Mercredi dernier 23 janvier, quatre autocars de grévistes de l’usine automobile PSA d’Aulnay (Seine-Saint Denis) près de Paris qui occupent depuis le 16 janvier l’usine destinée à la fermeture sont allés à l’usine Renault voisine, à Flins (Yvelines), pour rejoindre les travailleurs qui sont eux aussi confrontés à une lutte contre les suppressions d’emplois et une accélération des cadences.
La fermeture de l'usine d'Aulnay est programmée pour 2014 avec la perte de 2.500 emplois. L’usine de Flins est aussi promise à la fermeture. En tout, Renault a annoncé l’élimination d’ici 2016 de 7.500 emplois, soit 14 pour cent de ses 44.000 salariés en France. Ceci s’ajoute à la perte de 4.000 emplois du fait de départs naturels non remplacés au cours de ces deux dernières années.
PSA a conclu une alliance globale avec la société américaine General Motors qui a annoncé la fermeture de son usine Opel à Bochum en Allemagne – la première usine automobile à fermer en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – et un gel des salaires de sa main-d’œuvre allemande forte de 20.000 salariés.
La menace de fermeture de deux usines sur douze en France a résulté le 23 janvier en une grève de 24 heures de la part de 600 travailleurs de l’usine de Flins et qui ont été rejoints par ceux de plusieurs autres sites de Renault. La direction a menacé de fermer les usines si les travailleurs n’acceptaient pas un « accord de compétitivité » qui, en plus des suppressions d’emplois, ouvrirait la voie à une intensification considérable de l’exploitation des employés de ces usines. Les négociations en cours avec les syndicats concernant l’accord devraient se conclure le 29 janvier. (Voir : « Renault annonce la suppression de 7.500 emplois en France compétitivité »)
Les travailleurs chez PSA ont forcé le portail cadenassé à Flins pour rejoindre les grévistes de chez Renault aux cris de « Unité! » et de « Même combat! ». Les dirigeants de la CGT (Confédération générale du Travail – la fédération syndicale étroitement alignée sur le Parti communiste français) de Flins ainsi que ceux de l’usine PSA de Poissy (Yvelines) et d’Aulnay ont pris la parole devant les manifestants.
Deux jours après que les travailleurs de PSA Aulnay ont commencé leur débrayage, la direction a provisoirement fermé l’usine. Ces travailleurs ont été confrontés à 15 cars de CRS à l’usine PSA de Poissy près de Paris lorsqu’ils ont appelé les travailleurs à rejoindre leur grève.
La direction projette de rouvrir l’usine d’Aulnay lundi en déployant à l’intérieur de l’usine une centaine de vigiles d’une société privée. Les dirigeants syndicaux, tant au niveau local que national, ont refusé toute mobilisation de masse des travailleurs de l’automobile, pour la défense de leurs emplois et pour s’opposer à la répression policière.
Au lieu de cela, un communiqué de la CGT locale en a appelé au préfet « pour engager les initiatives nécessaires à la tenue de réelles négociations tripartites. » Ce communiqué exhorte le gouvernement à « utiliser des leviers de pression sur la direction de Peugeot pour obtenir une attitude plus ouverte au dialogue. »
Alors que les syndicats ont accepté la fermeture d’Aulnay, les travailleurs ont débrayé après des critiques formulées par la CGT et concernant « la divulgation des propositions dérisoires de la direction de Peugeot dans le cadre de négociations engagées après l’annonce de la fermeture de l’usine. »
L’attitude de l’entreprise s’est durcie depuis que trois syndicats ont signé le 11 janvier l’accord sur « la sécurisation de l’emploi » du Parti socialiste (PS) qui réduit drastiquement les salaires et confère aux employeurs le pouvoir de démanteler les protections légales du travail au nom de l’amélioration de la compétitivité de l’industrie française.
Le gouvernement PS de Hollande exige des travailleurs qu’ils acceptent un tel accord sous la menace de perdre leurs emplois. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a cependant affirmé qu’« il ne doit pas y avoir de chantage » et que la négociation avec les syndicats doit être « loyale. » En fait, le gouvernement même est le principal actionnaire de Renault, détenant encore 15 pour cent des parts, contre 53 pour cent lors de la privatisation sous le gouvernement du président PS Mitterrand en 1994.
Le patron de PSA, Philippe Varin, a clairement fait comprendre qu’après l’élimination de plus de 11.200 emplois sur ses sites français, il va entreprendre de réduire les coûts du travail et augmenter les heures de travail ainsi que la « flexibilité » du travail dans toutes les usines de l’entreprise.
Le rassemblement conjoint Renault/PSA a démontré les aspirations des travailleurs d’unifier leurs luttes dans l’ensemble de l’industrie automobile, mais les dirigeants de la CGT ne proposent aucun moyen pour aller de l’avant. Ceci requiert la défaite du gouvernement du Parti socialiste, chose que rejettent les syndicats après l’avoir tout juste fait arriver au pouvoir en mai dernier.
La vidéo d’un discours prononcé par le délégué de la CGT d’Aulnay, Philippe Julien, montre que les syndicats sont opposés à une extension de la grève à d’autres usines, que ce soit en France ou en Europe. Il s’est prononcé en faveur d’un partage du travail entre toutes les usines PSA et sur la nécessité de « faire connaître notre grève. » Julien en a aussi appelé au gouvernement pour faire passer une loi en faveur de l’« interdiction des licenciements. »
Cette revendication formulée à l’adresse du gouvernement PS anti-classe ouvrière a été un thème récurrent des syndicats et des pseudo-gauches avant et après l’élection de Hollande, qu’ils ont appuyée sans réserve. Depuis lors, le PS a introduit un programme brutal d’austérité et a anéanti les protections légales du travail au moyen de l’accord du 11 janvier.
Les syndicats proposent actuellement pour le 29 janvier une journée d’action commune des travailleurs de PSA et de Renault. Ceci n’implique même pas une grève de 24 heures à l’ensemble des sites français de l’entreprise. Dans le même temps, les dirigeants syndicaux, tant sur le plan national que dans ce secteur industriel, ont maintenu un silence assourdissant sur le mouvement de grève.
Un tract publié par le comité intersyndical d’Aulnay, soutenu par la CGT, la CFDT et le syndicat Sud, dit simplement « Cette grève peut devenir la vôtre » et « Nous avons parfaitement conscience que nous ne sommes pas les seuls à être menacés. » Il lance un appel au soutien financier mais aucun appel à étendre la grève. Bien que ni la CGT ni Force Ouvrière n’aient signé l’accord du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi, dans le but de sauvegarder une crédibilité parmi les travailleurs, ils soutiennent pleinement le programme du Parti socialiste de rendre le capitalisme français plus compétitif aux dépens de la classe ouvrière.
Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) pseudo-gauche a diffusé jeudi un communiqué mettant ses espoirs dans les syndicats non signataires (CGT, FO) et pour lancer des appels à l’action afin d’empêcher que l’accord du 11 janvier ne soit adopté comme loi. Sous le président droitier, Nicolas Sarkozy, la CGT, FO et les autres syndicats avaient exécuté les ordres du gouvernement pour attaquer les emplois et les retraites. C’est une preuve de plus qu’ils ne feront rien pour s’opposer à une nouvelle série d’attaques anti-classe ouvrière. Le rôle du NPA est de couvrir ces organisations et d'essayer de bloquer toute rébellion à leur encontre de la part de la classe ouvrière.
(Article original paru le 29 janvier 2013)