Les tentatives des forces de l'opposition ukrainienne, soutenues par l'occident, d'établir un gouvernement après leur prise du pouvoir par un putsch fasciste samedi ont échoué dans le contexte de demandes de plus en plus fortes d'attaques sociales contre la classe ouvrière de la part de Washington et de l'Union européenne (UE), et de tensions militaires avec la Russie.
La responsable de la politique étrangère de l'UE, Catherine Ashton a quitté Kiev après deux jours de négociations infructueuses où elle tentait de réconcilier dans un gouvernement les différents partis d'opposition. Ce putsch, cyniquement salué par les médias occidentaux comme étant une lutte pour la démocratie, se révèle être une opération visant à installer de force une écoeurante dictature du capital financier impérialiste. Les représentants de l’opposition ont estimé cette semaine que l'Ukraine a besoin de 35 milliards de dollars pour refinancer sa dette. Cependant, les grandes banques internationales ont, dans les faits, coupé les crédits à l'Ukraine en lui imposant des taux d'intérêts ruineux qu'elle n'a pas les moyens d'honorer. Entre-temps, la Russie a retiré sa proposition de 15 milliards de dollars d'aide après que le putsch a fait tomber le président qu'elle soutenait, Viktor Yanukovitch.
Les représentants de l'UE et du Fonds monétaire international (FMI) exigent des mesures d'austérité, telles des coupes profondes dans les subventions d'Etat sur le prix de l'énergie pour les particuliers, en échange d'un versement de 1 à 2 milliards de dollars pour éviter une faillite immédiate. En automne, Yanukovitch avait refusé un accord d'association prévu avec l'UE et entraînant ce type de coupes, décision qui a provoqué les manifestations de l'opposition contre lui. En effet il craignait que ces coupes ne provoquent des troubles sociaux qui auraient fait tomber son régime.
Maintenant, l'opposition pro-occidentale, soutenue par les gangs fascistes du parti Svoboda et du groupe néo-nazi Secteur droit, tente d'imposer ce programme réactionnaire et antidémocratique. Arseniy Yatsenyuk du Parti de la Patrie dirigé par la milliardaire Yulya Timoshenko, que Washington a désignée comme sa marionnette préférée en Ukraine, a appelé l'opposition à rejoindre le gouvernement et à obtempérer aux exigences des banques malgré l'opposition populaire. « C'est une question de responsabilité politique. Vous savez qu'être dans ce gouvernement est du suicide politique, et nous devons être très francs et ouverts, » a déclaré Yatsenyuk aux journalistes devant le parlement.
Ce type de remarques souligne le fait que l'opposition a l'intention de faire peu de cas du peuple ukrainien, tentant d'utiliser des forces violemment anti-ouvrières tel Svoboda ou Secteur droit, qui glorifient ouvertement le nazisme et l'holocauste, pour écraser toute opposition populaire qui pourrait émerger.
Les reportages sur l'opinion du grand public en Ukraine indiquent une hostilité populaire non seulement envers Yanukovitch, mais aussi envers Timoshenko, principale oligarque de l'opposition. Une femme a déclaré au Neue Zürcher Zeitung, « Ce sont tous des escrocs, tous autant qu'ils sont, et Yulya [Timoshenko] ne vaut pas mieux. »
Les tensions s'intensifient avec la Russie au sujet de la manœuvre des puissances occidentales pour arracher l'Ukraine à la sphère d'influence russe. Dans une déclaration, le ministre russe des Affaires étrangères a attaqué la politique des États-Unis et de l'UE en Ukraine, disant qu'elle était motivée « non par une inquiétude pour le sort de l'Ukraine, mais par des calculs géopolitiques unilatéraux […] Une trajectoire a été décidée qui aboutira à l'usage de méthodes dictatoriales et parfois terroristes pour réprimer les dissidents dans diverses régions. »
S'exprimant auprès de l'agence de presse Interfax lundi, le premier ministre russe Dmitri Medvedev a dénoncé le putsch de Kiev. Il a dit, « Pour être précis, il n'y a personne à qui parler là-bas. La légitimité de toute une série d'institutions gouvernementales soulève d'énormes doutes […] Si des gens qui se promènent dans Kiev en portant des masques noirs et des kalachnikovs sont considérés comme un gouvernement, il nous sera difficile de travailler avec un tel gouvernement. »
Medvedev a ajouté cependant que la Russie honorerait les contrats d'énergie légalement contraignants visant à fournir du gaz naturel à l'Ukraine. « Ces accords qui sont légalement contraignants doivent être honorés. Nous ne coopérons pas avec des personnalités ou des individus isolés. Il s'agit de relations inter-étatiques. Nous sommes voisins, des nations proches, et nous ne pouvons pas nous éviter. Tout ce qui a été signé doit être honoré. Pour nous, l'Ukraine reste un partenaire sérieux et important. »
L'opposition a aboli le statut du russe, langue très parlée notamment à l'Est de l'Ukraine, comme langue officielle. Il y a des craintes très répandues de combats possibles, y compris d'une intervention russe, si les forces de l'opposition à Kiev tentent de conquérir l'Est ou de prendre les bases militaires russes en Crimée.
Le commandant de l'OTAN en Europe, le Général Philip Breedlove s'est entretenu avec le chef d'état major russe Valery Gerasimov au cours d'un échange tendu lundi, où tous deux ont « exprimé des inquiétudes sur la situation en Ukraine. »
De telles remarques soulignent la faillite du régime russe du président Vladimir Poutine, et les implications géostratégiques désastreuses de la dissolution de l'URSS par la bureaucratie stalinienne il y a 23 ans. Dépendant des gazoducs ukrainiens pour transporter son gaz naturel vers les marchés européens, l'oligarchie du Kremlin n'a pas plus de base populaire que le régime corrompu de Yanukovitch. Elle est exposée aux mêmes provocations de droite de la part des forces de l'opposition des classes moyennes ou des conflits ethniques internes, comme celui en Tchétchénie, alimentés par les États-Unis et leurs alliés. S'il tentait de se servir de son armée pour bloquer l'offensive des intermédiaires d'extrême-droite de l'impérialisme, Moscou ne ferait que risquer de déclencher une guerre totale avec l'OTAN.
L'unique solution progressiste consiste à mobiliser la classe ouvrière en Ukraine et internationalement contre la volonté des puissances impérialistes d'imposer des régimes d'extrême-droite néo-coloniaux à travers l'ex-URSS. En l'absence d'un tel mouvement, les puissances impérialistes vont simplement continuer à mobiliser des forces de droite des classes moyennes pour déstabiliser toute la région, visant en fin de compte à démembrer la Russie. L'ex-république soviétique de Géorgie, dont le gouvernement a mené une courte guerre contre la Russie en 2008 avec le soutien des États-Unis, après avoir attaqué des troupes de maintien de la paix en Ossétie du Sud, est maintenant candidat à un accord d'association avec l'UE comme celui que Yanukovitch a refusé en Ukraine.
Dans le Süddeutsche Zeitung d'hier, Lilia Shevtsova du laboratoire d'idées Carnegie Endowment for International Peace à Moscou a indiqué que les forces de l'opposition pro-occidentale se préparent à des opérations comme le putsch ukrainien dans tous les territoires de l'ex-URSS, y compris en Russie même.
Faisant, de manière orwellienne, l'éloge du putsch fasciste de Kiev comme étant « une nouvelle forme d'auto-réalisation nationale, avec ses propres chefs et héros, » et appelant l'Ukraine à rejoindre l'OTAN, elle écrit : « l'Ukraine s'est révélée le lien le plus faible de la chaîne post-soviétique. Il faut garder à l'esprit que des soulèvements similaires sont également possibles dans d'autres pays. »
Indiquant la politique étrangère du président allemand Joachim Gauck, qui a appelé l'Allemagne à abandonner les limites fixées à sa politique étrangère et militaire depuis la chute du régime nazi, Shevtsova a soulevé la possibilité que Berlin puisse soutenir des opérations similaires contre la Russie.
Elle écrit, « L'on peut donc espérer que les Ukrainiens ne seront pas à nouveau déçus par l'Europe, et aussi que les forces démocratiques en Russie seront capables de dépasser leur déception actuelle avec l'Europe. »
(Article original paru le 26 février 2014)