Le dimanche 4 mai, le Comité international de la Quatrième Internationale organisera un rassemblement international sur Internet pour célébrer le premier mai 2014. Le but de ce rassemblement, qui sera ouvert aux auditeurs du monde entier, est de se réapproprier les traditions socialistes de ce jour historique de solidarité ouvrière internationale. [Aux États-Unis ce jour est fêté le 4 mai en commémoration du massacre de Haymarket Square à Chicago en 1886, et par opposition au 1er mai qui y est revendiqué par des organisations patriotiques depuis les années 1920, ndt.]
La classe ouvrière doit apprendre des expériences par lesquelles elle est passée et le premier mai de cette année résonne avec l'histoire. Sa célébration il y a 100 ans, en 1914, avait eu lieu seulement trois mois avant l'éclatement de la Première Guerre mondiale, la catastrophe dont découle toute l'histoire du vingtième siècle. Les milliers de travailleurs, de toutes les grandes capitales européennes, qui ont participé aux rassemblements de ce fatidique jour férié en 1914 ont proclamé leur opposition à l'impérialisme et au militarisme capitaliste. Les organisations ouvrières de masse de l'époque – notamment, le Parti social démocrate en Allemagne et le Parti socialiste en France – avaient prévenu pendant des années que la lutte permanente des grandes puissances capitalistes pour les colonies et les sphères d'influence, et les dépenses de plus en plus importantes sur l'armement, entraîneraient une guerre.
Tout juste 18 mois plus tôt, en novembre 1912, la Deuxième Internationale – lors d'un Congrès à Bâle en Suisse où participaient des délégués des partis socialistes du monde entier – passait une résolution qui appelait les partis et organisations de la classe ouvrière à faire tout leur possible pour empêcher l'éclatement de la guerre. Mais si la guerre ne pouvait être évitée, les délégués de la Deuxième Internationale juraient «d'utiliser, de toutes leurs forces, la crise politique et économique créée par la guerre, pour éveiller l'opposition parmi les couches populaires et précipiter la chute de la domination capitaliste».
Il ne fallut pas longtemps avant que ce serment soit testé. À l'été 1914, un incident apparemment mineur dans la ville de Sarajevo en Bosnie, a déclenché une crise à l'échelle européenne qui s'est développée en quelques semaines en une guerre entre d'un côté l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie et de l'autre, la France, la Grande-Bretagne et la Russie.
Confrontés à la réalité de la guerre, les dirigeants des plus grands partis socialistes d'Allemagne, de France, de Grande-Bretagne et d'Autriche ont répudié leurs programmes et déclaré leur soutien aux actions militaires de leurs classes dirigeantes nationales. Le jeudi 4 août 1914, dans une trahison politique de la classe ouvrière sans précédent, les députés sociaux-démocrates allemands au Reichstag ont voté unanimement pour les crédits nécessaires au financement de la guerre.
La conséquence de cette trahison a été la mort de dizaines de millions de gens au cours des quatre années suivantes de guerre impérialiste. La fleur de la jeunesse ouvrière du monde entier a péri dans le bain de sang de la lutte pour la domination mondiale entre les puissants intérêts capitalistes nationaux – en particulier ceux de l'Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis (qui sont entrés en guerre en 1917). Au cours des quatre années de guerre, les noms des rivières, des villes et même d'une péninsule – Somme, Marne, Ypres, Verdun et Gallipoli – sont devenus synonymes de massacres.
Mais les socialistes n'ont pas tous abandonné leurs principes. S'opposant à la trahison de la Deuxième Internationale, les plus grands marxistes de l'époque ont non seulement condamné la guerre, mais aussi expliqué ses causes fondamentales. Vladimir Lénine, le dirigeant du Parti bolchevique russe, a expliqué que la guerre venait inévitablement des contradictions du système impérialiste mondial, dominé par le capital financier et les grands groupes monopolistes. Léon Trotsky, devenu célèbre par son rôle majeur de dirigeant de la Révolution russe de 1905, expliquait que la guerre était la manifestation explosive de la contradiction entre le développement de l'économie mondiale et le système archaïque des États-nations.
Lénine et Trotsky prévoyaient que les contradictions objectives qui avaient entraîné l'éclatement d'une guerre impérialiste mondiale mèneraient aussi à une révolution socialiste mondiale. Ce fut sur la base de cette perspective qu'ils ont appelé à la création d'une nouvelle internationale révolutionnaire et qu'ils ont posé les bases politiques de la victoire de la première révolution socialiste: en Russie, en octobre 1917.
La victoire de la Révolution d'octobre a déclenché un mouvement massif de la classe ouvrière européenne et internationale qui a imposé la fin de la guerre impérialiste. Mais en l'absence d'une direction marxiste comparable au Parti bolchevique en Russie, la vague révolutionnaire d'après-guerre a été repoussée et le capitalisme européen, avec l'aide d'un capitalisme américain alors dominant, a survécu.
Au sein de l'Union soviétique, isolée par les défaites de la classe ouvrière européenne, la bureaucratie conservatrice dirigée par Staline a graduellement usurpée le pouvoir politique de la classe ouvrière. Les principes révolutionnaires internationalistes sur lesquels s'appuyait la Révolution d'octobre ont été remplacés par le programme nationaliste réactionnaire de Staline du «socialisme dans un seul pays». Ce rejet de l'internationalisme marxiste a séparé le sort de l'Union soviétique en tant qu'État ouvrier de la victoire de la révolution socialiste au-delà de ses frontières.
En pratique, le programme de Staline signifiait la subordination de la classe ouvrière internationale aux intérêts nationalistes étroits de la bureaucratie soviétique, qui était surtout préoccupée par la défense de ses privilèges en URSS. Exerçant une influence politique immense à travers les partis communistes de la Troisième Internationale, le stalinisme a désorienté la classe ouvrière, entraînant une série de défaites majeures, dont la plus catastrophique fut l'arrivée au pouvoir du Parti nazi de Hitler en Allemagne en janvier 1933.
Léon Trotsky, qui avait été expulsé du Parti communiste russe en 1927 et déporté d'URSS en 1929, a reconnu que la victoire du fascisme en Allemagne entraînerait une seconde guerre mondiale, bien plus terrible que la première. Rien ne pouvait empêcher cette guerre excepté le renversement du capitalisme. Mais la réussite de cette tâche exigeait la construction, une fois de plus, d'une nouvelle internationale: la Quatrième Internationale.
Dans le document fondateur de la Quatrième Internationale, publié tout juste un an avant l'éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, Trotsky a fourni une image concise et dévastatrice de l'état du capitalisme mondial:
Les forces productives de l'humanité ont cessé de croître. Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle. Les crises conjoncturelles, dans les conditions de la crise sociale de tout le système capitaliste, accablent les masses de privations et de souffrances toujours plus grandes. La croissance du chômage approfondit, à son tour, la crise financière de l'État et sape les systèmes monétaires ébranlés. Les gouvernements, tant démocratiques que fascistes, vont d'une banqueroute à l'autre.
La bourgeoisie elle-même ne voit pas d'issue. Dans les pays où elle s'est déjà trouvée contrainte de miser son dernier enjeu sur la carte du fascisme, elle marche maintenant les yeux fermés à la catastrophe économique et militaire. Dans les pays historiquement privilégiés, c'est-à-dire ceux où elle peut encore se permettre, pendant quelque temps, le luxe de la démocratie aux dépens de l'accumulation nationale antérieure (Grande-Bretagne, France, États-Unis, etc.), tous les partis traditionnels du capital se trouvent dans une situation de désarroi qui frise, par moments, la paralysie de la volonté. [...]
Le tableau des relations internationales n'a pas meilleur aspect. Sous la pression croissante du déclin capitaliste, les antagonismes impérialistes ont atteint la limite au-delà de laquelle les divers conflits et explosions sanglantes (Éthiopie, Espagne, Extrême-Orient, Europe centrale...), doivent infailliblement se confondre en un incendie mondial. Bien entendu, la bourgeoisie se rend compte du danger mortel qu'une nouvelle guerre représente pour sa domination. Mais elle est actuellement infiniment moins capable de prévenir la guerre qu'à la veille de 1914.
Trotsky a résumé sa description de la crise mondiale du capitalisme avec une mise en garde: «Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d'être emportée dans une catastrophe.»
Cette mise en garde fut confirmée dans toute sa dimension tragique. Il y a soixante-quinze ans, en septembre 1939, la Deuxième Guerre mondiale éclatait. Ce n'était pas une lutte entre la «démocratie» et le «fascisme». Comme la première, la guerre était, en substance, une lutte entre les puissances impérialistes pour la domination géopolitique et économique, dans laquelle chacun des principaux compétiteurs cherchait à réaliser un nouveau partage des ressources mondiales qui lui serait plus favorable. Hitler était différent de ses adversaires capitalistes en Angleterre ou aux États-Unis uniquement dans la mesure où il exprimait les crimes dont est capable l'impérialisme sous leur forme la plus brutale. Mais arrivé à la fin de la guerre, avec le largage de deux bombes atomiques sur le Japon, le président américain Harry Truman, un mercier du Missouri aux manières affables, montra au monde que le dictateur nazi n'était pas l'unique détenteur des brevets sur les méthodes de massacre à grande échelle. L'impérialisme américain venait alors de prendre sa place.
À la suite des destructions sidérantes de la Deuxième Guerre mondiale, qui a coûté près de soixante millions de vies, l'économie mondiale s'est développée. Après tout, il y avait tant à reconstruire. Les trois décennies suivantes de réformisme dans le cadre des États-nations ont vu une augmentation notable des niveaux de vie, non seulement dans les pays capitalistes avancés, mais également en Union soviétique. La révolution chinoise a mis fin à la domination capitaliste directe de ce pays brutalement opprimé. Une vague de luttes anti-coloniales de masse a balayé le «tiers-monde».
Mais le problème fondamental du vingtième siècle n'avait pas été résolu. Le capitalisme avait réussi à survivre à la crise dévastatrice de 30 ans entre 1914 et 1945. Les années de la prospérité d'après-guerre ont vu la dégénérescence opportuniste toujours plus rapide des bureaucraties staliniennes et sociales-démocrates qui dominaient le mouvement ouvrier. Avec la baisse de la croissance d'après-guerre et la réaffirmation de la tendance à la crise – en premier lieu aux États-Unis – les bureaucraties ne se sont pas simplement révélées incapables de lutter contre le capitalisme ou réticentes à le faire. Elles ont déployé toutes les ressources à leur disposition pour s'assurer de la défaite de chaque tentative de la classe ouvrière de trouver une solution révolutionnaire à la crise du capitalisme qui se développait.
Comme toujours, les bureaucraties veillaient à leurs propres intérêts. Mais le facteur décisif qui sous-tendait l'impotence des vieilles organisations de masse de la classe ouvrière – les partis politiques et les syndicats – était la faillite de leurs programmes nationaux-réformistes dans une nouvelle période caractérisée par l'intégration mondiale du système capitaliste. Utilisant les avancées révolutionnaires de la technologie, qui avaient de vastes implications pour le processus de production, la classe dirigeante internationale – les États-Unis en tête – a commencé à la fin des années 1970 une offensive soutenue contre la classe ouvrière. La réaction des bureaucraties ouvrières à cette offensive a été la capitulation sur toute la ligne. La dissolution des régimes staliniens en Europe de l'Est et de l'Union soviétique elle-même entre 1989 et 1991 a été le point culminant du processus. Au cours de la même période, le massacre des étudiants sur la place Tiananmen en juin 1989 et la répression anti-ouvrière sauvage qui a suivi ont joué un rôle essentiel dans la suppression de l'opposition des masses à la restauration du capitalisme en Chine.
Vers la fin des années 1980, alors qu'elle préparait la dissolution de l'URSS, la bureaucratie stalinienne soviétique sous Gorbatchev se vantait de sa «nouvelle pensée» dans le domaine de la géopolitique mondiale. Elle se moquait des références à «l'impérialisme», que Gorbatchev et ses associés écartaient comme une fiction inventée par Lénine. Avec la fin de l'Union soviétique, une nouvelle ère de paix universelle devait commencer.
Ces fantaisies pathétiques et ignares ont été réfutées par la réalité. Les 20 ans et plus qui se sont écoulés depuis la dissolution de l'URSS ont été marqués par une escalade sans fin et continuelle des conflits mondiaux. Même avant que la bureaucratie stalinienne ait complètement dissoute l'URSS, le président George Herbert Walker Bush proclamait la naissance du «nouvel ordre mondial» en organisant la première invasion de l'Irak.
La «guerre contre le terrorisme», déclenchée en 2001, a évolué vers une campagne militaire sans limites pour soumettre toutes les régions du monde aux intérêts de l'impérialisme mondial. En particulier depuis le krach de Wall Street en 2008, ce processus a pris une forme particulièrement aiguë. Au cours de l'année passée, les États-Unis ont développé leurs opérations militaires visant à encercler la Chine, menacé de déclencher une guerre contre la Syrie et l'Iran et, plus récemment, organisé un coup d'État en Ukraine avec l'intention de provoquer une confrontation avec la Russie.
Les États-Unis n'ont pas agi seuls dans cette opération. L'ensemble de l'Union européenne, et en particulier l'Allemagne, ont donné avec enthousiasme leur appui à une confrontation avec la Russie. Alors même que se développait la crise en Ukraine, le président allemand Joachim Gauck déclarait que le temps était venu pour l'Allemagne de jouer un rôle dans les affaires mondiales en proportion avec sa puissance économique. Depuis lors, la crise en Ukraine a été accompagnée d'une virulente campagne anti-russe dans les médias allemands. Un thème constant de cette campagne tient aux attaques acerbes contre l'hostilité au militarisme bien ancrée dans une grande partie de population allemande.
La confrontation avec la Russie sur l'Ukraine marque un nouveau tournant dangereux dans la trajectoire que prennent les puissances impérialistes. Comme durant les années qui ont précédé la Première et la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle division du monde se prépare.
Ceux qui croient que la guerre avec la Chine et la Russie est impossible – que les grandes puissances impérialistes ne «risqueraient pas la guerre» avec des puissances nucléaires – se bercent d'illusions. L'histoire du vingtième siècle, avec ses deux guerres mondiales dévastatrices et ses innombrables conflits «localisés» et néanmoins sanglants, a fourni des preuves suffisantes des risques que les classes dirigeantes impérialistes sont prêtes à prendre. En fait, elles sont prêtes à risquer le sort de toute l'humanité et de la planète elle-même.
Cent ans après l'éclatement de la Première Guerre mondiale et 75 ans après l'éclatement de la Deuxième, la lutte contre les risques d'un troisième cataclysme impérialiste s'impose à la classe ouvrière internationale.
Le Comité international de la Quatrième Internationale organise cette célébration sur Internet du premier mai pour lancer un cri d'alarme et lutter pour l'unité mondiale de la classe ouvrière dans une lutte renouvelée contre l'impérialisme.
Joignez-vous à nous dimanche 4 mai! Réappropriez-vous le premier mai en tant que jour de solidarité internationale de classe et de lutte pour le socialisme mondial. Pour vous inscrire, visitez la page internationalmayday.org.
(Article original paru le 12 avril 2014)