Des dizaines de milliers de travailleurs grecs ont manifesté mardi à Athènes, lors d'une grève générale de 24 heures contre le nouveau programme d’austérité voté par le gouvernement de coalition grec.
Cette quatrième grève générale de l'année et dernier événement en date de dizaines d'événements de ce type depuis 2010, était organisée par les fédérations syndicales des services publics et du secteur privé, l’ADEDY et la GSEE, qui représentent quelque 2,5 millions de travailleurs. La grève avait été précédée lundi soir par des manifestations d’enseignants et des professionnels de l’éducation contre les licenciements et les fermetures d’établissements scolaires. L’action des professionnels de l’éducation était la dernière en date d’une série de grèves et de protestations (strikes and protests) de travailleurs confrontés au chômage, aux réductions de salaire et à une pauvreté grandissante.
Les cheminots qui luttent contre des projets de privatisation du réseau ont débrayé en suspendant le service ferroviaire, dont le train de banlieue Proastiakós. Les hôpitaux ont assuré un service d’urgence vu que le personnel hospitalier soutenait la grève. Certains vols ont été perturbés après que les contrôleurs aériens ont cessé le travail pendant quatre heures, de midi à 16 heures. Les éboueurs, les chauffeurs de bus, les employés de banque et les journalistes ont aussi soutenu la grève. L’Acropolis, principale attraction touristique d’Athènes, a fermé plus tôt.
Les bus et les trolleybus fonctionnaient pour permettre aux travailleurs de se rendre aux diverses manifestation durant la journée.
Des milliers de syndicalistes membres de syndicats affiliés à l’ADEDY et à la GSEE ainsi que des membres du syndicat des employés territoriaux POE-OTA s’étaient rassemblés sur la place Klafthmonos avant de se diriger vers la place Syntagma. PAME, la fédération syndicale du Parti communiste stalinien (KKE) avait organisé son propre rassemblement qui a aussi convergé vers Syntagma.
Les travailleurs brandissaient des pancartes portant des slogans anti-gouvernementaux comme « Licenciez la troïka », « Assez de sacrifices, » « Nous sommes des êtres humains – pas des numéros. »
« C’est comme si la Grèce est morte et que maintenant les vautours se disputent sa dépouille », a dit à Reuters, Eleni Fotopoulou, enseignante à la retraite de 58 ans, mère de deux enfants. « Je ne suis plus en colère, je suis écoeurée. Il faut qu'on riposte. »
Les membres de la police municipale, qui sont confrontés à des mises à pied, ont aussi protesté à Athènes. D’autres protestations et des manifestations ont eu lieu sur le plan national, dont à Thessalonique et à Chania.
Les perceptions et les services municipaux étaient fermés durant la grève. Les employés territoriaux qui ont débrayé pour 24 heures lundi, étaient impliqués ces dernières semaines dans des protestations, y compris des occupations du lieu de travail. Ils ont commencé une occupation nocturne à partir de 18 heure, sur la place Syntagma aussi.
Le gouvernement qui regroupe Nouvelle Démocratie (ND) et le PASOK, devrait voter en force les coupes acceptées après la dernière révision des mesures d’austérité de la Grèce effectuée par la « troïka » de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international. L’octroi de 5,8 milliards d’euros de prêt supplémentaire de la troïka exige que le gouvernement vote une loi imposant le licenciement de dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, dont des enseignants, du personnel hospitalier et des travailleurs territoriaux.
Selon l’agence Bloomberg, un responsable de l’Union européenne a dit que de hauts responsables financiers de la zone euro devraient avoir une entrevue le 24 juillet pour déterminer si la Grèce remplit les conditions pour bénéficier d’autres prêts du plan d’aide total consenti de 240 milliards (314 milliards de dollars) d’euros.
La loi omnibus, dont la troïka avait spécifié qu'elle devait être promulguée d'ici le 19 juillet, comporte 109 articles dont des privatisations, des dépenses de santé et des modifications fiscales. La loi se concentre sur le licenciement cette année de 4.000 fonctionnaires, dont des enseignants, du personnel de l’audio-visuel, des gardiens d’immeubles publics et des policiers municipaux. 15.000 travailleurs supplémentaires devraient être mis à pied d’ici fin 2014 et 25.000 autres devraient entrer dans un dispositif de mobilité (4.200 d’entre eux d’ici fin juillet et 12.500 mutés cette année).
Ceux qui seront relégués dans ce dispositif de mobilité comprennent un millier de personnel hospitalier – une décision qui fera de nouveaux ravages dans un service de santé public d’ores et déjà dévasté. Le dispositif est un euphémisme signifiant en fait le licenciement des travailleurs. Ces derniers toucheront 70 pour cent de leur salaire pendant une période de huit mois. Après quoi, ils seront obligés d’accepter tout emploi qui leur sera proposé ou bien, si aucun poste n’est disponible pour eux ailleurs dans le secteur public, ce qui est presque sûr, ils seront licenciés.
Le Financial Times a salué les propositions faites par la troïka/gouvernement en déclarant cette semaine, « Le démantèlement de la fonction publique grecque annonce une rupture avec le passé. »
Déclarant la « fin de la récréation » pour les travailleurs du secteur public, le FT a remarqué, « Alors que les licenciements représenteront cette année moins d’un pour cent de la fonction publique, ils font passer le message qu’un tabou de longue date concernant le licenciement des travailleurs du secteur public a été brisé, selon Kyriakos Mitsotakis, ministre nouvellement nommé chargé de la fonction publique, qui travaillait comme consultant chez McKinsey avant d’entrer en politique. »
Et même ces mesures ne sont pas suffisantes, se plaint le FT, « Bien que les emplois à vie ne soient plus garantis, les procédures de licenciement peuvent s'étirer en longueur. Quelque 6.000 fonctionnaires dont les contrats à durée déterminée ont expiré, y compris des gardiens, des agents d’entretien et des jardiniers reçoivent leur plein salaire le temps qu’ils contestent leur licenciement devant les tribunaux. Le gouvernement a accepté de régler tous les litiges cette année. »
Les tout récents chiffres du chômage publiés la semaine passée montrent qu’en plus des 1,3 millions de chômeurs, 3,3 millions d’autres sont « économiquement inactifs. » En avril 2008, peu de temps avant que ne commence la crise économique mondiale et le début des attaques brutales perpétrées contre le niveau de vie de la population grecque, 380.775 personnes étaient inscrites au chômage. En à peine cinq ans, près d’un million de personnes ont été ajoutées à la liste des chômeurs.
Helena Smith, correspondante en Grèce pour le journal britannique The Guardian, a dit en parlant de l’état d’esprit de nombreux travailleurs et jeunes qui n’ont pas d’avenir, « [I]l y a des signes croissants que la Grèce a atteint un point de basculement. A un moment où le chômage frôle les 27 pour cent, le licenciement de quelque 25.000 fonctionnaires, car indépendamment de la formulation, c'est de cela que l'on parle, est tout simplement considéré comme une exigence de trop. »
Alors que les conditions de vie s’aggravent pour la majorité des Grecs, les syndicats ont appelé à une grève de plus pour permettre aux travailleurs de donner libre cours à leur colère. Comme précédemment, ils profitent de l’occasion pour semer l'illusion que l'on peut faire pression sur les partis patronaux détestés qui sont au pouvoir pour les faire changer de cap. Vasilis Polymeropoulos, vice-président d’ADEDY, a dit, « Nous demandons instamment aux députés de ne pas voter la loi parce que ce serait une erreur tragique. »
Nikos Kioutsoukis, secrétaire général de la fédération syndicale GSEE du secteur privé a fait remarquer, « Le dilemme auquel les députés sont confrontés est soit de suivre les mémos [de la troïka] soit de suivre la population. »
La position des syndicats, qui ont facilité l’application d’un programme d’austérité après l’autre grâce à une série de débrayages futiles et symboliques, a été résumée par Costas Askounis, dirigeant de l’Association centrale des municipalités, engagée dans les protestations. En déclarant, « Nous ne sommes pas contre le fait de réformer, » il n’a exprimé aucune préoccupation quant au sort de millions de travailleurs qui se retrouvent dans la pauvreté, ni des 64 pour cent de jeunes qui se retrouvent au chômage. Au lieu de cela, il a ajouté, « Ce à quoi nous sommes opposés c’est l’abolition d’institutions entières comme la police municipale et le personnel gardant les écoles publiques. »
Le parti de pseudo-gauche SYRIZA, Coalition de la Gauche radicale, qui agit comme l'« opposition loyale » auto-proclamée à l’égard du gouvernement, s’est servi des protestations de mardi pour faire un coup publicitaire. Une délégation de députés du parti est sortie du bâtiment du parlement pour présenter une bannière où l’on pouvait lire « Licencions le gouvernement. Pas de licenciements dans le secteur public et privé. »
(Article original paru le 17 juillet 2013)