Le 18 avril, le ministre des Affaires étrangères allemand Guido Westerwelle (du FDP libéral) et le ministre de la Défense Lothar de Maizière (de la CDU chrétienne-démocrate) ont annoncé que l'armée allemande (Bundeswehr) maintiendra au moins 800 soldats en Afghanistan après la date officielle du retrait des troupes combattantes de l'OTAN à la fin de 2014.
Le même jour, les médias allemands ont fait savoir que l'Allemagne expédiait 62 chars et 24 obusiers à l'Etat semi-féodal du Qatar.
L'offensive de l'impérialisme en Asie centrale et dans la région du Golfe se fait en étroite collaboration avec les États-Unis, que Berlin considère comme un allié essentiel pour faire respecter ses intérêts géostratégiques et économiques à l'étranger.
Pour l'instant, le gouvernement américain du président Barack Obama n'a pas annoncé combien de soldats il compte garder en Afghanistan et il est toujours en négociation avec le régime d'Hamid Karzai sur les conditions de leur déploiement. Washington insiste sur le fait que cela doit inclure une immunité complète contre les accusations de crimes de guerre ou autres infractions.
Le commandant américain le plus haut placé en Afghanistan, le général Joseph Dunford, a déclaré au cours d'une audition par le Sénat la semaine dernière qu'il fera une recommandation en novembre 2013 après avoir vu comment les troupes afghanes qui leurs servent d'auxiliaires se comportent au cours de ce qu'ils appellent la saison des combats d'été. Les propositions évoquées dans la presse vont de 6000 à 20 000 soldats.
Après une réunion des ministres de l'OTAN en février, de Maizière a annoncé que Washington a décidé de laisser 8 000 à 12 000 soldats sur place après 2014, mais le ministre de la Défense américain Leon Panetta a rapidement indiqué que cette information n'était pas correcte.
L'Allemagne joue un rôle essentiel dans l'occupation du pays depuis l'invasion de l'Afghanistan. Depuis 2006, l'Allemagne est une « nation de premier plan » dans la mission de la Force internationale de sécurité et d'assistance et elle dirige le commandement du Nord pour la FISA, qui recouvre neuf provinces et une zone de plus de 162 000 kilomètres carrés.
L'Allemagne est le troisième plus important contributeur de troupes après les États-Unis et la Grande-Bretagne et elle jouera un rôle essentiel dans la mission qui prendra la suite de la FISA, « Soutien résolu » après 2014.
Le ministère des Affaires étrangères décrit le rôle de l'Allemagne dans la nouvelle stratégie pour l'occupation de l'Afghanistan ainsi : « Dans le cadre de ce modèle, les forces armées seraient impliquées à Kaboul. De plus, l'Allemagne prendrait la responsabilité au Nord de l'Afghanistan, comme « nation référente » pour tous les entraînements locaux, le conseil et les services logistiques… Après deux ans, l'Allemagne se concentrera sur le secteur de Kaboul. »
En d'autres mots, l'Allemagne prépare une présence indéfinie en Afghanistan et une participation à l'occupation militaire de longue durée du pays avec ses alliés de l'OTAN. Elle donnera des conseils au gouvernement fantoche installé par les impérialistes de Kaboul et entraînera et soutiendra l'armée afghane dans sa répression de l'opposition interne des Afghans à cette occupation étrangère.
Comme la classe dirigeante américaine, la bourgeoisie allemande considère aussi que l'Afghanistan est stratégiquement important pour ses intérêts. L'Afghanistan représente une tête de pont entre les régions riches en ressources du Moyen-Orient et de l'Asie, et a également ses propres ressources naturelles considérables.
L'Allemagne a des intérêts considérables dans les ressources de la région et a déjà des partenariats concernant les matières premières avec le Kazakhstan et la Mongolie. L'impérialisme allemand intensifie ses activités militaires pour pouvoir satisfaire la soif de ressources et d'énergie de l'économie allemande.
Le World Socialist Web Site a commenté récemment un article du Handelsblatt qui disait clairement que l'Allemagne se livre à des préparatifs intensifs pour mener une fois de plus une guerre pour les ressources. Bon nombre des matière premières importantes pour l'économie allemande, comme des minéraux rares, du cuivre, de l'or, du fer et du lithium se trouvent en Afghanistan.
La prolongation de la mission afghane est également liée au renforcement par l'Allemagne de l'armée Qatarie. Ces deux actions visent à accroître l'influence de l'impérialisme allemand au Moyen-Orient et en Asie centrale, en coopération étroite avec Washington.
La livraison de chars allemands au Qatar pour un montant de 1,89 milliard d'euros a été annoncée au moment où les États-Unis concluaient leur propre accord de vente d'armes avec leurs alliés au Moyen-Orient. D'après le New York Times, les États-Unis fournissent des systèmes de missiles et des avions de combat valant plus de 10 milliards de dollars à l'Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, et à Israël.
Ces armes sont directement liées aux préparatifs d'une intervention militaire directe en Syrie et d'une guerre contre l'Iran, qui ont été intensifiés ces derniers jours.
Au début de sa tournée au Moyen-Orient, le ministre de la Défense américain Chuck Hagel a annoncé dimanche que l'accord de vente d'armes envoie « un signal très clair » à l'Iran. « L'option militaire est une option qui reste sur la table, qui doit rester sur la table. » Il a ajouté que les services de renseignement américains enquêtaient sur les allégations selon lesquelles le gouvernement syrien de Bashar el-Assad s'est servi d'armes chimiques. »
Depuis quelque temps, le gouvernement Obama menace d'une intervention militaire directe en Syrie en cas d'usage des armes chimiques par le régime d'Assad. Mardi, le chef du renseignement israélien, le Brigadier général Itai Brun, a affirmé que la Syrie « a utilisé de plus en plus d'armes chimiques. »
Lors des négociations bilatérales entre la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre du Qatar, le Cheikh Hamad bin Jassim Al-Thani, il est devenu clair que les ventes d'armes allemandes au Qatar sont directement liées aux préparatifs pour une guerre contre la Syrie et l'Iran.
Merkel a déclaré que, avec al-Thani, elle croyait « qu'il ne devrait pas y avoir d'Iran armé nucléairement » et « que Assad a perdu sa légitimité. »
L'Allemagne et le Qatar sont depuis longtemps les moteurs des préparatifs d'une guerre contre la Syrie. Le Qatar joue un rôle central dans le financement et l'armement de la majorité des groupes extrémistes sunnites en Syrie, qui servent de troupes de choc à l'impérialisme dans le pays. L'Allemagne a établi deux systèmes de défense anti-missiles Patriot en Turquie, et la marine ainsi que les services de renseignement fédéraux allemands sont impliqués dans le travail de renseignement pour l'opposition syrienne.
Le week-end dernier, les soi-disant Amis de la Syrie, qui comprennent à la fois l'Allemagne et le Qatar, ont annoncé lors de leur réunion à Istanbul qu'ils augmenteraient leur soutien à l'opposition syrienne. Le ministre des Affaires étrangères américain John Kerry a annoncé des projets de doublement du soutien financier à l'opposition qui passerait à 250 millions de dollars et inclurait des gilets pare-balles, des équipements de vision de nuit, et des véhicules blindés pour les rebelles. Westerwelle, qui jusqu'à présent a officiellement rejeté tout armement direct de l'opposition, a parlé aux abords de la conférence en faveur d'un relâchement possible de l'embargo européen sur les armes contre la Syrie.
Tandis que le gouvernement fédéral pousse à la guerre, les médias allemands alimentent le militarisme. Dimanche, Die Welt a demandé plus d'armes pour l'opposition pro-impérialiste : « Les soi-disant Amis de la Syrie connaissent leurs partenaires au sein de l'opposition syrienne. Ils devraient les approvisionner d'une manière responsable et contrôlée en tout ce dont ils ont besoin pour leur lutte contre le régime de terreur d'Assad. C'est un combat à mort, dans lequel aucun compromis ou accord politique pacifique ne semble plus possible. Il est bien trop tard pour cela. »
Après plus d'une décennie de combats et d'occupation brutale de l'Afghanistan, l'élite allemande considère à nouveau de plus en plus la guerre comme un moyen légitime et "normal" de faire de la politique.
Dans un entretien accordé au Guardian britannique, le ministre de la Défense, de Maizière, a déclaré lundi : « En Afghanistan, les soldats allemands ont eu à se battre pour la première fois par nécessité. Certains de nos partenaires pensaient que nous étions des « petits joueurs », et pas à la hauteur de la tâche. […] Mais les forces armées allemandes se sont montrées capables de combattre. Il fallait que l'Allemagne apprenne qu'il est important de combattre. Puis il a cité le général prussien et historien militaire Carl Von Clausewitz, qui avait dit, « la Guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. »
(Article original paru le 25 avril 2013)