Une conversation téléphonique rendue publique entre Victoria Nuland, ministre adjointe américaine des Affaires étrangères en charge des affaires européennes et eurasiennes, et Geoffrey Pyatt, l'ambassadeur américain en Ukraine, expose le caractère anti-démocratique et colonial de l'intervention du gouvernement Obama dans cette ex-république soviétique.
La discussion entre ces deux responsables comprend une revue détaillée des diverses personnalités de l'opposition de droite que Washington envisage d'installer au pouvoir, et de la façon dont il se sert des Nations unies pour valider cette opération. Si l'Allemagne et d'autres puissances européennes ont travaillé étroitement avec le gouvernement Obama pour promouvoir les manifestations violentes contre le président Viktor Yanukovytch, cet appel rendu public révèle les tensions entre les puissances impérialistes. À un moment, Nuland dit à Pyatt, « on s'en fout de l'UE. »
Cette discussion, postée anonymement sur YouTube souligne le caractère complètement cynique de la diplomatie officielle de Washington. La rhétorique du gouvernement Obama sur la « démocratie » et le droit du peuple ukrainien à déterminer son propre futur n'est qu'une mascarade concoctée pour le grand public. En coulisses, les responsables du gouvernement parlent franchement entre eux du véritable objectif – faire avancer les intérêts géostratégiques et économiques de Washington en Europe de l'Est en installant des pantins pro-américains et anti-russes dans la capitale ukrainienne.
La conversation entre la ministre assistante Nuland et l'ambassadeur Pyatt aurait eu lieu vers la fin du mois dernier, après que le président Viktor Yanukovytch a offert les postes de premier ministre et vice-premier ministre aux dirigeants de l'opposition Arseniy Yatsenyuk et Vitali Klitschko.
À propos de Klitschko, le chef du parti UDAR (frapper), qui a des liens financiers étroits avec le parti conservateur au pouvoir en Allemagne, Nuland dit à l'ambassadeur : « Je ne pense pas que Klitsch devrait aller au gouvernement. Je ne pense pas que ce soit nécessaire, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. » Pyatt est d'accord, disant, « laissons le en dehors qu'il fasse ses classes en politique. »
Nuland poursuit ainsi: « Yats [Yatsenyuk] est le type qui a l'expérience économique, l'expérience de gouverner. » Pyatt met ensuite Nuland en garde car « C'est Klitschko qui commande » dans l'opposition, et qu'elle aura besoin « d'agir rapidement sur tout ça » et de parler avec le chef d'UDAR dans le cadre de leur « gestion des personnalités » de la direction de l'opposition.
L'entière criminalité de la campagne de Washington pour installer un régime complaisant à Kiev apparaît clairement dans la discussion entre Nuland et Pyatt sur Oleh Tyahnybok, le chef du parti néo-fasciste de l'Union pan-ukrainienne (Svoboda). Nuland le décrit comme l'un des « trois grands » à la tête de l'opposition. Cette responsable du ministère des affaires étrangères va jusqu'à dire à Pyatt que « ce dont [Yatsenyuk] a besoin [une fois installé au pouvoir] c'est de Klitsch et Tyahnybok à l'extérieur – il a besoin de leur parler quatre fois par semaine. »
Ces remarques confirment qu'il n'y a aucune confusion au sein du gouvernement Obama sur le fait qu'ils travaillent en partenariat avec des mouvements fascistes en Ukraine.
Tyahnybok est le chef du parti Svoboda, qui s'appelait au départ le Parti social-national d'Ukraine et avait un logo néo-nazi. En 2004, Tyahnybok chantait les louanges des partisans ukrainiens de la seconde Guerre mondiale, qui, déclarait-il, « n'avaient pas peur, mais prenaient leurs fusils automatiques, allaient dans les bois se battre contre les Moscovites, les Allemands, les Juifs et autres racailles. »
Il ajoutait que l'Ukraine devait encore être libérée de la « mafia judéo-moscovite. En 2005, Tyahnybok a signé une lettre ouverte aux dirigeants ukrainiens pour demander la fin des « activités criminelles » de la « juiverie organisée, » qui, déclarait-il, tentait de commettre un « génocide » contre le peuple ukrainien.
Voilà l'un des « trois grands » avec lesquels le gouvernement Obama travaille pour installer un régime à sa botte en Ukraine. Hier, Nuland a rencontré plusieurs personnalités de l'opposition, dont Oleh Tyhanybok. Aucun détail sur cette discussion n'a été rendu public, mais l'ambassadeur Pyatt a publié sur Twitter une photo d'une Nuland souriante posant à côté du dirigeant pro-nazi et de ses collègues
La rencontre d'hier entre Nuland et Tyahnybok n'était pas la première. Les deux ont également participé à des discussions à huis clos lors de son précédent passage en Ukraine en décembre dernier. Après cette réunion, Nuland a organisé une séance de photos sur la place centrale de Kiev qui a servi de quartier général aux manifestations anti-gouvernement organisées par l'opposition de droite, distribuant du pain aux manifestants pour démontrer le soutien américain.
Lors de sa conversation téléphonique avec Pyatt, Nuland a applaudi le secrétaire général de l'ONU Ban KI-moon pour avoir dépêché un envoyé spécial, Robert Serry, en Ukraine. Cela, explique-t-elle, sera « formidable, je pense, pour aider à faire tenir cette chose [un nouveau gouvernement]. » Ces remarques soulignent le rôle joué par l'ONU comme instrument de l'impérialisme, travaillant avec les États-Unis et leurs alliés pour couvrir ou soutenir leurs opérations prédatrices dans le monde entier.
Immédiatement après sa louange de l'ONU, Nuland déclare, « on s'en fout de l'UE, » apparemment par frustration devant le fait que les puissances européennes n'en fassent pas plus pour soutenir cette opération de changement de régime. D'après le Kyiv Post, une autre conversation téléphonique rendue publique, en allemand, entre une responsable de l'UE, Helga Schmitt, et l'ambassadeur de l'UE en Ukraine, Jan Tombinski, comprend une discussion entre ces deux personnes sur la manière dont les États-Unis considèrent l'UE comme trop « douce » sur l'Ukraine.
Dans la discussion entre Nuland et Pyatt, l'ambassadeur américain exprime son accord sur le besoin d'impliquer l'ONU, disant, « Nous devons faire quelque chose pour que ça colle, parce que vous pouvez être certaine que si cela commence à prendre de l'ampleur, les Russes travailleront en coulisses pour tenter de le torpiller. » Il ajoute que « nous voulons essayer de faire venir une personnalité de stature internationale ici pour aider à ce que tout cela accouche. »
Washington est engagé dans une lutte sans merci pour saper tous les obstacles créés par Moscou à sa volonté de domination de la région eurasiatique dont l'importance géo-stratégique est cruciale, le vaste territoire qui va de l'Europe de l'Ouest aux frontières occidentales de la Chine en passant par un Moyen-Orient et une Asie centrale riches en pétrole. L'impérialisme américain fait la promotion des mouvements fascistes en Ukraine et jette de l'huile sur les flammes naissantes d'une guerre civile pour faire avancer ses intérêts et augmenter la pression sur le gouvernement russe.
La nomination de Nuland au poste de ministre assistante des Affaires étrangères en charge des affaires européennes et eurasiatiques en mai dernier faisait clairement partie de la stratégie agressive du gouvernement Obama. Avant cela, elle avait travaillé comme vice-conseillère à la sécurité nationale pour le vice-président Dick Cheney et elle a épousé Robert Kagan, un commentateur et historien néoconservateur bien connu.
Hier, Sergei Glazyev, un haut collaborateur du président russe Vladimir Poutine, a affirmé que les États-Unis dépensaient 20 millions de dollars par semaines pour soutenir les groupes de l'opposition ukrainienne, y compris en leur fournissant des armes.
En réponse aux questions sur cet appel rendu public, le porte-parole du ministère des affaires étrangères Jen Psaki a admis qu'il est authentique et a déclaré que Nuland s'était excusée auprès des responsables de l'UE, avant de déclarer de manière absurde que cet incident marquait « un nouveau record de bassesse des services de renseignements Russes. »
Psaki a déclaré que si le gouvernement Obama n'a aucune preuve que le gouvernement russe soit responsable de l'interception et de la fuite de la conversation téléphonique, c'est cependant « quelque chose qu'il a activement promu, faisant des posts, des tweets, là-dessus, et nous pensons que c'est un nouveau record de bassesse. »
Le lanceur d'alerte de la NSA Edward Snwoden a révélé que le gouvernement Obama a érigé un vaste réseau de surveillance qui enregistre les communications téléphoniques et Internet de la population mondiale, dont les chefs d'état et de gouvernement. Il n'est pas en position de donner des leçons à qui que ce soit sur de « nouvelles bassesses ». Ses protestations hypocrites pointent néanmoins les inquiétudes qu'il a sur les dommages que pourraient causer cette conversation à sa campagne en cours contre Moscou et le gouvernement Yanukovytch.
(Article original paru le 7 février 2014)