Le super typhon Haiyan, appelé Yolanda aux Philippines, a causé la mort et la dévastation sur une échelle sans précédent dans les îles centrales des Philippines. Plus de 10.000 personnes auraient perdu la vie dans la seule ville de Tacloban, sur l'île de Leyte.
De grandes parties du pays sont sans électricité ni téléphone. Des régions côtières entières sur les îles de Samar, Leyte, Panay et Cebu ainsi que certaines régions de l'île de Bohol demeurent complètement isolées. On s'attend à ce que le bilan explose.
Plus d'un million de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison. Ces gens sont sans eau potable, nourriture et matériel médical, et ils ne peuvent évacuer les eaux usées. Des dizaines de milliers de personnes n'ont tout simplement aucun refuge.
Des cadavres jonchent les rues de Tacloban. L'administrateur de Tacloban a dit aux journalistes: «Les morts sont dans les rues, dans les maisons, sous les décombres; les morts sont partout.» Le ramassage des cadavres devient en soi une urgence.
L'armée a déployé des équipes pour ramasser les cadavres, mais elles ne suffisent pas à la tâche. Un chauffeur de l'armée a déclaré: «Il y a 6 camions qui ramassent les corps dans la ville, mais ce n'est pas assez.»
Tacloban était le lieu de résidence de 250.000 personnes sur la côte nord-est de Leyte qui est séparée de l'île de Samar par le détroit de San Juanico. Des vidéos et des photos montrent les débris de contreplaqué, de tôle ondulée et les bâches qui jonchent le paysage. Les débris de dizaines de milliers de maisons de travailleurs pauvres de Tacloban gisent au pied des hôtels, des centres commerciaux et des colonnes immaculées de l'hôtel de ville, qui sont tous encore debout.
Avec des vents de 315 km/h et des rafales allant jusqu'à 380 km/h, Haiyan est la plus forte tempête à avoir touché terre qui ait été observée. Sandy Torotoro, un résident de Tacloban de 44 ans qui doit subvenir aux besoins de sa femme et de sa fille de 8 ans en faisant du transport à vélo proche de l'aéroport, a décrit la tempête.
«L'eau était aussi haute qu'un cocotier, a-t-il dit. J'ai été emporté par les eaux déchaînées à travers les billots de bois, les arbres et notre maison qui avait été arrachée de ses ancrages... Pendant que nous étions emportés par le courant, beaucoup de gens criaient à l'aide en tendant la main hors de l'eau. Mais que pouvait-on faire? Nous avions aussi besoin d'aide.»
La plupart des reportages se sont jusqu'à maintenant concentrés sur la dévastation à Tacloban, mais il faut croire que de nombreux villages de la région ont subi le même genre de dégâts. Aucun contact n'a été établi avec une vaste portion de la région côtière. Il est probable que plusieurs villages de pêcheurs aient été tout simplement balayés par la tempête. Chaque village a une population de plusieurs centaines d'habitants vivant dans des huttes de bambou sur pilotis, construites avec des planchers en lattes et des toits de feuilles. Ces gens vivent exclusivement de la mer.
Robert S. Ziegler, de l'Institut international de recherche sur le riz, s'est adressé au New York Times: «Les régions côtières peuvent être très vulnérables. À beaucoup d'endroits, des communautés de pêcheurs sont situées directement sur le bord de l'eau et elles peuvent être anéanties... L'absence de nouvelles est très inquiétant et les régions que l'on ne peut rejoindre peuvent avoir été très durement touchées.»
Les préparatifs mis en place par le gouvernement des Philippines pour faire face au typhon se sont avérés complètement inadéquats. Au moment où la plus forte tempête de l'histoire n'était qu'à quelques heures de frapper la côte de Samar, le président Benigno Aquino faisait un discours télévisé à la nation pour conseiller ceux qui se trouvaient dans la trajectoire de la tempête d'évacuer leur résidence.
Étant donné que le gouvernement n'a fourni aucun moyen de transport ni aucun refuge loin de la côte, ceux qui devaient fuir n'avaient nulle part où aller. Les fameux «centres d'évacuation» dont parle le gouvernement philippin ne sont que des églises, des écoles, des auditoriums ou des arènes où ont lieu les combats de coqs.
Un million de personnes sont actuellement dans ces «centres d'évacuation» des îles centrales des Philippines. Des milliers de gens dorment sur des matelas tressés dans les nefs étroites d'églises, tandis que des dizaines de milliers d'autres doivent se coucher sur un court de basket-ball de ciment. Le sol est recouvert d'une mince couche d'eau et il n'y a pas de toilettes. Certains tentent de cuire la nourriture à l'aide d'un hurno de fortune, un petit four en argile, en utilisant le combustible qu'ils peuvent bien trouver.
Bien que le typhon soit la manifestation de puissantes forces de la nature, la catastrophe sociale qui en résulte était presque entièrement évitable et elle est la conséquence d'une monstrueuse inégalité sociale. Les demeures des riches ont résisté aux vents et au déluge. Au moins dix milles personnes sont mortes, non à cause de la tempête, mais parce qu'elles étaient forcées de survivre en marge de la société.
Le secrétaire d'État John Kerry a émis un communiqué de presse dans lequel il disait: «Ayant annulé un de mes récents voyages aux Philippines à cause d'une autre forte tempête, je sais que ces horribles actes de la natures sont un fardeau que vous avez dû porter et un défi que vous avez courageusement surmonté dans le passé. Vous avez du caractère.»
En fait, Washington ne s'est engagé qu'à verser 100.000 dollars en aide aux victimes du typhon. Ce montant est à peine assez élevé pour pouvoir être qualifié d'insulte. Au moins 10.000 personnes ont perdu la vie; des villes et des villages entiers ont été dévastés; un million de personnes pourraient être victimes d'une crise humanitaire avec la malnutrition et possiblement la famine; et Washington ne s'engage qu'à donner un quatorzième du coût d'un seul missile Tomahawk.
À l'approche de la nuit du 10 novembre, des dizaines de milliers de personnes faisaient tout pour trouver un abri et des provisions. Nombreux sont ceux qui ont dû prendre de la nourriture, de l'eau et des médicaments des épiceries abandonnées, mais toujours debout, et du centre commercial Gaisano.
Les propriétaires d'entreprises et les membres du conseil municipal (qui ont apparemment tous survécu) ont qualifié ces gestes de «pillage». Richard Gordon, président de la Croix-Rouge aux Philippines et politicien de longue date, a dit que ceux qui avaient pris de la nourriture étaient des «truands» et que la police devrait les «arrêter».
Le président Aquino, qui était accompagné de sa cohorte pour visiter la région dévastée, a rencontré dimanche matin les capitalistes et les politiciens locaux. Sous la direction d'Alfred Romualdez, maire de Tacloban et neveu d'Imelda Marcos, ils ont demandé à Aquino de proclamer la loi martiale.
Aquino a aussitôt déployé 300 soldats et policiers pour «rétablir l'ordre» dans la ville. Une colonne de véhicules blindés est arrivée dimanche soir pour «démontrer la détermination du gouvernement et mettre un terme au pillage», a dit Aquino aux journalistes. Le gouvernement n'a toujours pas distribué de nourriture, mais la puissance armée de l'État a été déployée pour protéger la propriété capitaliste.
Aquino a juré qu'il allait proclamer la loi martiale si le conseil municipal préparait une déclaration affirmant que «l'anarchie» régnait à Tacloban. Les négociations entre le neveu d'Imelda Marcos et le fils de Corazon Aquino sur la meilleure méthode à employer pour imposer la loi martiale et réprimer les masses affamées et dévastées résument bien le caractère des politiques capitalistes des Philippines.
Les rizières de Leyte et de Samar, qui étaient mûres pour la récolte, sont détruites. Les conditions sont partout réunies pour qu'une vaste et longue famine se déclare.
Les hôtels cinq-étoiles d'Iloilo et de Cebu sont à pleine capacité car, selon Business World, le plus important quotidien du monde des affaires au pays, «les riches ont choisi d'attendre la fin du typhon dans le confort».
Haiyan a touché terre au Vietnam à approximativement 3 h du matin, heure locale, ayant traversé la mer de Chine méridionale. La tempête avait à ce moment des vents de 120 km/h. Des inondations côtières seraient survenues dans les provinces de Quang Ninh et de Haiphong, et une tour de télévision de 50 mètres se serait effondrée à Uong Bi. Les reportages faisaient état de 12 morts en tout au Vietnam.
(Article original paru le 11 novembre 2013)