S’adressant mardi depuis le centre de distribution d’Amazon de Chattanooga, dans le Tennessee, le président Barack Obama a présenté un plan visant à réduire les impôts des sociétés et à donner des milliards de dollars en subventions aux entreprises au nom de la sécurisation d’«une meilleure aubaine pour la classe moyenne».
Dans la deuxième d’une série d’apparitions ostensiblement axées sur l’emploi et la «classe moyenne», Obama a proposé de réduire le taux d’imposition des sociétés en le faisant passer de 35 à 28 %, et à 25 % pour les fabricants. Cette annonce a été couplée à des appels pour que le gouvernement fournisse «en partenariat avec le secteur privé» les infrastructures, les services sociaux et l’éducation – des mots codés pour privatisation et compressions budgétaires.
Le président couvre son plan de réduction des impôts des sociétés derrière un écran de fumée de démagogie. Affirmant qu’«une chose que [la récession] a permise, aura été de mettre à nu l’érosion à long terme que ce qui s’est passé en ce qui a trait à la sécurité de la classe moyenne», Obama a répété sa promesse creuse de fournir aux gens ordinaires «la chance de réussir dans l’économie du XXIe siècle».
«Renverser cette tendance» de l’approfondissement des inégalités «doit être la priorité de Washington», a déclaré Obama. «C’est certainement la mienne en tout cas.»
En réalité, les politiques énoncées par Obama auront l’effet inverse. Entièrement en accord avec les premiers quatre ans et demi de sa présidence, le programme économique d’Obama vise à canaliser une part encore plus grande des richesses de la société vers l’oligarchie financière qui domine la vie politique et économique aux États-Unis.
Ce qu’Obama cherche à faire passer comme un programme d’emploi comprend d’une part des dépenses fédérales mineures en matière de développement des infrastructures – liées à des allégements fiscaux et à des subventions pour les entreprises – et d’autre part des allégements fiscaux pour les entreprises qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars en argent sonnant. Tout son plan est profondément réactionnaire et adapté aux intérêts des banques et des sociétés.
La posture d’Obama comme défenseur de la «classe moyenne» est contredite par le rejet explicite de toute aide à Détroit par son administration, un refus réitéré la semaine dernière par le secrétaire au Trésor Jacob Lew. Cette décision représente un soutien de facto à l’éviscération des prestations de retraite des 20.000 travailleurs municipaux de Détroit et à la liquidation des actifs de la ville.
Obama prétend certes soutenir les «bons emplois payant des salaires décents», mais sa politique vise en fait à sabrer les salaires des travailleurs. Dans les restructurations de Chrysler et de General Motors en 2009, il a fait de la réduction des salaires de 50 % des nouveaux employés une condition pour fournir des fonds de sauvetage aux constructeurs automobiles.
L’expansion de la production à bas salaire chez GM et Chrysler a eu des répercussions dans toute l’industrie manufacturière américaine et a entraîné une baisse des salaires dans l’ensemble de l’industrie automobile. Un exemple en est l’usine d’assemblage de Volkswagen à Chattanooga, située dans le même lot que le centre de distribution d’Amazon qu’Obama a visité. À l’usine VW, les nouveaux travailleurs sur la ligne d’assemblage sont payés 12 $ l’heure, ce qui est parmi les salaires les plus bas pour les travaux d’assemblage automobile de partout dans le pays.
Telle est la réalité derrière les vantardises d’Obama qui prétend dans son discours que «nous avons sauvé l’industrie automobile grâce à la coopération de GM et des TUA pour ramener des emplois aux États-Unis».
La vision de l’administration n’est pas, comme le prétend Obama, «un bon travail avec un bon salaire». Bien au contraire, le plan est de faire reculer de plusieurs décennies les conditions de vie de la classe ouvrière. Rien ne souligne cela autant que la décision d’Obama de prononcer son discours à l’un des centres de distribution d’Amazon, une société notoire pour ses salaires de misère et des conditions de travail abusives.
«Amazon est un excellent exemple de ce qui est possible», a déclaré Obama dans l’établissement connu pour ses conditions de misère. Les travailleurs mal payés de l’entreprise, dont un pourcentage important sont engagés à contrat par l’entremise d’agences de travail temporaire, sont obligés de supporter une chaleur et un froid extrêmes, se font systématiquement intimés de ne pas parler entre eux, et sont quotidiennement menacés de licenciement.
Dans son édition du 18 septembre 2011, le Allentown Morning Call de Pennsylvanie signalait que les travailleurs d’un entrepôt d’Amazon local étaient forcés de travailler de longues heures sans climatiseur ou de pauses pour leur permettre d’aller boire de l’eau, par des températures supérieures à 38 Celcius. Il était mentionné dans l’article qu’ils étaient menacés de licenciement s’ils se plaignaient. Amazon avait refusé d’ouvrir les portes des quais de chargement pour ventiler l’entrepôt, invoquant la nécessité d’empêcher les travailleurs de voler. L’entreprise a préféré retenir un parc d’ambulances dans son stationnement pour transporter à l’hôpital les travailleurs souffrant de malaises ou incommodés par la chaleur.
Le Financial Times rapportait en février que les travailleurs «peuvent marcher entre 11 et 24 kilomètres» par jour, et qu’ils «doivent traverser une série de scanneurs semblables à ceux utilisés dans les aéroports pour vérifier qu’ils ne volent rien» à la fin de leur quart de travail et de leur pause du midi de 30 minutes. L’article note qu’«un très grand nombre de travailleurs sont fréquemment licenciés avec peu d’avertissement ou d’explication». En outre, ils reçoivent des bottes de travail de mauvaise qualité et mal ajustées, se faisant dire d’appliquer de la vaseline sur leurs pieds si les ampoules deviennent insupportables.
Selon l’édition du Seattle Times du 3 avril 2012, les travailleurs d’Amazon sont menacés ou même congédiés s’ils signalent des accidents de travail à l’Occupational Safety and Health Administration. De plus, un recours collectif est en cours contre la société pour les nombreuses erreurs dans les chèques lésant ses travailleurs.
Obama cherche à donner des milliards de dollars aux entreprises en procédant à des réductions fiscales et en octroyant des cadeaux au détriment des dépenses sociales. En s’engageant à «réduire notre déficit avec un scalpel pour se débarrasser des programmes dont nous n’avons pas besoin», Obama s’est vanté de sabrer les dépenses du gouvernement plus rapidement que toutes les autres administrations élues depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. «Notre déficit n’a jamais baissé à un rythme aussi rapide depuis 60 ans», a-t-il dit.
Il a également appelé à une privatisation accrue des ressources publiques, affirmant que le gouvernement «devrait s’associer au secteur privé pour améliorer ce dont les entreprises ont le plus besoin» – une liste comprenant le contrôle de la circulation aérienne, les services publics et les écoles publiques. Obama affirme que donner aux entreprises un meilleur contrôle sur les écoles publiques permettrait la prolifération d’«écoles modernes capables de préparer nos enfants pour demain».
Obama a fait référence à un plan qui permettrait aux entreprises de tirer profit des travailleurs des régions pauvres du pays comme à Chattanooga. «Nous allons offrir de nouveaux incitatifs fiscaux aux fabricants qui ramènent des emplois aux États-Unis, de même que de nouveaux crédits d’impôt pour que les collectivités les plus durement touchées par les fermetures d’usines puissent attirer de nouveaux investissements», a-t-il dit.
En langage clair, le président propose de donner aux sociétés l’argent du public pour transférer les opérations industrielles dans des zones de chômage élevé où les travailleurs peuvent être contraints d’accepter des salaires de misère.
(Article original paru le 31 juillet 2013)