La Coalition de la Gauche radicale grecque (SYRIZA) a expulsé de son groupe parlementaire l’un de ses membres après que celui-ci s'est distancé du chauvinisme anti-turc et de l’armée grecque.
La fraction SYRIZA a sévèrement tancé Nassos Theodoridis et l'a expulsé de la commission des droits de l’homme du parlement grec après qu’il a déclaré que l’armée grecque ne devait pas prendre de mesures à l’encontre de l’avion turc qui avait violé l’espace aérien grec au-dessus des deux îlots Imia. Theodoridis avait qualifié la revendication de souveraineté de la Grèce, d’invention visant à « leurrer les masses opprimées. »
Les deux îles Imia, qui couvrent à peine la moitié d’un kilomètre carré, sont inhabitées et ne renferment pas de réserves connues de ressources minérales. Néanmoins, le conflit au sujet des îles avait failli entraîner une guerre en 1966 qui avait motivé une intervention des forces de l’OTAN.
Bien que la position de Theodoridis soit bien loin d’être fondée sur une opposition de principe à l’armée et au chauvinisme de l’élite dirigeante, SYRIZA n’est pas disposé à tolérer de telles positions dans ses rangs.
Après l’exclusion de Theodoridis de la commission parlementaire, le porte-parole de SYRIZA, Panos Skourletis, a dit au quotidien grec Kathiemerini : « Les opinions personnelles de Nassos Theodoridis sont très éloignées de celles de SYRIZA. Elles ne représentent en aucune manière la ligne officielle du parti. »
Dans son projet de programme, qui est actuellement débattu dans le parti, SYRIZA insiste sur son engagement à défendre « l’intégrité territoriale » de la Grèce.
SYRIZA soutient par là-même pleinement le chauvinisme anti-turc, l’armée grecque et la politique étrangère de l’élite dirigeante. Depuis la fin de la guerre gréco-turque en juillet 1923, les conflits frontaliers ont à maintes reprises amené les deux pays au bord de la guerre. L’élite dirigeante grecque a systématiquement encouragé les sentiments anti-turcs dans le but de détourner l’attention de conflits sociaux et politiques à l’intérieur du pays.
Les tensions entre les deux voisins se sont intensifiées depuis la découverte en 2010 de ressources de pétrole en Méditerranée orientale. Aux projets annoncés par Athènes de revendiquer les réserves pétrolières grâce à l’établissement de zones économiques exclusives (ZEE), le gouvernement turc a répliqué par des menaces de guerre.
La Grèce, qui est militairement plus faible, a presque continuellement de 1990 à 2009 accru ses dépenses militaires. La Grèce occupe le premier rang des pays de l’Union européenne (UE) pour ce qui est des dépenses militaires par rapport à l’économie en général, avec environ 3 pour cent du produit intérieur brut.
Bien que le gouvernement ait, ces trois dernières années, réduit drastiquement les salaires, les retraites et les dépenses sociales au nom de l’UE, il a à peine touché au budget militaire. Il a amputé son budget de plusieurs centaines de millions d’euros pour procéder à de nouvelles acquisitions mais il a maintenu les effectifs de l’armée à 130.000.
Cette force armée ne vise pas seulement la Turquie, partenaire de l’OTAN, mais aussi les travailleurs grecs. Entre 1967 et 1974, l’armée grecque avait exercé une dictature brutale qui avait réprimé la classe ouvrière et emprisonné et torturé ses adversaires politiques dans des camps de concentration.
Même après la fin du régime des colonels, l’armée était restée un bastion de la réaction. Lorsqu’en juillet 2010, les chauffeurs routiers avaient fait grève contre les mesures d’austérité du gouvernement, des soldats furent utilisés comme briseurs de grève. Depuis lors, le gouvernement a décrété à quatre reprises la loi martiale contre des travailleurs en grève, en les enrôlant pour un service civil obligatoire dans l’armée.
Depuis le lancement du brutal programme d’austérité en 2010, il y a eu un certain nombre de rapports concernant un éventuel coup d’Etat militaire. En 2011, l’armée avait pratiqué une répétition de manoeuvres contre-insurrectionnelles qui prévoyaient la répression des manifestations.
D’influents représentants de SYRIZA ont déjà exprimé leur soutien à l’armée. Le président de l’organisation, Alexis Tsipras, avait rencontré lors de la campagne électorale de l’année dernière des représentants du commandement de l’armée pour leur assurer que son organisation soutenait le maintien des effectifs actuels et qu’elle préconisait un accroissement de la puissance de frappe de l’armée.
Tsipras avait aussi réclamé la formation d’une zone économique exclusive. Lors d’une réunion avec les ambassadeurs des 20 pays membres du G20, il avait déclaré que la Grèce avait « un droit inaliénable » de mettre en place une telle zone dans la Mer Egée et de débuter « l’exploitation des ressources marines dans cette région. » L’« intégrité territoriale de notre pays » est pour lui une « priorité non négociable. »
Le fait que SYRIZA sanctionne à présent l’un de ses adhérents qui exprime une opinion différente envoie un signal fort à l’élite dirigeante, disant qu’elle peut compter sur le parti lorsqu’elle cherchera à attiser le nationalisme et décidera de s’attaquer à la population. Le rapprochement de SYRIZA avec l’armée est survenu à peine quelques jours après que le gouvernement avait promulgué la loi martiale contre les marins grévistes. Il s’agit d’une préparation directe pour l’entrée de SYRIZA au gouvernement.
Juste quatre jours avant l’expulsion de Theodorikis, Tsipras avait déclaré dans une interview au journal Kathimerini que, sous sa direction, le gouvernement serait mieux à même de satisfaire les exigences des créanciers du pays. « Nous avons besoin d’une occasion pour un retour à la croissance de façon à pouvoir commencer à repayer notre dette. Cela paraissait raisonnable dans le passé lorsqu’il s’agissait de la dette allemande. Et c’est en effet raisonnable. Mais cela requiert un gouvernement qui soit déterminé à négocier sur cette base. »
Le fait que ce retour à la croissance aurait lieu aux dépens des travailleurs a été clairement montré le même jour lorsque la présidence de SYRIZA a rejeté une demande émanant des rangs du parti. Le demandeur avait demandé qu’il n’y ait plus de coopération avec le Fonds monétaire international, (FMI), l’Union européenne ou le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble – c’est-à-dire avec les institutions et les personnes responsables d’avoir ruiné l’économie et la société grecques.
(Article original paru le 21 février 2013)