L'ex-agent de la National Security Agency (NSA) Edward Snowden a révélé au journal hongkongais en langue anglaise South China Morning Post, mercredi, que Washington a mené des attaques informatiques sur des centaines de cibles civiles à Hong Kong et en Chine.
Les révélations de Snowden constituent un démenti cinglant des affirmations du gouvernement Obama selon lesquelles la Chine serait la plus grande menace pesant sur la sécurité informatique mondiale. Cette affirmation a été utilisée pour intensifier la pression américaine contre la Chine et justifier le développement des capacités de guerre informatique américaines contre des cibles n'importe où dans le monde.
Depuis des mois, le gouvernement Obama et les journaux américains comme le New York Times créent la peur parmi la population en affirmant, sans aucune preuve concrète, que les unités de guerre informatique chinoises espionnaient les réseaux du gouvernement américain, de l'armée et des grandes entreprises. Obama lui-même a soulevé la question à plusieurs reprises avec le président chinois Xi Jinping, y compris lors du premier sommet en Californie la semaine dernière.
Snowden a confirmé que la NSA lance des attaques contre des ordinateurs situés à Hong Kong et ailleurs en Chine depuis au moins 2009.
D'après les documents montrés au South China Morning Post, les centaines de cibles des attaques américaines à Hong Kong comprennent des responsables publics, une université, des entreprises et des étudiants. Les documents indiquent les dates et les adresses IP précises d'ordinateurs piratés à Hong Kong et ailleurs en Chine par la NSA durant les quatre dernières années. Ils indiquent également si les attaques sont en cours ou terminées, ainsi que d'autres informations sur les opérations. Les documents révèlent que le taux de réussite des piratages contre les ordinateurs à Hong Kong est de plus de 75 pour cent.
Toutes les attaques visaient les ordinateurs de civils sans aucune référence au système militaire chinois, a dit Snowden. Il a dit que cela montre « l'hypocrisie du gouvernement américain quand il affirme qu'il ne vise pas d'infrastructures civiles, contrairement à ses adversaires. »
Snowden a expliqué qu'il ne savait pas quelles informations spécifiques ils cherchaient sur ces ordinateurs, « je sais seulement que se servir de failles techniques pour obtenir un accès non autorisé à des machines civiles est une violation de la loi. »
Snowden a dit que la méthode principale du piratage par la NSA est de s'en prendre aux backbones du réseau, qui sont « comme d'énormes routeurs internet, en fin de compte, qui nous donnent l'accès aux communications de centaines de millions d'ordinateurs sans avoir à pirater chacun d'entre eux. » L'une des cibles, l'Université chinoise de Hong Kong, corresponds à cette catégorie. Elle abrite le Hong Kong Internet Exchange – un nœud central de serveurs par lequel passe tout le trafic Web de la ville.
Snowden a déclaré, « La question principale importante pour tout le monde à Hong Kong et dans toute la Chine devrait être que la NSA saisit illégalement les communications de dizaines de millions d'individus sans aucune suspicion ou méfait imputable à une personne identifiée. Il s'emparent simplement de tout pour pouvoir rechercher n'importe quel sujet qui les intéresse. »
Les entretiens accordés par Snowden révèlent au grand jour la politique criminelle du gouvernement des États-Unis, qui a toujours affirmé être le champion de la défense des « droits de l'Homme » en Chine.
Le piratage illégal à grande échelle des ordinateurs sur le territoire chinois par Washington montre toute l'hypocrisie du « pivot vers l'Asie » d'Obama, qui vise à contenir la Chine par un réseau d'alliés des États-Unis. Il veut se justifier par des affirmations sur le fait que Washington s'unirait avec des « démocraties » comme le Japon et l'Australie pour contenir militairement et encercler la Chine « autoritaire ». En fait, Washington est engagé dans une opération d'espionnage massive contre des cibles en Chine, ainsi qu'aux États-Unis eux-mêmes.
Ce que Snowden a révélé, en tant qu'employé à un poste subalterne à la NSA, n'est qu'une petite partie de la guerre informatique que les États-Unis préparent dans le cadre de leurs préparatifs militaires contre la Chine.
Même avant les révélations de Snowden sur les piratages informatiques américains en Chine, Matthew Aid, expert sur les services de renseignement américains, avait révélé dans Foreign Policy le 10 juin l'existence d'une unité de la NSA impliquée dans le piratage des ordinateurs et des réseaux de télécommunications chinois depuis 15 ans.
D'après Aid, le très secret Office of Tailored Access Operations (TAO – bureau des opérations d'accès sur-mesure) basé au Maryland a « produit certaines des meilleures et des plus fiables informations secrètes sur ce qui se passe en République populaire de Chine. »
Aid a expliqué qu'étant donné l'ampleur importante des opérations du TAO, il ne pouvait plus rester caché et est connu du gouvernement chinois. C'est apparemment devenu un problème lors du sommet américano-chinois de la la semaine dernière. Initialement, Obama a tenté une provocation en insérant la question de la sécurité informatique à l'ordre du jour de sa rencontre avec le président chinois Xi, sans même en informer Pékin à l'avance.
Le plus haut responsable chinois sur ces questions, Huang Chengquing, a implicitement menacé de publier des « montagnes de données » sur l'espionnage américain des secrets du gouvernement chinois.
Aid a dit que même si personne dans les médias américains ne se donne la peine de demander à la Maison Blanche si les accusations chinoises sont fondées, « il s'avère que les allégations du gouvernement chinois sont essentiellement correctes. »
D'après des ex-responsables de la NSA interviewés pour cet article, écrit Aid, le TAO est maintenant le plus grand et le plus important composant du Signal Intelligence Directorate de la NSA (direction des renseignements), avec plus de 1000 pirates militaires et civils, analystes et ingénieurs.
Aid écrit que la mission du TAO est de réunir des renseignements sur des cibles étrangères en brisant des codes d'accès, en portant atteinte aux systèmes de sécurité des ordinateurs, en volant des informations stockées sur leurs disques durs, et en copiant tous les messages et les flux d'informations passant par des e-mails et des textos ciblés. Le terme technique pour cette opération est CNE, Computer Network Exploitation.
D'après Aid, le TAO, « est également responsable du développement des informations qui permettraient aux États-Unis de détruire ou d'endommager les ordinateurs étrangers et les systèmes de télécommunications par une attaque informatique si le président en donnait l'ordre. » L'attaque serait menée par le US Cyber Command mis en place par Obama.
Le gouvernement Chinois n'a pas fait de commentaire direct sur l'affaire Snowden pour l'instant, mais le quotidien officiel China Daily a reconnu que l'affaire va « mettre à l'épreuve les liens sino-américains qui se développent. » Au récent sommet, les deux présidents se sont mis d'accord pour mettre de côté le conflit sur la sécurité informatique pour le moment, après qu'Obama a arraché des concessions de Xi pour qu'il fasse pression sur la Corée du Nord afin que cette dernière reprenne les négociations sur son programme nucléaire.
Mais la fuite de Snowden à Hong Kong, qui est indirectement sous contrôle chinois, a placé une nouvelle pression sur Pékin. Non seulement Xi cherche à améliorer les relations avec Washington, mais il y a des craintes que les révélations sur le piratage informatique américain ne déclenchent une réaction bien plus large contre les grands programmes chinois d'espionnage informatique et physique des citoyens chinois par la Chine elle-même.
Il y a maintenant 700 millions d'internautes en Chine, principalement parmi les jeunes. Le gouvernement chinois s'est servi de son fameux « Grand pare-feu » pour leur interdire l'accès à tous les sites internet ayant des idées politiques d'opposition.
Il y a, en Chine, du soutien pour Snowden qui est perçu comme quelqu'un qui résiste au pouvoir totalitaire. CNN a fait savoir que les internautes de Chine « étaient typiquement favorables à cet homme de 29 ans. » Un utilisateur d'Internet « Xiaogong » l'a qualifié de « vrai combattant pour les droits de l'Homme. Maintenant qu'il est en Chine, nous devrions le protéger. »
Le Wall Street Journal a également écrit que les internautes de Chine l'accueillaient en « héros ». « C'est la définition-même de l'héroïsme, » a écrit un bloggeur. « Ce qu'il a fait prouve qu'il se soucie sincèrement de son pays et des citoyens de son pays. Tous les pays ont besoin de quelqu'un comme lui ! »
(Article original paru le 14 juin 2013)