L’entente budgétaire aux États-Unis: une intensification de l’attaque contre les travailleurs

L’entente budgétaire bipartite ratifiée jeudi dernier par la Chambre des représentants aux États-Unis, qui devrait être acceptée par le Sénat cette semaine, représente un pacte entre l’administration Obama et le Congrès qui vise à attaquer la classe ouvrière américaine.

La clé de voûte de l’entente est la décision de l’administration Obama et des démocrates du Congrès d’abandonner la proposition de renouvellement des prestations d’assurance-emploi de longue durée. Cette décision fera en sorte que 1,3 million de travailleurs vont recevoir, à la semaine du 28 décembre, leur dernier chèque d’assurance-emploi.

Au cours de l’année 2014, 3,6 millions de travailleurs de plus vont arriver au terme de leurs prestations. Aucun autre programme ne viendra remplacer ces prestations d’assurance-emploi de longue durée. Ces travailleurs et leur famille (près de 5 millions de travailleurs et 15 millions de personnes en tout, soit quelque 5 pour cent de la population des États-Unis), seront précipités dans la pauvreté et risqueront de faire faillite et de perdre leur maison.

Les prestations d’assurance-emploi de longue durée coûteraient au total 25 milliards $ en 2014, soit à peine plus de deux pour cent des dépenses discrétionnaires autorisées dans l’entente budgétaire et moins d’un pour cent des dépenses totales au fédéral. C’est moins d’argent que ce que dépense le Pentagone en deux semaines.

Une analyse du Centre pour les priorités de politiques et budgétaires (CBPP) note que l’on n’a jamais mis un terme aux prestations d’assurance-emploi d’appoint du fédéral dans toute autre récession depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale lorsque le taux de chômage de longue durée était supérieur à 1,3 pour cent. Ce taux de chômage est actuellement à 2,6 pour cent, soit le double.

Le rapport du CBPP indique combien de chômeurs, dans chaque État, vont cesser de recevoir toutes prestations en 2014 en raison du refus du Congrès de prolonger le programme:

• Californie: 836.100

• New York: 383.000

• Texas: 285.200

• Pennsylvanie: 262.500

• Floride: 260.400

• New Jersey: 260.100

• Illinois; 230.500

• Michigan: 189.700

• Géorgie: 164.700

• Massachusetts: 141.000

• Ohio: 128.600

Avec le plus grand cynisme, le président Obama est sorti vendredi d’une rencontre avec 16 maires nouvellement élus en déclarant qu’il s’engageait à ratifier la prolongation des prestations d’assurance-emploi du fédéral dès la prochaine convocation du Congrès en janvier.

«1,3 million de personnes pourraient, durant la période de Nöel, perdre leurs prestations d’assurance-emploi, à un moment où il est encore très difficile pour beaucoup de gens de se trouver un emploi», a dit Obama. «Et cette situation n’est pas mauvaise que pour ces gens et leur famille. Elle est aussi mauvaise pour notre économie et pour nos villes.»

Obama n’a pas mentionné que son propre gouvernement et que les représentants de son parti au Congrès venaient tout juste de signer une entente budgétaire qui abandonnaient les prestataires d’assurance-emploi de longue durée à leur sort en mettant un terme à leurs prestations durant la période de Noël.

Ni les médias, complices de l’administration, ni les 16 maires, presque tous des démocrates, n’ont soulevé la contradiction flagrante entre la sympathie rhétorique d’Obama pour les chômeurs et les véritables politiques menées par la Maison-Blanche.

Au nom des maires qui étaient sur place, Bill de Blasio, le nouveau maire démocrate de New York et la coqueluche des publications libérales telles que le magazine Nation, a acclamé Obama et son appui pour des mesures visant à réduire les inégalités de revenu et améliorer les conditions de vie des pauvres. «Il y avait une véritable passion dans la voix du président», a dit de Blasio aux journalistes à l’extérieur de la Maison-Blanche. «Nous pouvons compter sur lui en tant que partenaire dans tout ce que nous faisons.»

La présence à la Maison-Blanche du maire de Detroit, Michael Duggan, un démocrate qui travaille étroitement avec l’administrateur spécial Kevyn Orr, l’architecte de la faillite de Detroit, est une indication du caractère réactionnaire du «partenariat» entre Obama et les maires des grandes villes. Utilisant le processus de faillite, avec le plein appui de l’administration Obama, Orr a exigé des coupes radicales dans les régimes de retraite des travailleurs de la ville et la liquidation de biens publics comme les usines de traitement des eaux et les chefs-d’œuvre de la collection du Musée d’art de Detroit.

Le 17 décembre, un vote au Sénat décidera de la fin du débat sur l’entente budgétaire. Tous les 55 démocrates devraient voter en faveur et au moins une demi-douzaine de républicains, sinon plus. À la fin du débat, certains de ces républicains vont voter contre le projet de loi final, mais la ratification de ce dernier est presque assurée.

La pression des lobbies de la grande entreprise a joué un rôle central pour assurer un vote écrasant, tant du côté démocrate que républicain, en faveur de l’entente à la Chambre des représentants. En effet le patronat voit cette entente comme un moyen de préparer le terrain l’an prochain à un assaut frontal sur les programmes sociaux fondamentaux tels que l’assurance maladie pour les personnes âgées et les personnes à faibles revenus (Medicare, Medicaid) et la sécurité sociale, ainsi qu’à des baisses d’impôt pour les sociétés.

Pratiquement tous les lobbies de la grande entreprise se sont rangés derrière le président de la Chambre, John Boehner, lorsqu’il a dénoncé le Tea Party, une faction de droite, parce qu’il s’opposait à l’entente. Selon un article du Hill qui cite plusieurs grands représentants du patronat, «Les lobbyistes du monde des affaires ont accueilli avec enthousiasme» les critiques de Boehner à l’égard des groupes du Tea Party.

L’entente budgétaire vient consolider les coupes du «séquestre» de 2011. Selon un rapport statistique du président du Comité budgétaire de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui est aussi co-auteur de l’entente, cette dernière conserve 70 pour cent des coupes du séquestre pour 2014 et 92 pour cent pour la période allant de 2014 à 2023.

Elle prépare aussi le terrain à une attaque sur les pensions des travailleurs du gouvernement fédéral en augmentant radicalement la part que les nouveaux employés devront payer à leur fonds de pension, sans que les prestations ne soient augmentées. Les travailleurs nouvellement embauchés devront payer une part cinq fois plus grande de leur salaire que les travailleurs embauchés en 2012 ou avant.

(Article original paru le 16 décembre 2013)

Loading