Les accusations non fondées selon lesquelles le régime syrien du président Bachar al-Assad a perpétré une attaque aux armes chimiques près de Damas et qui a tué un grand nombre de civils présentent toutes les caractéristiques d’une provocation montée de toutes pièces visant à déclencher une intervention occidentale.
Des adversaires du régime d’Assad soutenus par l’occident ont fait état de l’attaque, mercredi matin de bonne heure, au moment même où une équipe d’inspecteurs de l’ONU chargés d’examiner l’utilisation d’armes chimiques allaient commencer leur travail. Ils avaient été autorisés, 72 heures plus tôt, par le gouvernement à se rendre en Syrie,.
En effet, selon les sources de l’opposition qui ont signalé les attaques chimiques, celles-ci ont eu lieu à l’est de Ghouta, dans la banlieue est de Damas, à quelques kilomètres à peine du lieu où se trouve le siège de l’équipe des inspecteurs de l’ONU.
Les rapports contradictoires initiaux concernant cette attaque supposée venir du gouvernement établissaient le nombre de victimes entre une vingtaine et 1.300.
Aucune des vastes couvertures médiatiques de ces allégations non vérifiées n’a expliqué pourquoi le régime d'Assad aurait choisi un tel moment pour déclencher des attaques chimiques à grande échelle – sous le nez des inspecteurs de l’ONU – ni quel motif il aurait eu pour le faire dans une situation où son armée a infligé une série de défaites aux « rebelles » qui sont soutenus par les Etats-Unis.
Néanmoins, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN, principaux partisans de la guerre sanglante en faveur d’un changement de régime en Syrie, n’ont pas perdu de temps pour publier des condamnations et exiger une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU qui s’est tenue mercredi après-midi à huis clos à New York.
La Maison Blanche a publié un communiqué où elle déclarait être « profondément préoccupée par les informations que des centaines de civils syriens ont été tués dans une attaque des forces gouvernementales syriennes perpétrée en recourant à des armes chimiques. » Avec ses alliés à Londres et Paris, elle a demandé à ce que la séance du Conseil de sécurité et l’équipe de l’ONU se trouvant sur le terrain en Syrie ouvrent tous deux immédiatement une enquête sur ces informations.
Les partisans d'une intervention américaine directe dans la guerre civile syrienne sont allés plus loin. Le Washington Post s’est empressé de publier un éditorial sur son site web disant : « Si les allégations d’une nouvelle attaque massive sont confirmées, la faible mesure adoptée par le président Obama en juin, à savoir la livraison de petites armes aux forces rebelles, s’est avérée totalement inadaptée. »
Le journal conclut qu’Obama doit réagir aux attaques chimiques présumées en « ordonnant des représailles directes des Etats-Unis contre les forces militaires syriennes responsables et en adoptant un plan visant à protéger les civils du sud de la Syrie par une zone d’exclusion aérienne. »
Le gouvernement syrien et son armée, qui ont répété à maintes reprises qu'ils n'utiliseraient pas d'armes chimiques contre la population, ont démenti les accusations faites par des organisations soutenues par les Etats-Unis, tel que le Centre d’opposition syrien.
Le ministère des Affaires étrangères syrien a publié un communiqué soutenant que la coopération entre Damas et l’équipe d’inspecteurs de l’ONU « n’avait pas plu aux terroristes et aux pays les soutenant ce qui explique pourquoi ils ont avancé de nouvelles fausses allégations selon lesquelles les forces armées ont utilisé du gaz toxique dans l’arrière-pays de Damas. »
L’ambassadeur syrien à Moscou, Riyad Haddad, a dit à l’agence d’information russe ITAR-TASS que les accusations étaient fausses et visaient à reproduire le « scénario irakien, » c’est-à-dire une intervention militaire directe des Etats-Unis en Syrie.
« Nos forces armées n’ont jamais utilisé d’armes chimiques et toutes les concoctions montées de toutes pièces à cet égard visent à désorienter les observateurs internationaux et à faire dévier leurs efforts pour atteindre les objectifs fixés, » a dit Haddad.
« Ce n’est un secret pour personne que toutes ces falsifications qui surgissent de temps en temps au sujet du recours aux armes chimiques ne sont rien d’autre qu’une tentative de réitérer le scénario utilisé par le passé concernant les armes de destruction massive en Irak, » a ajouté l’ambassadeur.
Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié les accusations d’une attaque gouvernementale aux armes chimiques de « provocation préméditée. »
Citant des sources anonymes en Syrie, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Aleksander Lukashevich, a affirmé que l’attaque aux armes chimiques à l'est de Damas était l’œuvre des « rebelles » eux-mêmes qui sont soutenus par les Etats-Unis.
« Une fusée de fabrication artisanale avec une substance toxique qui n’a pas encore été identifiée, et qui ressemble aux roquettes utilisées par les terroristes le 19 mars à Kahn al-Assal, a été tirée tôt le matin du 21 août à partir d’une position occupée par les insurgés, » a-t-il dit.
L’attaque de mars dernier à Khan al-Assal, près d’Alep, est l’un des incidents sur lesquels l’équipe d’inspecteurs de l’ONU est venu enquêter en Syrie. Le gouvernement a affirmé que cette attaque, qui avait tué 26 personnes dont 16 soldats du gouvernement, était l’œuvre de milices armées soutenues par l’Occident et combattant pour un changement de régime.
Ces forces se sont publiquement vantées d’avoir accès à des armes chimiques et d’être prêtes à en faire usage. A la fin de mai dernier, les médias turcs avaient rapporté que des membres du Front Al Nusra, milice affiliée à al Qaïda et qui est le fer de lance de l’attaque contre le gouvernement, avait été interpellés et qu'ils étaient possession d'une certaine quantité de gaz sarin.
Si l’on se demande à qui profite un tel crime, il est clair que ce n’est pas au régime d'Assad mais aux forces dirigées par les islamistes et qui combattent pour le renverser. Ces accusations de crimes de guerre perpétrés par le gouvernement syrien sont faites au moment où ces forces sont confrontées à une crise croissante et à une série de défaites militaires.
Le coup d’Etat en Egypte a contraint le Conseil national syrien à fuir ce pays pour aller se réfugier en Turquie au moment où la junte militaire égyptienne retirait l’aide qui lui avait été précédemment fournie par le président islamiste déchu Mohamed Morsi.
Les forces d’Al Nusra, force combattante dominante particulièrement dans le nord de la Syrie, se sont retrouvées elles-mêmes impliquées dans un violent conflit armé contre les milices kurdes qui s’opposent à l’empiètement des combattants islamistes syriens sur leurs villages. L’émergence des Kurdes en tant qu’importante force combattante dans la guerre civile syrienne et leur revendication d’autonomie ainsi que le flux de dizaines de milliers de réfugiés kurdes fuyant les combats dans l’Irak voisin, fait aussi réfléchir le gouvernement en Turquie qui redoute les retombées sur sa propre population kurde.
La dernière vague d’indignation internationale au sujet des armes chimiques syriennes avait eu lieu en juin dernier, après la défaite des forces soutenues par l’Occident, dans la ville stratégique de Qusayr, près de la frontière libanaise, et qui avait coupé une ligne d’approvisionnement clé des milices anti-régime. C’est en réponse directe à ces revers que le gouvernement Obama avait publié ses conclusions infondées selon lesquelles le gouvernement Assad avait utilisé des armes chimiques. Après avoir précédemment déclaré que le recours à de telles armes était « une ligne rouge » qui conduirait à un changement de la politique américaine en Syrie, le gouvernement Obama avait annoncé que son intention est de commencer à armer directement les « rebelles ».
Alors que les récentes allégations ont, comme on pouvait s’y attendre, entraîné des appels à une intervention militaire américaine directe, le commandement du Pentagone ne semble guère enthousiaste quant à une telle perspective.
L’Associated Press a fait état mercredi d’un courrier adressé par le président du Conseil des chefs d’état-major interarmées américain, le général Marin Dempsey, à un représentant démocrate du Congrès qui préconise une telle intervention, mettant en garde que ce serait contre-productif vu que les soi-disant rebelles ne serviraient pas les intérêts américains s’ils réussissaient à renverser Assad.
« J’estime que le côté que nous choisissons doit être prêt à promouvoir ses intérêts et les nôtres lorsque la balance penchera en sa faveur. Actuellement, ce n'est pas le cas, » a écrit Dempsey au membre du Congrès Eliot Engel de New York.
« Nous pouvons détruire la force aérienne syrienne, » a dit le général. « La perte de la force aérienne d’Assad anéantirait sa capacité à attaquer les forces d’opposition dans l’air mais elle intensifierait aussi et engagerait potentiellement davantage les Etats-Unis dans ce conflit. En d’autres termes, ce ne serait pas décisif sur le plan militaire mais cela nous engagerait de façon décisive dans le conflit. »
Le commandant américain conclut en disant: « Le recours à la force militaire américaine peut modifier l’équilibre militaire mais il ne peut pas résoudre les questions historiques ethniques, religieuses et tribales sous-jacentes qui sont en train d’attiser ce conflit. »
Sur ce point le général n'est pas honnête ; l’amer conflit sectaire en Syrie n’est pas simplement le résultat de questions « historiques sous-jacentes », mais bien plutôt la conséquence directe du conflit armé fomenté par l’impérialisme américain et ses alliés régionaux et de l'acheminement par leurs soins de dizaines de milliers de combattants islamistes étrangers dans le pays. La crise à laquelle ces forces sont actuellement confrontées n'a rien à voir avec des armements inadéquats mais plutôt avec l’hostilité grandissante de la population à l’égard du bain de sang sectaire qui est déchaîné en Syrie.
(Article original paru le 22 août 2013)