Les dirigeants pro-français du coup d’Etat en Centrafrique jettent au rebut les accords pétroliers avec la Chine.

Plus de 500 soldats français sont déployés à Bangui, en République Centrafricaine, pour soutenir le nouveau régime dirigé par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka qui a évincé dernièrement le président de la RCA, François Bozizé.

Djotodia a annoncé vouloir dissoudre le parlement et suspendre la constitution de 2004. « Nous nous engageons à conduire désormais la destinée du peuple centrafricain pendant cette période de transition consensuelle de trois ans… Pendant cette période de transition qui nous conduira à des élections libres, crédibles et transparentes, je vais légiférer par ordonnances, » a-t-il dit.

Djotodia a déjà annoncé vouloir revoir les contrats miniers et pétroliers conclus entre la RCA et la Chine et signés par le gouvernement Bozizé, pour voir « si les choses ont été mal faites et essayer d'y mettre de l’ordre. » De plus, Djotodia a déclaré quil inviterait en RCA la France, son ancienne puissance coloniale, aux côtés des Etats-Unis, afin de former à nouveau l’armée officielle qui a été vaincue par la Séléka le week-end dernier.

« Nous nous appuierons sur l’Union européenne pour nous aider à développer ce pays, » a dit M. Djotodia, en ajoutant que 80 pour cent de l’aide étrangère du pays provenait du bloc. « Quand nous avons été malade, l’Union européenne était à notre chevet. Elle ne nous abandonnera pas maintenant. »

Effectivement, Djotodia planifie de remettre les ressources clé de l’économie centrafricaine à l’impérialisme européen.

La situation à laquelle la population de la RCA est confrontée reste catastrophique. La plus grande partie de Bangui manque d’eau et d’électricité et l’unique hôpital en état de fonctionner admet encore 30 blessés par jour. Les Nations unies rapportent que des pénuries alimentaires qui affectent des dizaines de milliers de personnes s’étendent sur tout le pays et que le prix des produits de première nécessité comme le manioc et le riz ont triplé.

D’ores et déjà l’espérance de vie en RCA est d'à peine plus de 40 ans. Seuls 40 pour cent de la population savent lire et écrire et le taux de personnes atteintes du Sida monte en flèche.

La prise de contrôle de Bangui par les rebelles de la Séléka, avec le soutien de la France et des Etats-Unis, représente la toute dernière étape d’une recolonisation qui est cours en Afrique de la part des puissances impérialistes qui sont arrivées sur le devant de la scène grâce à la guerre en Libye. Ceci témoigne du caractère réactionnaire de la politique fondée sur l’ethnie de certaines factions bourgeoises et petites bourgeoises en Afrique et qui sont en permanence manipulées par les puissances impérialistes dans un contexte d’appauvrissement des travailleurs et des masses rurales.

La Séléka (qui signifie « union ») est une coalition de factions dissidentes qui s’était initialement formée en septembre 2012. Leur décision de s’emparer de Bangui a été prise en violation de l’accord de paix global de Libreville qu’elles avaient signé avec le gouvernement en 2008.

Le coup d’Etat organisé par les forces de la Séléka a placé la RCA au cœur d’une lutte d’influence entre les Etats-Unis, la France, l’Afrique du Sud et la Chine.

Alors qu’ils marchaient sur Bangui, contrôlée alors par les forces loyales à Bozizé, les combattants de la Séléka se sont heurtés à un détachement de Forces de défense nationale d’Afrique du Sud (SANDF), inférieur en nombre, qu’ils ont attaqué en faisant 13 morts et 28 blessés.

La future trajectoire de la politique militaire sud africaine en RCA reste imprécise. Un haut gradé d’Ouganda, resté anonyme a dit, « L’intention des sud-africains est de se réorganiser en se redéployant massivement en RCA afin de renverser ces rebelles. Ils ont été humiliés et ils veulent se venger. »

La presse sud-africaine a rapporté que des soldats de la SANDF sont organisés en Ouganda pour une « nouvelle mission » en RCA. Un représentant sud-africain, le colonel Selby Moto, a toutefois mis en garde contre une telle opinion en affirmant que les troupes sud-africaines ne font qu'attendre en Ouganda « qu'une décision de renfort ou de retrait » soit prise par le gouvernement sud-africain à Pretoria. »

« C’est une vraie catastrophe pour l’Afrique du Sud, » a dit à Reuters Thierry Vircoulon, responsable de l’International Crisis Group pour l’Afrique centrale. « Ils n’ont pas compris qu’ils misaient sur le mauvais cheval. »

La défaite des forces sud-africaines et le vol des achats pétroliers chinois étaient tout particulièrement provocateurs et humiliants car survenant en pleine conférence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Le président chinois Xi Jinping a dit que la Chine allait « intensifier et non affaiblir » ses relations avec l’Afrique, y compris par une augmentation de 20 milliards de dollars de crédit au cours des deux prochaines années.

Le soutien impérialiste pour la Séléka n’est qu’un élément d’une vaste stratégie visant à contenir l’influence grandissante de la Chine sur l’ensemble du continent africain. Jusqu’en 2011, le volume commercial sino-africain avait atteint 166 milliards de dollars, et les exportations africaines vers la Chine dépassaient 90 milliards de dollars. Au moment de la prise de contrôle de la Séléka, Xi était en tournée sur le continent africain où il a signé des accords avec de nombreux pays africains riches en ressources.

Les Etats-Unis ont réagi en émettant quelques critiques sur la prise de contrôle de la Séléka. Samedi, Washington a publié un communiqué affirmant que le gouvernement d’union nationale, dirigé par le premier ministre Nicolas Tiangaye, était « le seul gouvernement légitime » de la RCA. Ils n’ont toutefois pas demandé le rétablissement de Bozizé ni critiqué le vol des ressources pétrolières achetées par des firmes chinoises.

Tiangaye est avocat et membre de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (HRL), un réseau mondial d’agents des droits de l’homme siégeant à Paris et fonctionnant grâce au soutien financier de gouvernements européens et de Washington. Les acteurs politiques de la HRL ont joué un rôle crucial en aidant à organiser et à promouvoir le programme impérialiste en Libye, en Syrie et ailleurs.

Tiangaye est visiblement un instrument digne de confiance de l’impérialisme français en ayant participé à des procès sensibles de responsables africains qui avaient bénéficié du soutien français mais dont Paris s’est par la suite débarrassé. Choisi par l’empereur dictateur de la RCA, Jean-Bedel Bokassa, pour le défendre lors de son procès en 1986, il a aussi défendu les responsables rwandais accusés d’avoir commis le génocide de 1994 au Rwanda.

(Article original paru le 1er avril 2013)

Loading