Le président américain, Barack Obama, et le premier ministre britannique, David Cameron, se sont rencontrés hier à Washington pour intensifier leur campagne en faveur d’une guerre en Syrie et discuter d’interventions ailleurs au Moyen-Orient
Ils ont promis d’accroître le flux d’armes à destination des milices islamistes combattant contre le régime du président Bachar al-Assad en Syrie tout en promouvant des projets de pourparlers sur la Syrie avec la Russie, jusqu'ici principal soutien international d'Assad, et qui se tiendront à Genève.
Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue après leur réunion, Obama a annoncé, « Ensemble, nous devons poursuivre nos efforts pour accroître la pression sur le régime d’Assad, pour fournir de l’aide humanitaire au peuple syrien qui souffre depuis longtemps, pour renforcer l’opposition modérée et pour préparer une Syrie démocratique sans Bachar al-Assad. »
Washington et Londres sont en train de promouvoir à l’aide de mensonges leur sanglante guerre par procuration en Syrie. Loin d’apporter une « aide humanitaire » et un soutien à l’opposition « modérée », ils sont en train d’armer des milices islamistes d’extrême droite avec l’aide d’alliés au Moyen-Orient comme la Turquie et l’Arabie saoudite et dont les efforts sont supervisés par la CIA. Les propositions qui ont été faites ces dernières semaines comprennent l’imposition d’une soi-disant « zone d’exclusion aérienne » afin de détruire l’aviation et les défenses aériennes syriennes en recourant aux forces américaines déployées en Jordanie voisine pour directement envahir la Syrie.
Les promesses de dizaines de millions de livres Sterling faites par Cameron aux « rebelles » syriens ont clairement montré le caractère militaire de cette aide. Il a dit, « La Grande-Bretagne pousse à une plus grande flexibilité de l’embargo de l’UE sur les armes et dans les années à venir nous voulons doubler le soutien non létal à destination de l’opposition syrienne. Des véhicules blindés, des gilets pare-balles et des groupes électrogènes sont sur le point d’être expédiés. »
La réunion entre Obama et Cameron se tient dans le contexte d’intenses tractations internationales pour planifier une possible guerre contre la Syrie, menée par les Etats-Unis. Jeudi, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, rencontrera Obama à la Maison Blanche et la Syrie figurera en tête de l’ordre du jour. Erdogan a, à maintes reprises, appuyé une guerre avec la Syrie sur la base d’assertions infondées selon lesquelles le gouvernement syrien a utilisé des armes chimiques.
Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, devrait arriver aujourd’hui, 14 mai, à Moscou pour des entretiens sur la Syrie avec le président russe Vladimir Poutine. De hauts responsables israéliens non nommés ont dit à la presse que Netanyahu avait l’intention de demander à la Russie de bloquer la livraison à la Syrie d’un système sophistiqué de défense aérien S-300. Un tel système aurait permis il y a une semaine à la Syrie d’intercepter les frappes aériennes israéliennes non provoquées contre la capitale syrienne, Damas.
L’offensive diplomatique que Washington est en train d’orchestrer contre la Syrie est une opération ouvertement impérialiste. Elle vise à isoler la Syrie, à éliminer sa capacité à se défendre contre l’assaut américain et à imposer un régime néocolonial, si cela est possible par des négociations, sinon par la force, qui comprendrait les intermédiaires islamistes de droite et des renégats du régime Assad.
Alors que Washington et ses alliés préparent une guerre, ils continuent d’espérer qu’à Genève les pourparlers avec le régime russe pourraient parvenir à un accord pour évincer pseudo-légalement Assad,sous la menace de nouvelles attaques contre la Syrie menées par les Etats-Unis.
Obama a proposé de rassembler « à Genève, dans les semaines à venir, des représentants du régime et l’opposition pour s’accorder sur une organisation transitionnelle qui permettrait un transfert de pouvoir d’Assad à ce corps de gouvernance. Entre-temps, nous continuerons d’œuvrer pour établir les faits sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie et ces faits nous aideront à préparer nos prochaines étapes. »
Le fait de reconnaître que Washington doit encore « établir les faits » sur les armes chimiques est un aveu tacite selon lequel les précédentes affirmations américaines – qu’Assad a recouru au gaz toxique et franchi ainsi une « ligne rouge » justifiant une attaque américaine – étaient fondées sur des mensonges.
Interrogé sur la question de savoir si la Russie accepterait de mettre fin à son aide à Assad, Cameron s’est félicité des discussions qu’il avait eues vendredi sur la Syrie avec Poutine dans la ville russe de Sotchi. Il a dit, « Nous menons tous ensembles cet important effort diplomatique pour amener les parties à la table et réussir une transition à la tête de la Syrie, de façon à pouvoir réaliser le changement dont le pays a besoin. »
En poursuivant impitoyablement son programme de changement de régime, en alliance avec l’impérialisme européen et les combattants sectaires sunnites en Syrie qui sont liés à al Qaïda, le gouvernement Obama a mis en branle des forces qui risquent de déclencher dans la région et le monde entier la guerre et la catastrophe.
En parlant de son projet de pourparlers avec Moscou, Obama a laissé entendre : « Je ne promets pas que cela réussira. En réalité, parfois, lorsque les Furies sont lâchées dans une situation comme celle qui existe en Syrie, il est très difficile de remettre les choses en place. Et il va y avoir d’énormes défis pour faire démarrer un processus crédible même avec l’implication de la Russie. »
Il règne une anxiété considérable au sein de cercles dirigeants au sujet des conséquences d’une escalade en Syrie. Hier, dans un éditorial intitulé « Se tenir hors de Syrie est la demande la plus audacieuse pour Obama, » le chroniqueur du Financial Times, Gideon Rachman, a écrit : « Si nous livrons des armes aux rebelles, comment savoir que cela ne conduira pas simplement à une plus grande effusion de sang… Lors de guerres plus récentes en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis et leurs alliés avaient considérablement surestimé leurs connaissances des sociétés dans lesquelles ils intervenaient. »
En participant dimanche à l’émission télévisée « Face the Nation », Robert Gates, ancien secrétaire à la Défense à la fois de George W. Bush et d’Obama, a dit qu'une action militaire américaine en Syrie serait « une erreur. » Il a dit qu'il pensait que l’intervention américaine en Libye avait aussi été une « erreur », puis il a jouté « Je pense que la prudence s’impose notamment en termes d’armement de ces groupes et en termes d’implication militaire américaine. »
Obama et Cameron auraient aussi discuté de déploiements de troupes dans l'Afghanistan toujours occupé par l’OTAN, ainsi que de projets de négociations avec l’Iran au sujet de son supposé programme nucléaire.
Ceci souligne le fait que la guerre en Syrie fait partie d’un programme impérialiste plus vaste au Moyen-Orient. Dans ce programme il y a la volonté de priver l’Iran, pays riche en pétrole, de son dernier allié arabe, la Syrie, comme préparatif d'une possible guerre avec l’Iran ; de marginaliser par la force l’influence de la Russie ; et, plus généralement, d'imposer au Moyen-Orient l’hégémonie stratégique de Washington et de ses alliés.
Le sommet de guerre d’Obama et de Cameron souligne le fait que les organisations pseudo-gauches tel l’International Socialist Organization qui soutiennent la guerre en Syrie sont des organisations pro-impérialistes travaillant pour l'Etat. (Voir : « The International Socialist Organization and the imperialist onslaught against Syria”).
Tout nouveau régime syrien qui émergerait des négociations de Genève serait – comme le régime dirigé par les milices concurrentes qui a émergé de la guerre des Etats-Unis-OTAN de 2011 en Libye – un gouvernement fantoche droitier à la botte des Etats-Unis, fondé sur des forces sectaires sunnites s’efforçant d’imposer des lois islamistes restrictives et manquant de tout soutien populaire substantiel.
Les forces intermédiaires américaines qui ont pris le pouvoir en Libye se sont rapidement rendues profondément impopulaires. Elles ont permis aux principales banques internationales de retenir des milliards de revenus issus du pétrole libyen et qui étaient gelés au moment de l’éclatement de la guerre tout en présidant dans le pays à l’escalade de la violence entre milices islamistes rivales.
Lorsqu’hier, une voiture piégée a explosé devant un hôpital à Benghazi en faisant au moins trois morts et 17 blessés, des manifestations ont éclaté contre les milices islamistes locales, exigeant qu’elles soient expulsées de la ville. Un témoin a dit à Reuters, « C’est la chair de nos fils, c’est ce que les milices nous ont donné. »
Dans un récent article intitulé « Sous le drapeau noir d’al Qaïda, la ville syrienne est dirigée par une bande d’extrémistes, » le quotidien britannique Daily Telegraph décrit la vie à Raqqa, ville située dans le Nord de la Syrie et actuellement contrôlée par le Front al Nusra qui est lié à al Qaïda. Les églises chrétiennes de la ville sont fermées, les tribunaux islamiques interpellent des femmes qui ne portent pas le foulard islamique et al Nusra a confisqué de nombreuses boulangeries et lieux de travail. Des centaines d’habitants de la ville se sont joints aux protestations contre le régime d’al Nusra.
Washington et ses alliés poussent à la guerre et au changement de régime en Syrie en dépit d’une profonde opposition populaire à une telle guerre au sein de la classe ouvrière dans le pays. Quelque 62 pour cent des Américains et des pourcentages même supérieurs de Turcs et de Libanais, sont opposés à une nouvelle escalade de la guerre en Syrie.
(Article original paru le 14 mai 2013)