Ivar Tenisovich Smilga (1892-1937), le père de Tatiana Smilga-Poluyan, est l’un des principaux membres du Parti bolchevik pendant la Révolution d’Octobre. Ayant rejoint les bolcheviks à l’âge de 14 ans en 1907, il est élu au Comité central bolchevik en 1917 et devient alors l’un des plus proches confidents de Lénine.
Pendant la révolution, il est chargé par Lénine de diriger les forces armées baltes venues aider les bolcheviks pendant le soulèvement à Petrograd. Après le soulèvement bolchevik en octobre, Smilga reste en Finlande en tant que représentant de la Russie soviétique.
Avec des chefs militaires exceptionnels tels Trotsky, Toukhatchevski et Primakov, il forme le commandement militaire de l’Armée rouge pendant la Guerre civile russe. Il est ensuite nommé vice-président du Comité de planification de l’État [Gosplan], et par la suite vice-président du Soviet suprême de l’économie nationale [Vesenkha]. De la formation de l’Opposition de gauche en 1923 à sa capitulation face à Staline en 1929, il est l’un des principaux personnages de l’Opposition de gauche (voir : «Le WSWS publie des entretiens avec des descendants de membres de l’Opposition de gauche»).
Ivar Smilga est arrêté en 1935 et condamné à 10 ans de prison. En janvier 1937, il est amené à Moscou à la veille du Deuxième procès de Moscou. Malgré de sévères tortures, il refuse de témoigner contre quiconque ou de plaider coupable, ce qui lui épargne l’humiliation d’un procès à grand spectacle.
Il est exécuté le 10 janvier 1937 et ne sera réhabilité qu’un demi-siècle plus tard, en 1987.
Sa fille Tatiana est née en 1919 et est maintenant âgée de 94 ans. Elle vient d’une famille remarquable ayant des traditions révolutionnaires de longue date. Non seulement ses parents, mais aussi ses oncles et tantes, étaient tous des participants actifs dans la Révolution bolchevique et la guerre civile subséquente. De cette génération de révolutionnaires, seuls une tante et un oncle de Tatiana ont survécu aux purges. En dépit de son âge, Tatiana Smilga-Poluyan a conservé une mémoire incorruptible.
**
WSWS : Pouvez-vous nous parler de vos souvenirs d’enfance des membres de l’Opposition de gauche?
Tatiana Smilga-Poluyan : C’est très difficile pour moi de parler de tout cela. J’en ai déjà parlé beaucoup. J’ai donné d’innombrables entrevues à des chaînes de télévision et à des journaux de partout dans le monde, en particulier pendant la Perestroïka. Et cela n’a rien changé.
L’histoire est mensongère sur tout, comme cela a toujours été. Non seulement les jeunes, mais même les gens qui ont 50 ou 60 ans, ne savent rien de l’histoire. En général, ils n’ont jamais même entendu parler de l’Opposition de gauche. Il y a un livre écrit par Abramovich. Il décrit mon père très bien, très chaleureusement. [1] Je ne pourrais pas mieux le décrire pour vous. Abramovich était souvent à la maison et connaissait tout le monde dans ma famille. C’est le meilleur livre sur l’Opposition de gauche que je connaisse. C’est dommage qu’il n’ait pas été traduit. Il devrait l’être.
Mais je me souviens très bien de tout.
Notre maison était toujours ouverte à tout le monde et nous avons eu de nombreux invités. Souvent Trotsky et sa femme nous ont rendu visite, et de même Preobrajensky [2], Karl Radek [3], Kamenev [4], Zinoviev [5], Lashevich [6], avec qui mon père était ami depuis la guerre civile, Mouralov [7], et d’autres.
Vous voulez bien sûr entendre parler de Trotsky. J’ai toujours souligné, et je le souligne encore une fois, qu’il était très attentionné envers les enfants. Lui et sa femme venaient régulièrement dans notre chambre et apportaient à ma sœur Natasha et moi, des livres intéressants ou d’autres petits cadeaux.
Ma sœur Natasha, qui était très espiègle enfant, était une fois allée dans la salle de travail de notre père, où Trotsky était assis sur le canapé en train de discuter de choses avec notre père. Elle lui dit alors d’un ton très imposant: «Levez-vous, vous!» Il a ri et a demandé : «Eh bien, pourquoi devrais-je me lever?» Elle a poursuivi, «on vous dit de vous lever!» Trotsky se leva donc en riant et elle lui dit alors tendrement: «Je veux vous montrer comment je fais des sauts périlleux. » Et elle a fait quelques galipettes sur le canapé.
Je ne comprends pas grand-chose à l’Opposition car je n’ai pas une compréhension claire de leur politique. Mais je sais qu’ils étaient des penseurs remarquables. Et je tiens à souligner que c’étaient des gens très sympathiques, très tendres pour les enfants.
WSWS : Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de votre père, Ivar Smilga?
Tatiana Smilga-Poluyan : Smilga a évidemment joué un rôle de premier plan dans la Révolution d’Octobre et la guerre civile. Il était un leader bolchevik pendant la Révolution et commandant militaire plus tard sur les fronts du Sud, de l’Est et de l’Ouest.
Il a été exclu du parti en 1927 parce qu’il était un membre de l’Opposition de gauche. Cela a été très difficile pour lui de faire face au fait d’être exclu du parti qu’il avait rejoint alors qu’il était adolescent à l’âge de 14 ans.
Il a été envoyé en exil en décembre 1927. La station Yaroslavsky à Moscou était bondée de gens quand il a été emmené par le NKVD et mis dans un train pour Minoussinsk en Sibérie. Trotsky était là aussi. Ma soeur Natasha, qui avait cinq ans, s’accrochait à ses genoux et il l’a caressée.
Nous, ma mère, ma sœur et moi – avons visité mon père à Minoussinsk à l’été 1928. Il nous a fallu neuf jours pour y arriver et nous ne pouvions pas rester longtemps. Ma sœur et moi sommes tombées malades en raison des conditions difficiles, l’eau étant très mauvaise. Ma mère nous ramena donc à Moscou.
Juste après notre arrivée, elle a reçu le message que mon père était tombé gravement malade d’une appendicite. Ils l’ont laissé revenir à Moscou et il a été opéré au Kremlin en 1929. Après avoir récupéré, lui, Radek et Preobrajensky ont écrit une lettre déclarant leur rupture avec l’Opposition de gauche. Je ne pourrais pas vous dire pourquoi ils l’ont fait.
WSWS : Abramovich écrit que Smilga reprend ses activités oppositionnelles en 1932…
Tatiana Smilga-Poluyan : Ça, je ne peux pas confirmer. C’est possible. Du moins, je crois que lui et beaucoup d’autres ont commencé à penser que l’Opposition avait eu raison après tout. Mais personne ne venait plus à la maison, et il n’y avait pas la moindre discussion que ce soit sur cette question. Peut-être qu’il rencontrait des camarades et qu’il en parlait entre eux. Je ne sais pas. Mais notre maison était vide à la fin, et il était seul, lisant de la littérature dans sa salle de travail.
Il a été envoyé à Tachkent en 1933 pour travailler au Gosplan d’Asie centrale, et il en est revenu en 1934. Il avait de sérieux désaccords avec le Parti en matière de politiques économiques. Staline et Smilga ne pouvaient pas s’endurer parce que mon père ne voulait pas céder et qu’il a continué à défendre les positions qu’il jugeait bonnes.
À son retour, ils ne l’ont pas laissé travailler n’importe où, mais à la maison d’édition Academia. Cette maison d’édition était par ailleurs excellente. Ils ont publié de belles éditions de livres, en commençant par la Divine Comédie de Dante et des auteurs allant jusqu’au XIXe siècle.
Mon père a écrit des préfaces à diverses éditions d’œuvres classiques de Dickens, Saint-Simon, Desiderius Erasmus, Marat et autres. Il nous disait toujours à la maison sur quoi il travaillait. Il avait toujours porté un grand intérêt à la littérature et la musique. En passant, l’éditeur principal de la série était Lev Borissovitch Kamenev, qui a bien sûr lui aussi été fusillé pendant la terreur.
Kirov a été assassiné le 1er décembre 1934, et nous l’avons appris le lendemain, soit le jour de l’anniversaire de mon père. Nous étions tous choqués. C’était horrible. Mon père venait tout juste de demander à Staline de le laisser travailler à l’Institut de la littérature mondiale, mais celui-ci avait naturellement refusé. Exactement un mois plus tard, ils sont venus le chercher. Il a passé deux ans au Verkhneuralsk Polit-Isolator [une prison politique] dans l’Oural. C’est là que tous les Vieux bolcheviks ont été emprisonnés.
En prison, il a appris le français et lu Corneille et d’autres grands écrivains français. Il m’a écrit dans une lettre que quand il reviendrait, nous allions traduire de la littérature française ensemble. J’adorais la littérature française, en particulier [Prosper] Mérimée, depuis mon enfance. Mais il n’est jamais revenu.
Je pense qu’il voulait se retirer de la vie politique et seulement travailler comme spécialiste de la littérature après avoir été relevé de tout poste politique en 1934. Il était encore jeune, voyez-vous. Il n’avait que 44 ans quand il a été abattu le 10 janvier 1937. Savez-vous comment nous avons appris qu’il était mort? Nous lui envoyions toujours de l’argent en prison, mais un jour, ils ont cessé d’accepter l’argent.
C’est également ainsi que nous avons appris la mort de ma mère, Nadejda Vasilevna Poluyan [8]. Nous lui avons envoyé un paquet avec des vêtements, mais ils ont renvoyé le paquet, en disant que le destinataire avait déménagé. Elle a été tuée le 4 novembre 1937. Elle est née en 1895 et est morte à 42 ans.
Elle a été abattue en Carélie [ancienne république autonome de l’URSS maintenant divisée entre la Russie et la Finlande]. C’était une exécution de masse; plus de 1000 personnes ont été tuées ce jour-là. Ma mère a été abattue avec deux de ses amies. Elles étaient les épouses des oppositionnels de gauche Vuiovich et Alexandre Ioselevich. Elles ont toutes été emmenées dans la forêt de Sandarmokh [9]. Les gens étaient dénudés – pour les empêcher de s’enfuir – et ils étaient tués. Nous ne l’avons appris que pendant la Perestroïka, en 1988.
Ma mère a été membre du Parti bolchevik dès 1915. Je ne sais pas si elle a déjà signé une déclaration de l’Opposition de gauche, mais il ne fait aucun doute qu’elle partageait les vues politiques de mon père. Par ailleurs, elle a visité Lénine alors qu’il se cachait à Sestroretsk en 1917. Là, elle a fait la connaissance du travailleur Emelianov [10], qui cachait Lénine dans sa grange. Lui aussi a été arrêté au cours de la terreur. Je l’ai appris quand nous avons visité notre père en prison.
À côté de nous se trouvait une femme que ma mère a reconnue comme étant l’épouse d’Emelianov. Je me souviens que j’ai été surprise d’apprendre que l’homme qui avait caché Lénine était emprisonné. Il avait une grande famille, avec sept enfants. Ils ont tous été arrêtés. Deux de ses fils ont été abattus. Au cours de la terreur, presque tout le monde qui a visité la maison d’Emelianov en Finlande a aussi été arrêté.
WSWS : Combien de membres de votre famille ont été tués pendant les purges?
Tatiana Smilga-Poluyan : Oh! Il y en a tellement eu que je ne peux pas les compter. Quatre de mes oncles ont été tués, dont deux ont été abattus, et deux sont morts de faim dans les camps.
Les trois frères de ma mère, Yan [11], Dmitry [12] et Nikolaï Vasilievich Poluyan, ont combattu pendant la Guerre civile. Leurs épouses ont toutes été envoyées dans les camps. Le frère de mon père, Pavel Smilga, est mort de faim dans les camps. Son épouse a été envoyée en exil. De la génération de mes parents, seuls ont survécu la sœur de ma mère, une bolchevik dès 1903, et le frère de mon père Arvid, qui n’était pas impliqué en politique.
Le fils de Dmitri Poluyan, Oleg [13], a été abattu. Vladimir, le fils de Pavel, est mort au front à 17 ans pendant la Seconde Guerre mondiale. Yan a eu deux filles: Irina, qui était médecin et qui est aussi morte au front, et Tania, qui a été envoyée dans les camps. Ma soeur Natasha, qui avait trois ans de moins que moi, n’a été arrêtée qu’en 1949.
Par ailleurs, j’étais dans la même classe que le fils de Lev Kamenev, Yuri Kamenev. Il a été abattu à l’été 1937, à 17 ans. C’est arrivé lors d’une visite à sa mère au camp, à Nijni-Novgorod, je crois. Quand l’école a commencé en septembre, il n’était pas là. Personne ne savait où il était. Nous n’avons appris ce qui lui était arrivé que lors de la Perestroïka.
Trois autres garçons de mon école ont été tués lors des purges. Le fils de Drobnis, qui était aussi membre de l’Opposition de gauche [14], a été abattu à l’âge de 19 ans [15]. Les deux autres garçons avaient 18 [16] et 19 ans [17]. Pendant ces années-là, les parents de presque tous les enfants ont été emprisonnés. Beaucoup ont été tués plus tard, et nous étions tous surveillés par le NKVD.
En 1938, j’ai fini l’école. J’ai essayé d’entrer en premier à l’Institut du théâtre d’État (GITIS), mais ils ne m’ont pas laissé faire. Ensuite, j’ai essayé d’entrer à l’Institut du cinéma. Je voulais devenir scénariste, mais là aussi, on a refusé de me prendre, même si j’avais passé tous les tests avec succès. J’ai finalement été acceptée avec beaucoup de difficulté à la faculté française de l’Institut pédagogique.
Mais trois mois plus tard, le 11 juin 1939, moi et quatre autres filles de ma classe à l’école, ainsi qu’une autre jeune fille, avons été arrêtées sur ordre spécial de Staline. Beria [18] avait envoyé une lettre à Staline dans laquelle il affirmait que nous «parlions». [19] C’était là un non-sens absolu. Nous ne parlions pas de quoi que ce soit, nous voulions juste étudier, être laissées seules et retrouver nos parents. Staline a répondu en ordonnant que nous soyons arrêtées et exilées immédiatement.
Ces filles étaient: Nina Lomova, la fille de A. Lomov [20], qui avait été membre du premier gouvernement soviétique sous Lénine (lui aussi, a été abattu, bien sûr); Lena Rukhimovich, dont le père [21] n’était pas un opposant, mais le commissaire du peuple (Narkom) de l’industrie de la défense; Natasha Krestinskaya, la fille de Nikolaï Krestinsky [22], un ancien membre du Politburo et plus tard membre de l’Opposition de gauche. Il a été abattu en 1938 après le Troisième procès de Moscou. Les autres filles étaient Tamara Medvedeva et Tatiana Bessonova.
Savez-vous pourquoi Beria a écrit cette lettre? On nous avait dit de renier nos parents, mais nous avons refusé de le faire. On nous avait également demandé de dénoncer d’autres camarades, ce que nous n’avons pas fait non plus. J’ai passé les quatre années et quatre mois subséquents de ma vie dans un camp, et dix années de plus en exil, au camp de Mordovsky. C’est le camp où toutes les femmes des «ennemis du peuple» étaient envoyées. J’étais la plus jeune là-bas. J’ai terminé mes études supérieures dans la ville voisine de Riazan grâce à des cours du soir. Je suppose qu’ils ne connaissaient pas mon nom de famille, donc j’ai pu poursuivre mes études sans entraves.
J’ai été libérée en 1953, mais j’ai dû attendre deux ans et demi avant de pouvoir retourner à Moscou. Dans l’ensemble, j’ai perdu 17 ans de ma vie. Je n’ai été réhabilitée qu’en 1956. Avec ma petite fille alors, j’ai dû louer des chambres, et parfois même des coins de chambres communes, près de Moscou. La chambre que nous avons eue lors de ma rééducation à Moscou (en 1958) ne faisait que 14 mètres carrés.
Après mon retour à Moscou, le seul emploi que j’ai pu trouver a été de travailler comme institutrice. Je voulais devenir journaliste ou rédactrice en chef, mais quand je me suis présentée à une entrevue d’emploi et leur ai dit mon nom de famille, ils ont immédiatement dit : «Ah, Smilga, le trotskyste. S’il vous plaît, revenez demain.» Et le lendemain, l’emploi avait été donné à quelqu’un d’autre.
Je vous dis tout cela pour vous donner une idée de ce que Staline a fait en réalité. Ce sont des choses qu’on ne peut pas oublier.
**
Notes :
1. Tatiana Smilga-Poluyan se réfère aux mémoires d’Isai Lvovich Abramovich (1900-1985), jeune membre de l’Opposition de gauche dans les années 1920. Étudiant de Smilga, il capitule avec lui en 1929. Abramovich survit aux purges dans les camps et écrit plus tard ses mémoires, Memories and Views [Vospominaniia i Vzgliady]. Ces mémoires ont été publiées par sa fille à titre posthume en 2004 et figurent parmi les plus importants documents historiques sur l’histoire de l’Opposition de gauche. [Retour au texte]
2. Evgeny Alekseevich Preobrajensky (1886-1937) est membre du Parti bolchevik dès 1903. Il est un membre de haut rang dans le Parti sous Lénine et devient plus tard l’un des principaux théoriciens en économie de l’Opposition de gauche. Il capitule en 1929 et est abattu en juillet 1937. Réhabilité en 1988. [Retour au texte]
3. Karl Radek (1885-1939) joue un rôle important dans le mouvement communiste qu’il rejoint à 19 ans, en Pologne, en Allemagne puis en Russie, sur une période de plusieurs décennies. Il est l’un des membres dirigeants de l’Internationale communiste dans les années 1920 et un membre de l’Opposition de gauche. De profondes divergences avec Trotsky apparaissent sur la question de la Révolution chinoise de 1926-1927. Radek s’oppose alors à la perspective de la révolution permanente. Il capitule en 1929 et occupe des postes importants dans l’appareil de Staline au cours des années subséquentes. L’un des principaux accusés au Deuxième procès de Moscou en 1937, il est assassiné en prison en 1939. Réhabilité en 1988. [Retour au texte]
4. Lev Borisovich Kamenev (1883-1936) est membre du Parti social-démocrate de Russie à partir de 1901 et membre du Parti bolchevik dès 1903. Lui et Zinoviev s’opposent à l’insurrection d’Octobre au sein du Comité central du Parti bolchevik. Avec Zinoviev et Staline, il forme la «troïka» notoire de 1923-1925, qui lance une campagne calomnieuse contre Trotsky et la théorie de la révolution permanente. À partir de 1925, il fait partie de l’opposition zinoviéviste, qui fusionne rapidement avec l’Opposition de gauche pour devenir l’Opposition unifiée. Il capitule avec Zinoviev après la défaite de la Révolution chinoise en 1927. Comme la plupart des anciens opposants, il est par la suite affecté à des postes mineurs dans l’appareil du Parti. Il est abattu après avoir été condamné en première instance à Moscou en 1936. Ses deux fils sont tués pendant les purges. Kamenev est le beau-frère de Léon Trotsky. Réhabilité en 1988. [Retour au texte]
5. Grigory Evseevich Zinoviev (1883-1936) est un Vieux bolchevik et ancien secrétaire de Lénine, membre du Comité central du Parti bolchevik, puis du Politburo et président de l’Internationale communiste de 1919 à 1926. Avec Kamenev, il s’oppose à l’insurrection bolchevique d’Octobre 1917. Dans la lutte interne du parti des années 1920, lui et Kamenev s’allient d’abord à Staline. Ils soutiennent la théorie stalinienne-boukharinienne du «socialisme dans un seul pays» et la campagne contre Trotsky et la théorie de la révolution permanente. En 1925, il rompt avec Kamenev et Staline. Zinoviev commence à diriger la soi-disant opposition zinoviéviste, qui jouit d’un soutien important parmi des sections des travailleurs de Petrograd. Bien que des différends politiques importants subsistent, l’Opposition de gauche de Trotsky s’unit avec les opposants sous Zinoviev en 1926. Zinoviev et Kamenev capitulent devant Staline peu après la défaite de la Révolution chinoise. L’un des principaux accusés au Premier procès de Moscou, il est abattu le 25 août 1936. Réhabilité en 1988. [Retour au texte]
6. Mikhaïl Mikhaïlovich Lashevich (1884-1928) est membre du Parti social-démocrate de Russie à partir de 1901 et membre du Parti bolchevik dès 1903. Il participe activement à la Révolution de 1905 et est l’un des chefs de l’insurrection bolchevique d’Octobre 1917, puis héros de la Guerre civile. Il est membre de l’Opposition zinoviéviste, exclu du parti en 1927 et réadmis un an plus tard. Lachevitch meurt à Harbin, en Chine, en 1928. Sa femme et sa mère sont tuées lors des purges. [Retour au texte]
7. Nikolaï Ivanovich Mouralov (1877-1937) est membre du Parti bolchevik dès 1903 et un participant actif dans les trois révolutions russes. Il est un héros légendaire de la Révolution de 1917 et de la Guerre civile, et l’un des dirigeants les plus populaires du Parti bolchevik. Il participe à l’Opposition de gauche, est expulsé du Parti bolchevik en 1927 puis exilé en 1928. Il proclame officiellement sa rupture avec l’Opposition dans deux lettres personnelles à Staline en 1935 et 1936. Il est arrêté le 17 avril 1936 et sauvagement torturé. Après avoir été condamné lors du Deuxième procès de Moscou en janvier 1937, il est abattu au début de février 1937. Trotsky écrit de lui dans son autobiographie: «Mouralov est un magnifique géant dont l'intrépidité prend son équilibre dans une magnanime bonté.» (Léon Trotsky, Ma vie, Le livre de poche, 1966, p. 366). Anna Semionovna, la femme de Mouralov, et leur fille, passent plusieurs années de leur vie en exil. Son frère, Alexandre Ivanovitch, un bolchevik de premier plan, meurt en détention en octobre 1937. Son fils et sa sœur périssent dans les camps en 1943. Réhabilité en 1986. [Retour au texte]
8. Nadezhda Vasilievna Poluyan (1895-1937), une bolchevik dès 1915, est tuée pendant les purges en 1937 et réhabilitée en 1987. [Retour au texte]
9. La forêt de Sandarmokh en Carélie a été un lieu célèbre pour les exécutions de masse au cours de la Grande Terreur. Plus de 9500 personnes de 58 pays différents y ont été abattues en 1937-1938. Les sites des fusillades n’ont été découverts qu’en 1997. Entre le 27 octobre et le 4 novembre 1937, le jour où Nadezhda Poluyan a été abattue, 1111 personnes, dont des politiciens, des artistes et des scientifiques, ont été tuées. [Retour au texte]
10. Nikolaï Alexandreovich Emelianov (1871-1958) est membre du Parti bolchevik dès 1904. Il cache Lénine et Zinoviev dans sa maison en Finlande lorsque les deux sont contraints de fuir Petrograd à la suite de l’échec de l’insurrection de Juillet 1917. Emelianov participe plus tard à la prise du Palais d’Hiver en Octobre 1917 et à la Guerre civile. Il occupe des postes clés dans la gestion de l’économie soviétique dans les années 1920 et signe la plate-forme de l’Opposition de gauche en 1927. Il est arrêté en 1932 et condamné à dix ans d’exil au Kazakhstan. Sa femme est également arrêtée en 1932. Leurs sept enfants sont arrêtés en 1934; deux fils sont tués en 1937. Nikolaï Emelianov est libéré et réhabilité après la mort de Staline en 1956. [Retour au texte]
11. Yan Vasilievich Poluyan (1891-1937) est membre du Parti bolchevik dès 1912. Il joue un rôle important pendant la Guerre civile sur le front en Russie méridionale et devient plus tard un membre du gouvernement soviétique. Il est abattu en 1937 et réhabilité en 1955. [Retour au texte]
12. Dmitry Vasilievich Poluyan (1886-1937) est un économiste et membre du Comité de la NKPS (Nardoniy Kommissariat Putei Soobshchenii), le ministère des Transports soviétique. Il est reconnu coupable et fusillé le 31 juillet 1937. Réhabilité en 1957. [Retour au texte]
13. Oleg Dmitrievich Poluyan (1912-1938) est vice-président du NKI pour le transport ferroviaire de la NKPS (ministère des Transports soviétique). Il est arrêté en janvier 1938, condamné et abattu le 20 février 1939. Réhabilité en 1986. [Retour au texte]
14. Yakov Naumovich Drobnis (1890-1937) est un leader bolchevik en Ukraine. Il signe la Déclaration des 46, le document fondateur de l’Opposition de gauche, en 1923. Il est exclu du parti en 1927 et réadmis en 1930. En 1936, il est arrêté. Drobnis est l’un des principaux accusés lors du Deuxième procès de Moscou au début de 1937. Il est abattu peu de temps après le procès et réhabilité en 1988. [Retour au texte]
15. Nikolaï Yakovlevich Drobnis (1918-1937), étudie à l’Institut d’aviation de Moscou à l’époque où il est arrêté le 29 janvier 1937. Il est condamné le 13 juillet 1937 pour avoir mené une «organisation jeunesse trotskyste terroriste» et est abattu le même jour. Réhabilité en 1956. [Retour au texte]
16. Oleg Mikhailovich Frinovsky (1922-1940) est arrêté à l’âge de 16 ans le 12 avril 1939. Son père est l’adjoint du chef du NKVD Nikolaï Yezhov. Frinovsky est reconnu coupable le 21 janvier 1940 et abattu le 23 janvier 1940. Sa mère, Nina Stepanovna Frinovskaya, est également tuée la même année. Oleg Frinovsky est réhabilité en 1966. [Retour au texte]
17. Vladimir Arkadievich Volkov (1919-1937) est étudiant à l’Institut d’aviation de Moscou au moment de son arrestation. Il est reconnu coupable et abattu le 13 juillet 1937. Réhabilité en 1956. [Retour au texte]
18. Lavrenty Pavlovich Beria (1899-1953) devient membre du Parti bolchevik en 1917. Il devient rapidement un chef de file de la Tcheka et appartient au Cercle des intimes de Staline. Il est le bourreau notoire des Procès de Moscou. Beria est le chef du NKVD pendant la Deuxième Guerre mondiale et vice-premier ministre de 1946 à son arrestation, suivie par sa condamnation et son exécution après la mort de Staline en 1953. [Retour au texte]
19. Le texte russe intégral de cette lettre peut être consulté ici. [Retour au texte]
20. A. Lomov est le nom de plume de Georgy Ippolitovich Oppokov (1888-1938), membre du Parti bolchevik dès 1903. Lomov est membre du Comité central au cours de la Révolution d’Octobre et préside plus tard une grande partie de l’économie soviétique. Il est un ami proche de Nikolaï Boukharine et d’Alexeï Rykov, les dirigeants de l’Opposition de droite dans les années 1920. Lomov est arrêté le 28 août, condamné et abattu le 4 septembre 1938. Sa femme est arrêtée et envoyée en exil. Elle meurt peu de temps après sa réhabilitation en 1958 en raison des graves tortures dont elle a souffert dans les camps. Lomov est réhabilité en 1956. [Retour au texte]
21. Moisei Lvovich Rukhimovich (1889-1938) est un Vieux bolchevik qui soutient Staline dans la lutte interne du Parti. Il est membre du Comité central de 1924 jusqu’à sa mort. Il est arrêté en 1937, condamné le 28 juillet 1938, et abattu un jour plus tard. Rukhimovich est réhabilité en 1956. [Retour au texte]
22. Nikolaï Nikolaevich Krestinsky (1883-1938) est membre du Parti bolchevik dès 1903 et membre du Comité central de 1917 à 1921. Il est un partisan de longue date de Trotsky jusqu’à sa rupture avec l’Opposition de gauche en avril 1928. Krestinsky est exécuté après le Troisième procès de Moscou en mars 1938 et réhabilité en 1956. [Retour au texte]