Le massacre mercredi de centaines de manifestants non armés aux mains de la junte militaire égyptienne qui est soutenue par les Etats-Unis a fait voler en éclats les affirmations hypocrites de Washington comme quoi sa politique au Moyen-Orient est basée sur la démocratie et les droits de l’homme.
Obama s’est trouvé face à un dilemme hier lorsqu’il s’est exprimé sur l’Egypte depuis son lieu de vacances dans une villa à Martha’s Vineyard valant plusieurs millions de dollars et appartenant à un directeur des finances de grande société. Washington aurait préféré arranger un compromis entre l’armée et les Frères musulmans (FM) du président déchu Mohamed Morsi. Cependant, durant les protestations de masse en juillet le gouvernement américain a fini par donner sa bénédiction à un coup d’Etat militaire pour évincer Morsi dans le but d’empêcher de nouvelles luttes révolutionnaires de la part de la classe ouvrière.
Apparemment, Washington n’a pas pleinement mesuré les conséquences du fait de permettre à l’armée et à ses partisans au sein de la bourgeoisie libérale de régler leurs comptes avec les FM. Ils craignent maintenant qu’en raison du dernier massacre, l’armée soit allée trop loin et ait déstabilisé définitivement l’Egypte, sapant par là la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient.
C’est ce qui explique la réponse en langue de bois d’Obama et sa tentative de prendre ses distances et celles de son gouvernement par rapport au massacre tout en indiquant qu’il continuerait à appuyer l’armée égyptienne. Il a dit que son gouvernement « condamn[ait] avec fermeté les mesures qui ont été prises. » L’élément principal de sa réprimande de la junte a toutefois été le report de « nos manœuvres militaires conjointes biannuelles prévues le mois prochain. »
Ceci n’était que de la poudre aux yeux pour la poursuite du soutien américain accordé à la junte alors qu’elle tente de consolider une dictature et de noyer dans le sang la révolution égyptienne. La Maison Blanche refuse toujours de reconnaître l’éviction de Morsi le 3 juillet comme étant un coup d’Etat afin de pouvoir continuer la politique qu’elle mène depuis des décennies de financer l’armée égyptienne à hauteur de plusieurs milliards de dollars par an.
Obama a tenté de camoufler le bilan de son gouvernement en Egypte en affirmant qu’« il y a tout juste deux ans, l’Amérique avait été inspirée par la volonté de changement de la population égyptienne, lorsque des millions d’Egyptiens étaient descendus dans la rue pour défendre leur dignité et exiger que le gouvernement soit sensible à leurs aspirations à la liberté politique et à une perspective économique. »
Alors que la révolution égyptienne a inspiré les travailleurs américains, y compris des protestations de masse contre l’austérité au Wisconsin, Washington en a pris connaissance avec crainte et consternation. Obama a soutenu jusqu’au bout le régime de Moubarak alors que celui-ci assassinait des centaines de manifestants. Son envoyé spécial auprès de Moubarak, Frank Wisner, avait souligné que Moubarak devait « rester au pouvoir pour faire passer ces changements. »
Une différence frappante dans le ton a marqué le discours prononcé par Obama à Martha’s Vineyard de celui adopté par son gouvernement lors de ses déclarations belliqueuses à l’égard de la Libye et de la Syrie. Dans ces pays, qui sont visés de longue date par Washington pour un changement de régime, le gouvernement Obama et ses complices au sein de la communauté petite bourgeoise des « droits de l’homme » ont déclaré que le risque de voir des manifestants tués justifiait en soi le recours à une action décisive, y compris la guerre.
En Libye en 2011, Washington, Londres, Paris et une horde de défenseurs des droits de l’homme avaient insisté pour que tout soit fait pour « empêcher un massacre à Benghazi, » où les adversaires du colonel Mouammar al-Kadhafi s’étaient révoltés. Ils avaient, sur cette base, appuyé l’installation en Libye de « couloirs humanitaires » et d’une zone d’exclusion aérienne. Cette action a conduit à une guerre de l’OTAN dans laquelle des dizaines de milliers de gens ont été tués, des villes massivement bombardées et les recettes pétrolières libyennes confisquées par des banques occidentales.
En Syrie, des rapports selon lesquels le régime du président Bachar al-Assad était « en train de tuer son propre peuple » ont été utilisés pour justifier une politique américaine consistant à armer des forces islamistes, dont al Qaïda et les FM syriens, en vue d’une campagne visant à renverser Assad.
La même comptabilité politique en partie double peut être observée parmi les partisans universitaires de la guerre « humanitaire. » Malgré le massacre documenté commis par la junte égyptienne au Caire contre son « propre peuple, » ils ne remplissent pas d’articles indignés les colonnes des journaux et les blogs et ne lancent pas d’appels à la guerre pour destituer la junte et imposer une zone d’exclusions aérienne afin d’immobiliser ses hélicoptères au Caire.
Le massacre des manifestants au Caire confirme une fois de plus que la politique américaine n’est pas définie par des abstractions morales mais par le calcul impitoyable des intérêts géopolitiques de l’impérialisme américain. Divers arguments fondés sur « les droits humains » ont servi à manipuler l’opinion publique et, avec l’aide de médias corrompus et dominés par l’establishment, à s’assurer l’appui de certaines couches de la classe moyenne au profit de la politique impérialiste.
Des masses de travailleurs et de jeunes doivent commencer à reconnaître les sermons moraux d’Obama pour ce qu’ils sont : de la propagande au service des intérêts géostratégiques de l’impérialisme.
(Article original paru le 16 août 2013)