Une trentaine ou plus de travailleurs agricoles migrants ont été blessés lors d’une fusillade dans une plantation de fraises dans le Sud de la Grèce. Huit des travailleurs restent dans un état critique.
Deux cents travailleurs majoritairement bangladais s’étaient rassemblés mercredi soir à la plantation pour exiger le versement de salaires impayés. Selon des articles de presse, la réaction d’au moins un contremaître à été d’ouvrir le feu sur eux. Toutefois, selon les premières indications d’autres gérants de la plantation étaient impliqués.
Le propriétaire de la plantation, qui est située dans la région de Nea Manolada et qui n’aurait pas été présent durant l’incident, et un contremaître ont été arrêtés. Des mandats d’arrêt ont aussi été émis pour deux autres individus.
Nea Manolada, à quelques 260 kilomètres au Sud-Ouest d’Athènes, est une région où des milliers de travailleurs migrants sont employés dans l’agriculture.
Une dissimulation du crime est déjà en cours. Avant qu’une enquête sérieuse n’ait été ouverte, le capitaine de police Haralambos Sfetsos a dit à l’Associated Press que les travailleurs s’étaient « avancés de manière menaçante » vers les contremaîtres avant que les coups de feu aient été tirés.
Le sort des travailleurs migrants est l’une des plus brutales expressions de l’offensive généralisée qui a lieu contre les travailleurs en Grèce. Le taux de chômage se situe à plus de 25 pour cent dans le pays et à presque 50 pour cent pour les jeunes et le nombre de ceux qui vivent tout juste à un niveau de subsistance, mal nourris, sans domicile fixe et sans accès aux soins de santé ne cesse d’augmenter.
Les conditions auxquelles les travailleurs à Nea Manolada sont confrontés sont de parfaits exemples de ce qui a été généré par les mesures d’austérité exigées par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire International au nom des banques mondiales. La Grèce a été transformée en un véritable enfer et les immigrés sont obligés d’en occuper le septième cercle.
En 2008, les migrants avaient organisé une grève contre des conditions de travail inhumaines, des logements sordides et des salaires de misère de l’ordre de 5 euros par jour. Une campagne de médias sociaux nouvellement lancée et qui exige un boycott des fruits venant de Nea Manolada a appelé les produits de la région des « fraises de sang » - une allusion aux « diamants de sang » de l’Afrique. Les similitudes avec le massacre, le 16 août 2012, de 47 mineurs grévistes de la mine de platine de Lonmin à Marikana en Afrique du Sud par des forces de sécurité ne sont que trop évidentes dans cet événement.
Plusieurs attaques survenues précédemment dans la région comprennent un incident survenu l’année dernière où deux Grecs furent arrêtés pour avoir battu un Egyptien de 30 ans, lui coinçant la tête dans la vitre d’une voiture et le traînant sur près d’un kilomètre.
La croissance du mouvement fasciste anti-immigrés, Aube Dorée, qui a obtenu 18 sièges au parlement est généralement attribuée à une colère qui se trompe de cible et à la frustration à l’encontre de l’austérité. A Athènes comme dans d’autres grandes villes, les fascistes organisent régulièrement des attaques contre les immigrés.
Cependant, Aube Dorée tire profit d’un racisme et d’une xénophobie encouragés par tous les principaux partis qui font des immigrés des boucs émissaires pour les catastrophes sociales dont la responsabilité incombe entièrement à l’élite dirigeante.
En août 2012, la police d’Athènes avait monté l’opération Xenios Zeus qui impliquait des arrestations de masse d’immigrés. Début février, on en était à quelque 60.000 personnes interpellées durant des rafles policières, 4.200 d’entre elles détenues pour absence de papiers en attendant d’être déportées. Celles qui sont emprisonnées, logent dans 30 camps spéciaux qui ont été érigés avec le soutien financier de l’UE.
Un rapport d’Amnesty International parle d’une « crise humanitaire » créée par le mauvais traitement infligé aux demandeurs d’asile et aux migrants. Selon cette organisation des Droits de l’Homme des milliers de réfugiés, dont de nombreux enfants, sont détenus dans des conditions « honteuses [et] épouvantables » alors qu’ils cherchent à entrer dans l’UE. Des enfants non accompagnés sont gardés dans de « très mauvaises conditions » au centre de détention de Corinthe, dans ce qu’Amnesty appelle une violation des normes internationales.
Le 5 février, le Conseil d’Etat, la plus haute cour administrative de la Grèce, a jugé inconstitutionnelle une précédente loi octroyant aux immigrés de deuxième génération le droit de demander la citoyenneté grecque. Des décisions ont aussi été prises par le parti conservateur au pouvoir Nouvelle Démocratie pour exiger que les Grecs naturalisés soient interdits d’accéder aux académies militaires ou de rejoindre les forces armées ou les services de police.
(Article original paru le 19 avril 2013)