Le constructeur automobile français a annoncé mardi 15 janvier des suppressions d’emplois et des réductions drastiques des salaires à une vaste échelle au moment où l’industrie automobile diminue considérablement sa production, invoquant la crise économique mondiale.
D’ici 2016, l’entreprise compte supprimer 7.500 emplois, soit 14 pour cent de son effectif actuel de 44.000 travailleurs en France. Parallèlement, elle est en train de négocier avec les syndicats pour faire passer des mesures draconiennes afin d'intensifier l’exploitation des travailleurs. Ceci intervient après la perte de 4.000 emplois, due entre autres au non remplacement des départs à la retraite, ayant eu lieu au cours de ces deux dernières années.
Le mois dernier, Renault a vu ses immatriculations chuter en France de 27 pour cent et de 20 pour cent sur l’année pour atteindre 551.334 véhicules. Tout ceci se passe dans le contexte de l’effondrement du marché automobile européen et dans le contexte de la récession et de l’application de mesures d’austérité à travers toute l’Europe.
Ces réductions permettront à l’entreprise, qui emploie 120.000 salariés de par le monde, d’économiser 396 millions d’euros. En bourse, l’action Renault a clôturé en hausse de 1,76 pour cent, surperformant l’indice sectoriel européen de l’automobile qui n’a progressé que de 0,12 pour cent.
Le directeur des opérations France de Renault, Gérard Leclercq, a dit à la presse, « Si un accord était signé avec les organisations syndicales, ce redéploiement des effectifs ne nécessiterait ni fermeture de site, ni plan de sauvetage de l’emploi, ni plan de départs volontaires. »
Cependant, le total des réductions annoncées correspondraient à l’effectif de deux usines de taille moyenne. Un représentant de la CGT a dit à la presse que les 12 usines françaises de Renault travaillaient actuellement à environ 50 pour cent de leur capacité.
En brandissant la menace de licenciement de masse et de fermeture d’usines, Renault est actuellement en train de mener des négociations avec les syndicats et qui doivent s’achever le 29 janvier. Un tract de la CGT précise que Renault souhaite « obtenir un gain de 65 millions d’euros annuel » en allongeant de 6,5 pour cent le temps de travail dans ses usines grâce à l’allongement du temps de travail journalier pour porter ainsi le temps de travail annuel à 1.603 heures.
Renault propose aussi de baisser la majoration des heures supplémentaires à 10 pour cent du salaire, contre 25 pour cent actuellement. Les travailleurs seraient aussi contraints d’accepter une mobilité entre les sites du groupe sous peine d’être renvoyés. Le syndicat n’a organisé que des débrayages symboliques pour protester contre cet assaut frontal contre les conditions de travail des travailleurs et il n’a lancé aucun appel aux autres travailleurs de l’automobile pour mener une lutte commune.
Chaque nouvelle trahison des syndicats encourage les employeurs à intensifier leurs attaques contre la classe ouvrière. Renault se sert des accords négociés par les syndicats en Espagne comme puissant levier contre les travailleurs en France.
Des accords similaires signés par les syndicats afin de maintenir les niveaux de production à l’usine PSA de Sevelnord dans le Nord de la France ont fourni une référence à Renault. L’on dit qu’en retour, la direction de PSA cherche à présent à reprendre les propositions de Renault à l’occasion de sa prochaine offensive contre sa propre main-d’œuvre.
Toutes ces mesures qui sont censées augmenter la rentabilité et la compétitivité de Renault sont promues avec le soutien actif du gouvernement français qui détient 15 pour cent du capital de l’entreprise.
Ces mesures sont totalement conformes à l’accord sur la « sécurisation de l’emploi » conclu vendredi dernier entre l’association patronale française, le Medef, et les fédérations syndicales, et ce avec l’encouragement du gouvernement du Parti socialiste (PS). Cet accord permet aux employeurs d’imposer une plus grande « flexibilité » et d’anéantir les protections légales de l’emploi afin d’accroître la compétitivité du capitalisme français aux dépens des travailleurs. (Voir : « Les syndicats français acceptent la « réforme » pro-patronale du marché du travail »)
Renault et le gouvernement dressent ouvertement les travailleurs français contre ceux des usines Renault situées dans d’autres pays. Le Monde a noté que les propos exprimés lundi en Amérique du Nord par le PDG de Renault, Carlos Ghosn,selon lesquels s’il pouvait obtenir des syndicats un accord pour ses propositions, « les sites français pourraient se voir confier la production de modèles Nissan ou Daimler, les partenaires de Renault. » Le Monde a ajouté : « Selon nos informations, Bercy [le ministère des Finances] pousse le groupe à transférer en France une partie de la production réalisée par Nissan au Royaume-Uni. »
Selon un accord négocié l’année dernière entre les syndicats espagnols et Renault, le temps de travail a été allongé de trois jours par an, les salaires ont été gelés et les salaires d’embauche des nouveaux arrivants démarrent à 72 pour cent des salaires actuellement versés. Le premier ministre conservateur, Mariano Rajoy, a salué ceci comme une victoire en affirmant que cela entraînerait la création de 1.300 emplois et une augmentation de 30 pour cent de la production en Espagne.
Les syndicats n’offrent aucune alternative à la course vers le bas des salaires et des conditions de travail parce qu’ils partagent la perspective nationale de la bourgeoisie en cherchant à rendre l’industrie française mondialement compétitive aux dépens des travailleurs. Ils ont collaboré avec le gouvernement et les employeurs lors des projets de fermeture de l’usine PSA d’Aulnay et de l’aciérie Arcelor Mittal à Florange. Le Monde cite les réactions des syndicats signalant leur totale acceptation des projets de Renault : « Si pour le grand public, ces annonces paraissent choquantes, il existe un principe de réalité, » s’est plaint Fred Dijoux de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) qui est liée au PS. « Le non-remplacement des départs est un moindre mal, cela permet d’éviter un plan social ou la fermeture d’un site. »
Dominique Chauvin, du syndicat des cols blancs CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres) a dit, « Nous devons désormais négocier de manière à la fois réaliste et opportuniste. »
Seule une rupture avec ces organisations permettra à la classe ouvrière de lutter pour ses intérêts de classe.
(Article original paru le 17 janvier 2013)