La direction de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF) est parvenue à un accord avec les délégués syndicaux de la CGT stalinienne (Confédération générale du travail) le 22 janvier pour mettre fin à la grève avec occupation lancée il y a une semaine. Les syndicats, anxieux de bloquer une lutte plus large de toute la classe ouvrière contre les réductions d'emplois et les fermetures d'usines, n'a demandé qu'une amélioration de l'offre d'indemnités de licenciement en échange de la perte de 1173 emplois à l'usine d'Amiens.
Un accord avec Titan Tires devrait maintenant s'appliquer, ne réemployant que 333 travailleurs de l'usine d'Amiens pour produire des pneus de machines agricoles, et sans aucun doute avec des conditions de travail punitives. Depuis 2007, lorsque la compagnie avait cherché à imposer un accélération des rythmes et la flexibilité par un système de quatre huits, que les ouvriers de Goodyear ont refusé à bon droit, la compagnie a retiré ses investissements et fait baisser la production.
France 2 TV a annoncé que la CGT avait triplé une précédente offre d'indemnités, et que les travailleurs licenciés recevraient 120 000 euros.
Cependant, d'après le Courrier Picard, « Ces indemnités restent toutefois inférieures à celles qui étaient envisagées dans le Plan de départs volontaires, mort-né en septembre 2012. » Les travailleurs qui ont de 5 à 9 ans de ancienneté recevront jusqu'à 80 000 €, ceux qui ont 10 ans, 90 000 €, etc.
À compter du 6 janvier, les travailleurs ont retenu en otage les directeurs de la production et des ressources humaines dans l'usine pendant 30 heures afin de forcer l'ouverture de négociations. Ceux-ci ont été relâchés sains et saufs, et la compagnie a abandonné toutes les accusations pénales, comme stipulé dans l'accord.
La CGT a accepté d'abandonner toute opposition juridique à la fermeture, mais a passé un accord avec l'entreprise pour permettre aux travailleurs d'avoir recours aux prud'hommes à titre individuel pour obtenir plus d'indemnités. Ces versements seront conditionnés à la preuve que les justifications économiques de Goodyear pour fermer l'usine n'étaient pas valides.
Une décision du tribunal début janvier a approuvé le plan de licenciement de GDTF et une fermeture définitive de l'usine, après que la CGT a mené une procédure devant les juridictions du travail pendant sept ans. Mickaël Wamen, le délégué CGT de l'usine, a conclu : « Maintenant que l’on ne peut plus sauver nos emplois, nous voulons partir avec du fric pour faire vivre nos familles. »
Frank Jurek, secrétaire adjoint (CGT) du Comité d'entreprise de l'usine, a déclaré : « On perd tout en justice, alors on a décidé de changer de tactique. »
Ce « changement de tactique » pour amener GDTF à la table des négociations et permettre à la fermeture de l'usine d'avancer est une admission que la stratégie de la CGT consistant à s'appuyer sur les décisions des tribunaux et son orientation vers un gouvernement PS réactionnaire ont abouti à un échec. La classe ouvrière ne peut obtenir des victoires que dans une lutte politique indépendante contre le PS.
Cela confirme l'opposition de principe du WSWS aux mensonges politiques qui affirmaient que les travailleurs pouvaient s'appuyer sur des accords entre la direction, l'état, et la bureaucratie syndicale pour défendre leurs emplois et leur niveau de vie. Les indemnités en elles-mêmes ne seront que des palliatifs temporaires, mais aucune perspective future pour les travailleurs et leurs enfants dans une ville avec 20 pour cent de taux de chômage.
Le ministre PS du redressement productif, Arnaud Montebourg, que la CGT a initialement présenté comme un sauveteur possible pour l'usine, a sermonné les travailleurs sur un ton menaçant. « On ne trouve pas un investisseur en pratiquant la terre brulée […] Cela suffit! Goodyear, CGT faites un effort et allez l’un vers l’autre. La République c’est la compréhension mutuelle […] Tout le monde doit mettre de l’eau dans son vin. Goodyear doit faire un effort financier et la CGT doit arrêter de bloquer l’arrivée de Titan [le repreneur envisagé]. »
La base de tout le combat de Mickaël Wamen et de l'avocat de la CGT Fiodor Rilov depuis 2007 était que le gouvernement pouvait être pressuré pour soutenir les travailleurs de Goodyear, et que les tribunaux pouvaient servir à empêcher les licenciements et la fermeture. L'illusion était créée par la CGT et les forces de la pseudo-gauche que le candidat PS à la présidence, François Hollande, légiférerait contre les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices. En fait, Hollande a fait passer le contraire – sa loi dite sur la sécurisation de l'emploi, donne aux entreprises le droit d'écarter des protections du droit du travail.
La CGT a utilisé une succession de tactiques qui ont échoué à empêcher les plans de Goodyear : des référés sur des points de détail ; des projets de coopérative ouvrière ; et récemment une parodie d'enquête parlementaire menée par les députés PS locaux pour déterminer les raisons de la fermeture de Goodyear – une procédure qui n'avait aucun pouvoir de faire annuler la fermeture de l'usine.
Cela s'est poursuivi même après que le gouvernement PS a soutenu le licenciement de 3000 travailleurs dans la fermeture de l'usine automobile de PSA Aulnay.
Une déclaration de la CGT Goodyear publiée le 6 janvier accuse cyniquement le gouvernement d'« un véritable complot ». contre les travailleurs de Goodyear. Elle admet que la politique de la CGT consistant à soutenir un gouvernement PS, qui est partagé avec le Parti communiste français et les groupes de la pseudo-gauche comme le Nouveau parti anti-capitaliste, revient à signer l'arrêt de mort de l'usine.
« En validant sa candidature en qualité de président nous avons donc validé le projet de la Direction de Goodyear [...] Nous accusons ouvertement le gouvernement d’aider à la fermeture de notre usine..car la direction avance uniquement grâce à l’aide du gouvernement Hollande. »
Cela souligne la nécessité d'une lutte politique plus large pour mobiliser la classe ouvrière contre le gouvernement PS en France et les mesures d'austérité de l'Union européenne (UE). Une telle lutte ne peut cependant être menée qu'en opposition à la bureaucratie syndicale et aux partis de la pseudo-gauche qui ont soutenu Hollande .
La déclaration de la CGT Goodyear n'est pas seulement une admission de faillite politique cependant, c'est aussi une tentative de cacher le rôle de la CGT dans l'imposition des attaques contre les travailleurs. Les intentions du PS n'étaient pas un secret pour les bureaucrates des partis de la pseudo-gauche. Sa priorité était de sacrifier les conditions de travail des travailleurs pour augmenter la compétitivité des grandes entreprises françaises, ayant soutenu l'imposition de l’austérité de l'UE aux travailleurs en Grèce et ailleurs.
La promotion par les syndicats d'une perspective nationale en faillite consistant à lutter contre les fermetures usine par usine, pendant que leurs négociations avec les représentants de la direction et l'état préparait la fermeture de l'usine en secret, faisait partie de l'alignement des syndicats sur Hollande.
Abandonner la lutte pour les emplois et se contenter de négocier les indemnités de licenciement, permettant à l'offensive patronale et gouvernementale contre la classe ouvrière de continuer, est une stratégie récurrente de la bureaucratie syndicale. Elle a servi usine après usine avec les mêmes résultats désastreux : Continental Clairoix, PSA Aulnay, la sidérurgie à Florange et ailleurs.
La CGT de l'usine a accusé Goodyear de transférer la production vers sa nouvelle usine polonaise, mais n'a lancé aucun appel à une lutte conjointe avec les travailleurs polonais. Par contre la CGT Goodyear a envoyé une lettre au président Hollande le 23 septembre dernier lui demandant uniquement de « …soutenir notre combat en faveur de l’industrie et de l’emploi en France. »
(Article original paru le 24 janvier 2014)