Durant sa visite du 13 octobre à Bangui, la capitale de la Centrafrique, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé que la France déploierait des troupes supplémentaires dans le pays à la fin de l'année.
La décision des impérialismes français et américains de soutenir les forces rebelles de la Seleka et de faire tomber le président François Bozizé en mars a entraîné un désastre. Il y a eu une montée des combats sectaires entre chrétiens et musulmans dans ce pays appauvri, où la France, l'ex-puissance coloniale, a dicté l'installation de divers régimes corrompu depuis l'indépendance officielle de la Centrafrique en 1960.
Des miliciens de la Seleka, dont beaucoup viennent du Tchad ou du Soudan voisins, ont été accusés à plusieurs reprises de saccager des églises et de terroriser les communautés chrétiennes. Le 9 octobre, « près de 60 personnes ont été tuées dans des combats sectaires en Centrafrique entre milices locales et ex-rebelles, » ont déclaré les responsables locaux à Reuters.
Plus de 440 000 personnes ont fui leurs maisons. Il n'y a que sept chirurgiens dans un pays de 4,6 millions d'habitants pour s'occuper des blessures par balles ou coups de machettes.
Les milices d'autodéfense locales appelées « anti-bakala [anti-machettes] » ont attaqué une position de la Seleka dans le village minier de Gaga, au Nord-Ouest de Bangui, le 7 octobre, tuant quatre ex-rebelles avant de s'en prendre aux civils musulmans. D'après des témoins, les combattants de la Seleka ont répliqué contre des civils chrétiens du même village.
Le 18 octobre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué : « les tensions intercommunautaires renouvelées dans les principales villes du pays sont particulièrement inquiétantes […] Des dizaines de milliers de gens se cachent toujours dans la campagne. Leur situation s'aggrave de jour en jour. Ils vivent dans la terreur, privés de nourriture, d'eau et d'assistance médicale. »
La réponse de Paris a été d'accroître son intervention militaire dans le pays pour soutenir le gouvernement de transition dominé par la Seleka. Paris a été à l'initiative d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU adoptée le 10 octobre, proposant de soutenir une nouvelle force multinationale de l'Union africaine. Une seconde résolution est préparée pour donner à cette force et à la France un mandat pour intervenir plus largement.
Fabius a dit que la France allait envoyer des troupes supplémentaires et jouer un rôle plus actif dans les opérations de sécurité en accord avec les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU. Les pays voisins de la Centrafrique ont déployé près de 2100 soldats vers le pays, et Fabius a déclaré que ce contingent passerait à 3500.
Il a dit que cette force régionale « [devait] avoir les capacités d'agir ; et la France va aider. » Il a déclaré que la France avait actuellement 410 soldats en Centrafrique, et que ces troupes étaient «« chargées essentiellement de la protection de l'aéroport et des patrouilles à Bangui » Il a indiqué qu'avec la prochaine résolution de l'ONU, « ces différentes forces vont pouvoir intervenir davantage, rapidement, efficacement ».
Le nombre de soldats français qui seront déployés n'est toujours pas sûr, mais des sources de la presse ont déclaré que Paris prévoyait d'envoyer entre 750 et 1200 soldats supplémentaires.
Le projet de la France d'accroître son soutien à la Seleka – présenté avec le prétexte habituel des motifs purement « humanitaires » – vise à recoloniser son ex-colonie, l'un des pays les plus pauvres du monde, et à piller ses ressources naturelles encore inexploitées. Parmi celles-ci, il y a des diamants, de l'or, de l'uranium, du bois et du pétrole.
Ce projet fait partie d'une multiplication des interventions militaires françaises en Afrique visant à garantir les intérêts géostratégiques français et à contenir l'influence croissante de la Chine sur le continent. En moins de trois ans, la France a déjà mené trois guerres en Afrique, en Libye, en Côte d'ivoire, et celle toujours en cours au Mali.
En août, le président français François Hollande a demandé une intervention de l'ONU pour résoudre la crise en Centrafrique, qui lui permettrait de jouer un rôle dominant. « Il est plus que temps d'agir en Centrafrique » a déclaré Hollande lors d'une réunion annuelle des ambassadeurs français à Paris. « Ce pays est au bord de la somalisation ».
En décembre 2012, les forces rebelles de la Seleka (qui signifie "alliance" dans la langue nationale Sango) sont passées à l'attaque contre les forces du président alors en place, François Bozizé, s'emparant de villes dans le Nord et l'Est du pays. La Seleka a accusé le gouvernement de revenir sur les accords de paix de 2007-2008 qui imposaient de payer les guérilleros rebelles et de les intégrer dans l'armée nationale.
Cependant, l'intervention du Tchad et de la Communauté économique des états de l'Afrique centrale (CEEAC) pour une consolidation de la paix en Centrafrique les a contraints à s'arrêter et à négocier avec le gouvernement Bozizé. Le 11 janvier 2013, les accords de Libreville, imposés par la CEEAC, ont temporairement empêché un coup d'état et initié un accord de partage du pouvoir sur trois ans.
L'accord n'a toutefois eu qu'une courte durée; les forces rebelles de la Seleka, avec le soutien tacite des puissances impérialistes, ont lancé une offensive contre les forces de Bozizé. Bozizé a été renversé le 24 mars, et le chef rebelle Michel Djotodia s'est déclaré président. (Lire en anglais : Seleka rebels seize capital of Central African Republic).
Bozizé avait lui-même pris le pouvoir par un coup militaire en 2003 pendant que le président de l'époque Ange-Félix Patassé était en dehors du pays. Il avait reçu l'aval de Paris, y compris durant la Guerre civile de Centrafrique (2004-2007) contre l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) en Centrafrique du Nord-Est, dirigée par Djotodia.
Par la suite cependant, Paris s'est retourné contre Bozizé quand celui-ci a infléchi sa politique en faveur de la Chine et passé des accords bilatéraux sur les investissements, le commerce et le développement d'infrastructures. C'est dans ces conditions que Paris a soutenu la coalition Seleka.
La Seleka est constituée de factions armées dissidentes venant du Nord-Est, et dominée par les Musulmans, comme l'UFDR et la Convention des patriotes pour la justice et la paix. Elle s'est appuyée sur le soutien intermittent d'autres mouvements comme l'Union des forces républicaines et l'Alliance pour la refondation (A2R).
La décision de Paris de déployer des forces additionnelles souligne la fragilité du gouvernement de transition dirigé par la Seleka, qui est affaiblie par la montée des conflits politiques internes. D'après les rapports de l'ONU, l'administration publique s'est en grande partie effondrée en dehors de la capitale.
En juin, l'International Crisis Group basé en Belgique écrivait, « les désaccords au sein de la Seleka éclatent également au grand jour. Le mouvement semble instable : certains généraux ne cachent pas leur profonde déception sur les décisions prises par la direction politique […] Contrairement aux crises précédentes, qui n'affectaient que certaines régions, les troubles actuels représentent un changement de paradigme politique et affectent presque l'ensemble du pays. Cela se manifeste par l'effondrement de l'état, ce qui rend le pays impossible à gouverner. »
(Article original paru le 24 octobre 2013)