Avec une élection présidentielle prévue pour le 14 avril, après la mort du président Hugo Chávez le 5 mars, l'ex-premier ministre et actuel président intérimaire Nicolás Maduro, le successeur désigné de Chávez, semble avoir un avantage considérable sur le candidat principal de l'opposition Henrique Capriles, le gouverneur de l'État de Miranda qui a fait campagne contre Chávez en octobre.
Maduro a principalement fait campagne en tant que successeur choisi par Chávez qui va continuer ses politiques, au point où son équipe de campagne a commencé à le nommer le « fils » de Chávez. La campagne de Maduro s'est tournée vers la droite en utilisant la mort de Chávez pour faire des appels réactionnaires au militaire et à l'Église catholique, afin de s'attirer l'appui de ces couches de la droite pour le mouvement Chavista.
Un ancien activiste de la Ligua Socialista maoïste, Maduro est devenu un chauffeur d'autobus à Caracas dans les années 1990. Pendant ce temps, il a pris la tête du syndicat des chauffeurs d'autobus et est entré à l'Assemblée nationale en 1998 en tant que membre fondateur du véhicule électoral de Chávez, le Mouvement pour une cinquième république, qui a ensuite développé le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) de Chávez.
En 2005, il a été nommé premier ministre, un poste qu'il a tenu jusqu'en octobre 2012 quand il a été nommé vice-président. La femme de Maduro est Cilia Flores, la ministre de la Justice vénézuélienne qui a servi en tant que défenseur principal de Chávez après le coup d’État raté de 1992 de l'ancien paramilitaire.
Bien qu'il n'ait jamais été membre de l’armée, Maduro s'en est prudemment rapproché pour s'y associer par exemple en s'habillant en tenue quasi militaire dans les photos officielles, ou en se présentant pour ses fonctions de campagne en véhicule militaire. Il est crucial pour Maduro de maintenir des liens étroits avec l’armée. Chávez, un ex-lieutenant-colonel, s'appuyait fortement sur le militaire et plaçait des officiers dans son cabinet, dans le gouvernement, et à la tête des plus grandes entreprises étatisées, tel que la Société vénézuélienne de Guyana, un grand conglomérat minier.
Ce sont des officiers militaires qui tiennent 11 des 23 fonctions de gouverneur du Venezuela et environ un quart des portefeuilles ministériels. Le président de l'Assemblée nationale, Diosdado Cabello, un ancien officier qui a participé au coup d’État de Chávez en 1992, est perçu comme un des rivaux principaux de Maduro dans le mouvement Chavista. Bien que le ministre de la Défense, Diego Mollero, ait donné son appui à Maduro en contravention à la constitution vénézuélienne, il y a sans aucun doute d'importantes sections de l’armée qui voudraient voir disparaître la supervision minimale sur leur contrôle des entreprises étatisées.
Un thème récurrent de la campagne de Maduro a été le développement d'un culte de Chávez et de recourir à la religion. À un rassemblement à Caracas, Maduro a dit, « le président Chávez est au ciel », en ajoutant : « Je n'ai aucun doute que s’il y a un homme qui a parcouru notre Terre et qui a fait ce qui devait être fait pour que le Christ rédempteur lui donne une place à ses côtés, c'était notre rédempteur libérateur du 21e siècle, le commandante Hugo Chávez. »
En nourrissant les sentiments religieux, Maduro fait des avances à l’Église catholique, qui joue un rôle réactionnaire en Amérique latine. Après que le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio a été désigné pape, Maduro a dit : « Nous savons que notre commandant s’est élevé jusqu’à ces niveaux et qu’il est devant le Christ. Quelque chose a dû influencer [Jésus] pour qu’il choisisse un pape de l’Amérique du Sud. »
En fait, Bergoglio a été décrit en Argentine comme le chef de la droite politique et est impliqué dans des crimes commis par la junte militaire de l’Argentine, sous laquelle environ 30.000 travailleurs, étudiants et intellectuels ont « disparu » ou ont été tués.
La campagne de séduction de Maduro envers l’armée et l’Église catholique indique le caractère réactionnaire des politiques qu’il prépare contre la classe ouvrière, au moment où la bourgeoisie vénézuélienne tente de consolider sa fortune. Tout en se présentant comme un successeur de Chávez, Maduro est largement vu comme une personne pragmatique qui va réduire les dépenses liées aux programmes sociaux ainsi que l’aide étrangère qui sont financées par les revenus pétroliers du Venezuela.
On exige de Maduro qu’il augmente la production pétrolière du Venezuela, qui, selon l’agence de notation financière Fitch, a chuté d’environ 2 pour cent par année lors des quatre dernières années. Il est largement prévu que Maduro courtise les compagnies pétrolières internationales pour qu’elles investissent dans la production.
Le 8 février, le gouvernement a annoncé qu’il dévaluerait la monnaie nationale, le bolivar, de 32 pour cent. Comme le Venezuela reçoit des dollars pour ses ventes internationales de pétrole, le gouvernement du Venezuela, en dévaluant le bolivar, se donne en fait plus de bolivars par dollar. Au même moment, la dévaluation va certainement affecter le pouvoir d’achat de la vaste majorité de la population déjà aux prises avec une inflation élevée, qui est amenuisée seulement par le contrôle des prix sur certains produits de base.
Le but de la dévaluation était d’alléger les pressions budgétaires et de raviver les exportations non pétrolières du pays, qui ont chuté à 5 % des exportations totales, comparativement à 19 % il y a 8 ans.
En affaiblissant la valeur du bolivar, le gouvernement espère stimuler l’industrie nationale et saper les importations à faible prix provenant d’autres pays, particulièrement du Brésil. Cela a aussi pour but de freiner la fuite de capitaux, rendant moins attrayante la conversion de la monnaie nationale en dollars.
Juste avant que le gouvernement n’annonce la dévaluation de la monnaie, Maduro a signalé que des compressions et l’austérité étaient en préparation. Il a dit : « Nous devons apprendre à faire beaucoup avec peu, beaucoup avec moins » et « nous devons changer la culture dans laquelle, en raison du pétrole, nous avons historiquement fait peu avec beaucoup ».
Maduro lui-même est un parfait exemple de cette couche sociale que certains ont appelé la boliburguesia – une nouvelle section de la classe dirigeante au Venezuela qui doit son existence à la prétendue Révolution bolivarienne de Chávez.
Elle a profité des contrats gouvernementaux, de la corruption et de la spéculation financière rendue possible par sa participation au régime de Chávez. S’étant enrichie à même les deniers publics, cette couche n’a aucun intérêt à abandonner la richesse qu’elle a amassée lors des dernières décennies et elle tente de consolider ses propres intérêts. Cette couche sociale sera violemment hostile à toute opposition venant de la classe ouvrière.
(Article original paru le 2 avril 2013)