Le gouvernement grec a décrété la loi martiale et mobilisé la police anti-émeute pour briser la grève de neuf jours des employés du métro d’Athènes. Au moment d’écrire cet article, il semblerait que le trafic du métro ait été en partie restauré et qu’au moins un certain nombre des travailleurs grévistes aient repris le travail sous la menace de poursuites judiciaires et d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Cependant, les services de bus et de tramway ont été interrompus par des grèves tournantes appelées par les syndicats par solidarité avec les employés du métro. Le syndicat des travailleurs du métro, SELMA, a ordonné, selon certains nouveaux reportages, à ses membres de reprendre le travail mais on ne sait pas, à l'heure qu'il est, dans quelle mesure de tels ordres ont été suivis par les travailleurs de la base.
Les employés du métro qui sont en train de résister aux massives réductions de salaire imposées dans le cadre d’une restructuration des salaires des fonctionnaires, ont défié une décision rendue lundi soir 21 janvier par le tribunal et qualifiant la grève d’illégale. Jeudi, le gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre Antonis Samaras du parti droitier Nouvelle Démocratie (ND) a invoqué des pouvoirs d’état d’urgence, en décrétant la loi martiale et en enrôlant les grévistes dans l’armée afin de le obliger à reprendre le travail. Les autres partis membres de la coalition sont le PASOK social-démocrate et la Gauche démocratique, une scission de droite de la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA).
Vendredi matin, juste avant 4 heures, quelque 300 policiers anti-émeute ont forcé les portes du dépôt de Sepolia à l’Ouest d’Athènes qui était occupé par 90 grévistes. Des rangées de policiers ont bouclé les routes avoisinantes pour tenir à l’écart des centaines de partisans de la grève pendant que d’autres policiers délogeaient les grévistes.
Bien que les travailleurs n’aient pas opposé de résistance, au moins une dizaine d’entre eux ont été détenus et une travailleuse a été blessée, selon Reuters. La police a ensuite verrouillé le dépôt pour ne permettre qu’aux briseurs de grève d’y pénétrer.
La loi de « mobilisation civile » qui a été utilisée pour attaquer la grève n’est supposée être utilisée qu’en cas de catastrophe naturelle, d’un danger grave pour la santé publique ou en cas de guerre. Depuis la fin de la dictature des colonels grecs en 1974, elle a été invoquée neuf fois – dont trois fois au cours de ces trois dernières années. En 2010, elle a été utilisée pour obliger les chauffeurs routiers en grève à reprendre le travail et en 2011 contre les éboueurs.
Le recours aux lois dictatoriales et à la violence d’Etat équivaut à criminaliser toute forme de résistance collective des travailleurs à l’encontre de l’attaque brutale et continue contre leurs emplois et leur niveau de vie. Cette attaque, qui est maintenant dans sa quatrième année, est perpétrée sous les auspices de l’Union européenne et appliquée par la classe dirigeante grecque dans le but de satisfaire l’exigence des banques grecques et internationales pour que l’intégralité du coût de la crise capitaliste soit portée par la classe ouvrière.
Justifiant les mesures d’urgence, le ministre grec des Transport, Costis Hadzidakis (ND), a déclaré que la grève est « déraisonnable. » Il a dit qu’elle « cause des difficultés » et qu’elle est « un sérieux problème financier pour la ville. » Ceci est une formule pour déclarer illégale toute grève efficace menée par la classe ouvrière.
Le premier ministre Samaras a clairement fait comprendre que l’assaut mené pour briser la grève n’était pas seulement dirigé contre les employés du métro mais contre toute résistance émanant des travailleurs à l’encontre du plan d’austérité. Jeudi, il a dit que les syndicats n’avaient pas le droit de faire grève d'une manière consistant à « tourmenter les gens du matin au soir. »
C’est bien plutôt le gouvernement, agissant au nom de la bourgeoisie, qui tourmente les gens en détruisant les emplois, les salaires, les retraites et les services sociaux. Selon Samaras, les travailleurs n’ont aucunement le droit de s’opposer à ceci tandis que le gouvernement a, lui, le « droit [illimité] de les attaquer. »
La grève des travailleurs du métro vise la cinquième série de mesures d’austérité adoptée le 8 novembre par le parlement sur ordre de la « troïka » – l’Union européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne. Le nouveau plan d’austérité comprend une réduction supplémentaire de 25 pour cent du salaire dans le secteur public en plus de coupes salariales pouvant aller jusqu’à 60 pour cent, imposées ces trois dernières années.
Les employés du métro ont débrayé à maintes reprises durant plusieurs semaines avant d’entamer une grève illimitée le 17 janvier. Des grèves ont également été menées dans les services de santé et sur les docks.
Au sein de la classe ouvrière, il existe un grand soutien pour les employés grévistes du métro. Vendredi matin, lorsque la police a attaqué le dépôt de Sepolia, des centaines de gens se sont rapidement rassemblés aux portes du dépôt en solidarité avec les travailleurs. La police a eu des difficultés à empêcher la foule de venir en aide aux travailleurs.
Les cheminots comme les employés des bus et des tramways ont spontanément arrêté le travail. Des actions de protestation seraient prévues pour le week-end.
Cependant, les syndicats font tout leur possible pour empêcher une mobilisation à grande échelle de la classe ouvrière. Ils ont restreint les grèves des cheminots à tout juste quatre heures et ils insistent pour qu’aucune action de grève ne soit déclenchée durant les heures de pointe. Les syndicats ont aussi limité à 24 heures les actuelles grèves de solidarité.
Depuis plus de quatre ans, les syndicats sabordent systématiquement la résistance des travailleurs contre les mesures d’austérité. Ils ont coordonné chaque grève de 24 heures avec le gouvernement et organisé des manifestations de manière à minimiser les « problèmes financiers. » Quand les syndicats n’ont pas été en mesure de canaliser la colère des travailleurs vers des canaux inoffensifs, le gouvernement a décrété la loi martiale tout comme elle l'a fait contre les routiers et les éboueurs. Les syndicats ont refusé de mobiliser la classe ouvrière pour défendre ces grévistes.
La symbiose existant entre l’Etat et les syndicats est dissimulée par les différents groupes pseudo-gauches tels la Coopération de la Gauche anticapitaliste pour le Renversement (Antarsya) et SYRIZA. Bien que tous deux aient condamné la promulgation de la loi martiale, ils cherchent à empêcher toute mobilisation des travailleurs contre elle.
Un attaché de presse d’Antarsya à dit au World Socialist Web Site qu’Antonis Stamatopoulos, un dirigeant de la grève des employés du métro et un membre d’Antarsya, n’avait pas appelé à une poursuite de la grève mais voulait au lieu de cela attendre que des votes soient organisés ce week-end lors des réunions des travailleurs de la base.
Dès que les travailleurs cherchent à mobiliser leur force pour défendre leurs droits sociaux fondamentaux, ils entrent en conflit non seulement avec l’Etat mais aussi avec les responsables syndicaux et les alliés pseudo-gauches de la bureaucratie syndicale.
Le recours à la loi martiale et l’attaque brutale perpétrée contre les grévistes montrent que l’élite dirigeante est prête à utiliser les méthodes les plus brutales pour réprimer l’opposition populaire grandissante à l’égard des dictats des banques. Cela montre clairement que les intérêts de cette élite patronale et financière sont totalement incompatibles avec les intérêts de la majorité de la population.
Au même titre que la Grèce a valeur de test pour l’Union européenne dans la destruction des conditions sociales de la classe ouvrière partout en Europe, elle est également sur le point de devenir un modèle pour la mise en place de formes autoritaires de gouvernement.
L’unique réponse à cet assaut de la classe dirigeante est la mobilisation indépendante de l’ensemble de la classe ouvrière grecque et européenne. Ceci requiert une rupture avec les syndicats et les groupes pseudo-gauches et le développement d’un mouvement socialiste et internationaliste pour mettre un terme à l’Union européenne en la remplaçant par des gouvernements ouvriers et les Etats socialistes unis de l’Europe.
(Article original paru le 26 janvier 2013)