Le premier ministre canadien Stephen Harper a utilisé la publication d’une vidéo, la semaine dernière, montrant la décapitation horrible du journaliste américain James Foley par des insurgés islamistes comme prétexte pour une intensification de l’intervention militaire canadienne en Irak et dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
«Nous avons été en contact continu avec nos principaux alliés», a déclaré Harper lors d’une conférence de presse au Yukon le 21 août, «et nous annoncerons quelques mesures supplémentaires que nous prendrons avec eux dans les jours à venir».
Le gouvernement conservateur canadien a déjà exprimé son grand soutien aux frappes aériennes américaines en Iraq et au déploiement de Forces spéciales et de formateurs militaires américains dans ce pays dévasté par la guerre. Le 15 août, le Canada a annoncé qu’il enverrait 30 militaires des Forces armées canadiennes et deux transporteurs aériens (un CC-117 Globemaster et un CC-130 Hercules) afin de livrer des armes et d’autres équipements militaires à la milice kurde dans le nord de l’Irak.
Soutenu par des frappes aériennes américaines, les Peshmergas kurdes combattent actuellement l’État islamique (EII), un groupe islamique que Washington et ses alliés saoudiens et qataris ont utilisé comme force par procuration dans leur campagne visant à renverser le régime laïque baasiste en Syrie, mais dont la récente avancée en Irak fait opposition aux visées des États-Unis.
Lors de sa conférence de presse de la semaine dernière, Harper a fait une éloquente comparaison entre l’Iraq aujourd’hui et l’Afghanistan du début du 21e siècle: révélatrice parce que le Canada a joué un rôle dirigeant dans l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan pendant 13 ans, de 2001 au printemps de cette année.
Affirmant qu’un «État terroriste non reconnu» occupait maintenant un «vaste territoire, d’Alep à Bagdad», Harper a ensuite ajouté que «ce n’est pas différent de la situation en 2002 avec les talibans. Il y avait essentiellement une organisation terroriste qui établissait une forme de gouvernance et qui utilisait son territoire comme terrain d’entraînement pour former des terroristes.»
Par des remarques chargées d’hypocrisie et de cynisme, le premier ministre canadien a ensuite déploré «le barbarisme épouvantable» de l’EII, allant jusqu'à l’accuser de «génocide».
Évidemment, Harper n’a fait aucune mention du fait que les États-Unis, le Canada et d’autres puissances occidentales ont employé à maintes reprises des extrémistes islamiques comme force par procuration dans des guerres pour forcer un changement de régime, y compris en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Il n’a pas mentionné non plus la dévastation qu’ont entraînée l’invasion américaine illégale de l’Irak en 2003 et les divisions créées par Washington lors de sa campagne sanglante pour «pacifier» le pays.
Sans tout cela, l’EII n’aurait jamais vu le jour, encore moins comme une force importante.
La décision du gouvernement conservateur de déployer l’armée canadienne en soutien aux plans prédateurs des États-Unis en Irak représente un approfondissement du partenariat stratégique de l’impérialisme canadien avec Washington au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une collaboration visant à maintenir l’hégémonie militaire et stratégique des États-Unis sur cette région riche en pétrole.
On a fait un grand cas du fait qu’en 2003, le gouvernement libéral alors au pouvoir avait choisi à la dernière minute de se retirer de la participation dans l’invasion illégale de l’Irak, un crime justifié sur la base de fausses allégations d’«armes de destruction massive». Toutefois, un télégramme diplomatique divulgué en 2011 a révélé que même s’il se présentait publiquement comme opposé à une guerre non autorisée par l’ONU, le Canada a offert à l’administration Bush, en privé, l’assurance qu’elle pouvait compter sur lui pour fournir un soutien clandestin à la guerre en Irak.
Le Canada a contribué en offrant le soutien de deux navires de guerre qui étaient déployés dans la Golfe persique, en participant activement à l’élaboration des plans de guerre du Pentagone et à l’invasion de l’Irak par du personnel des FAC «intégré» aux forces impérialistes. Parmi ce personnel se trouvait Walter Natunczyk, qui a servi en tant que commandant en chef adjoint de 35.000 soldats américains et alliés au cours de l’invasion. Natynczyk a ensuite été nommé chef d’état-major de la Défense du Canada.
Comme l’a souligné l’’ambassadeur du Canada aux États-Unis en 2003, Paul Cellucci, le Canada a fait bien plus en soutien de l’invasion américaine de l’Irak que plusieurs membres de la «coalition des volontaires» de Bush.
De plus, la décision du gouvernement libéral de Paul Martin en 2004 voulant que les FAC prennent en charge la guerre contre-insurrectionnelle dans la province de Kandahar en Afghanistan, le cœur de l’opposition à l’occupation américaine, représentait une faveur faite à Washington afin de permettre au Pentagone de transférer plus de troupes en Irak et faire ainsi face à l’insurrection antiaméricaine grandissante.
À l’exception de la guerre en Irak, le Canada a joué un rôle important dans toutes les guerres menées par les États-Unis depuis la Guerre du Golfe de 1991, en plus de plusieurs autres interventions militaires américaines: entre autres, le bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999 et le renversement du président élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, en 2004.
Le Canada a aussi joué un rôle clé dans la guerre de l’OTAN pour un changement de régime en Libye, ayant été responsable de 10 pour cent de toutes les missions de bombardement de l’OTAN.
Le gouvernement Harper appuie les menaces d’actions militaires contre l’Iran et l’ensemble de l’establishment politique canadien et soutient la guerre actuelle menée par l’État israélien contre le peuple palestinien de Gaza.
De façon similaire, les libéraux et le NPD soutiennent vigoureusement la posture provocatrice du gouvernement Harper par rapport à l’Ukraine, y compris son soutien au coup d’État de février mené par des fascistes à Kiev, ainsi qu’à la participation des FAC dans le déploiement de forces de l’OTAN aux frontières russes.
L’élite dirigeante canadienne a conclu qu’elle ne pouvait défendre ses intérêts prédateurs sur la scène mondiale qu’en collaborant encore plus étroitement avec les États-Unis et en acceptant un rôle de premier plan dans sa tentative de maintenir son hégémonie mondiale par le réarmement, l’agression et la guerre.
Dans un récent discours donné au Musée canadien de la guerre pour commémorer le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Harper a célébré la participation du Canada à ce massacre qui aurait marqué l’émergence du Canada en tant que puissance impérialiste. «Nous ne devons jamais oublier, a déclaré le premier ministre, que notre place à la table» des «grandes nations» ne nous a pas été offerte, mais a été «gagnée» sur les champs de bataille de l’Europe.
(Article paru d’abord en anglais le 27 août 2014)