zéro. Le commerce, l’investissement et la production ont déprimé et les prix à la consommation ont baissé de 0,3 pour cent en juillet. Le chômage, qui culmine déjà à des niveaux historiques avec plus de 3 millions de chômeurs, est en hausse. Avec la stagnation des exportations françaises, le déficit commercial s’est envolé pour atteindre en juin un niveau astronomique de 30 milliards d’euros (40,2 milliards de dollars US).
La politique d’austérité appliquée par le PS et par l’ensemble de l’Union européenne (UE) a produit une catastrophe en France et partout en Europe. A son arrivée au pouvoir, suite à un remaniement ministériel en avril, le premier ministre Manuel Valls du PS s’était publiquement vanté à l’adresse des marchés financiers que l’objectif de son parti était de « baisser le coût du travail » – c’est-à-dire le niveau de vie des travailleurs. Il s’agit de faire passer le « pacte de responsabilité » qui implique des coupes sociales de 50 milliards d’euros ainsi qu’une diminution de 40 milliards d’euros de charges en faveur des entreprises.
L’effondrement en cours de l’activité économique et de l’emploi témoigne de l’échec du capitalisme et la faillite de la politique du gouvernement PS.
Le PS a réagi en demandant à la Banque centrale européenne d'octroyer encore plus d’argent aux banques dans une tentative désespérée de stimuler le crédit et d’éviter une spirale déflationniste et un effondrement économique dans l’Europe entière. Dans une rubrique d’opinion parue dans Le Monde, le ministre des Finances, Michel Sapin, écrit, « Cette situation de trop faible croissance, de trop faible inflation, de réduction plus lente des déficits trouve son origine dans des causes proprement françaises mais aussi dans des situations auxquelles seule une réaction européenne globale peut apporter réponse. »
Au début du mois, Hollande avait dit au quotidien Le Monde: « Nous mettons en place les réformes annoncées, mais le rythme des efforts entrepris pour réduire les déficits dépend aussi de la croissance. Nous ne sollicitons pas de l’Allemagne une quelconque indulgence, mais nous lui demandons un soutien plus ferme à la croissance. »
L’UE et Berlin ont cependant rejeté ces propositions en exigeant que Paris accélère les mesures d’austérité et les réformes structurelles afin de satisfaire son objectif budgétaire. Jeudi dans sa réponse aux remarques de Sapin, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann a dit : « Paris doit cesser d’en appeler à l’Allemagne pour soutenir sa croissance et accélérer les mesures visant à revoir son économie. »
« Paris doit donner le bon exemple budgétaire, » a dit Weidmann au Monde. « Paris doit cesser de réclamer à Berlin des mesures favorables à la croissance et se concentrer sur ses propres réformes structurelles. »
Cette crise a tétanisé le président français François Hollande. Le 10 août, le journal en ligne Médiapart, qui est proche à la fois du PS et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de pseudo-gauche, a publié un compte rendu détaillé fondé sur les commentaires qu'ont laissé filtrer des participants d'une réunion qui s’est tenue le premier août avec de hauts responsables du gouvernement. L’article, intitulé « Le gouvernement tétanisé par le scénario noir de la rentrée, » précise : « Tous les espoirs de retrouver la croissance, d’endiguer le chômage, de redresser les comptes publics risquent d’être réduits à néant. »
Soulignant que les prévisions du Trésor français montrent l’Europe dans une spirale déflationiste, le journal cite un responsable anonyme disant : « « On ne peut pas dire que le débat économique fait rage au sein du gouvernement. C’est plutôt le désarroi. »
Le journal prétend que Hollande et ses conseillers vivent dans la crainte constante que les banques ne tentent d’écraser l’économie française en spéculant contre la dette française, comme l’avaient fait en 2010 en Grèce les marchés financiers. Cependant, à l’image du gouvernement social-démocrate grec de George Papandréou, le PS est totalement hostile à une nationalisation des banques dans le but d’empêcher une telle conduite politique criminelle. Au lieu de cela ils se servent du risque de la spéculation banquière pour justifier la poursuite de la politique d’austérité sociale discréditée et des attaques contre la classe ouvrière.
Un participant à la réunion a déclaré à Médiapart : « Comme à son habitude, François Hollande est évasif. Il n’est rien sorti de ce séminaire gouvernemental. Il a semblé très embêté. Il a dit qu’il fallait maintenir la ligne et prendre des décisions claires qui soient comprises par les Français. »
Un autre responsable a dit, « François Hollande semble avoir découvert la rupture profonde causée par la crise de 2008. Il vient de comprendre que tous ses schémas économiques appris il y a quarante ans n’étaient plus de mise. »
Médiapart écrit aussi que plusieurs préfets, qui gèrent l’administration locale dans les départements français, ont mis en garde contre une « rentrée catastrophique » : « De nombreuses entreprises, notamment de BTP, seraient menacées de faillite, faute de commandes publiques. Les retards de paiement s’accumulent. De nombreux plans de licenciement et de fermeture se préparent. »
L’article de Médiapart montre clairement que les tensions inter-impérialistes croissantes en Europe ont provoqué une aggravation du marasme économique. Il fait valoir le point de vue du ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, qui ayant supervisé la fermeture de nombreuses usines, réclame à présent une confrontation plus dure avec Berlin afin d’obtenir de la BCE davantage de fonds pour les banques françaises.
Un autre responsable a refroidi l'atmosphère quant à ces projets : « Si la France veut obtenir un changement de la politique européenne, elle ne l’obtiendra pas en quémandant auprès de l’Allemagne, mais en construisant une alliance avec d’autres pays européens. L’ennui est qu’elle a raté le coche en 2012. Toute l’Europe du Sud attendait alors la France et était prête à la suivre. François Hollande a préféré signer le pacte de stabilité budgétaire sans discuter et promettre de ramener le déficit à 3 pour cent. La France a perdu tout son crédit. Depuis, l’Italie a choisi d’aller son chemin. L’Espagne s’est rangée derrière l’Allemagne. Plus personne n’attend la France. »
Aucune de ces propositions, conçues pour traduire les intérêts du capital financier français, n’offre une alternative progressiste à la politique d’austérité dictée par Berlin et l’UE. La preuve en est que la plus forte voix en faveur d’une politique de « relance » capitaliste est le Front National (FN) néofasciste qui tire profit de la faillite du PS et de ses partisans de pseudo-gauche en se présentant comme un parti anti-establishment sur une ligne protectionniste et de monnaie bon marché.
Après la publication des chiffres de croissance de l’Insee, la présidente du FN, Marine Le Pen, a diffusé un communiqué qualifiant la politique économique de l’UE d'échec total, appelant à abandonner l’euro et à retourner à une monnaie nationale française moins chère. Elle a dit, « « Il est maintenant pourtant plus qu’évident que la politique économique de la zone euro est un échec total et qu’il convient de changer de modèle. »
Accusant à la fois le PS et l’UMP, opposition de droite, de préconiser une politique pro-UE, Le Pen a poursuivi en disant, « L’austérité aggrave la crise, en déprimant la consommation comme l’investissement et la production. L’euro continue d’enfoncer nos pays dans la sous-croissance et la désindustrialisation. L’ouverture totale des frontières et le refus de toute forme de protectionnisme accélère la disparition de notre industrie. »
Répondant au premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui a appelé à un débat national sur la politique économique en France et en Europe, Le Pen a dit : « Nous porterons dans le débat l’idée que la France doit tourner le dos à une austérité ravageuse et retrouver des muscles face à la mondialisation sauvage par une monnaie nationale enfin adaptée à ses besoins. »
En fait, la réduction drastique des salaires et les coupes sociales effectuées par le gouvernement Hollande tout comme les baisses de salaire cachées réalisées par la réduction de la valeur de la monnaie proposée par le FN, sont des projets visant à appauvrir davantage encore la classe ouvrière.
(Article original paru le 16 août 2014)