Les syndicats français signent un accord de concession avec le constructeur automobile PSA

Le 26 juillet, après deux mois de négociations, les syndicats ont accepté des concessions lourdes de conséquences, dont un gel des salaires et une flexibilité plus grande du temps de travail proposés par le constructeur automobile français PSA Peugeot-Citroën pour son usine de Sevelnord à Hordain, dans le Nord de la France.

La signature de l’accord, appelé « accord de compétitivité », a eu lieu après l’annonce faite par PSA de la fermeture de l’usine d’Aulnay près de Paris et de la suppression de 8.000 emplois en France. PSA a menacé de fermer Sevelnord sous condition que les travailleurs acceptent certaines concessions, en faisant clairement comprendre qu’il n’envisagerait à l’avenir la production du véhicule utilitaire K-Zéro à Sevelnord que si ses exigences étaient satisfaites.

Sevelnord, qui emploie 2.700 travailleurs, produit des véhicules utilitaires et des voitures tels les monospaces Peugeot 807 et Citroën C8, ainsi que le modèle Scudo du constructeur italien Fiat. Alors que Fiat s’est retiré de la joint-venture, PSA en a récemment formé une nouvelle avec Toyota pour produire à Sevelnord des fourgonnettes pour le constructeur japonais.

L’accord qualifie Sevelnord de site « attractif pour d’éventuels futurs projets afin de pérenniser l’usine pour les années à venir. Donc de négocier un accord de compétitivité. »

L’accord, d’une durée de cinq ans, fait partie du plan de PSA de réduire radicalement les conditions de vie des travailleurs dans le but de stimuler sa compétitivité et ses bénéfices. PSA a annoncé dernièrement des pertes de 800 millions d’euros au premier trimestre de cette année, justifiant ainsi les fermetures d’usines et les réductions de salaire.

Cet accord prévoit un gel de deux ans des salaires, une flexibilité plus grande des horaires de travail et le transfert des travailleurs moins qualifiés à d’autres entreprises au sein de PSA. Il comprend une disposition pour des « primes supplémentaires » liées à l’intéressement qui est sans intérêt dans des conditions où l’entreprise perd des centaines de millions d’euros par an.

PSA s’est réjoui de l’appui des syndicats en faveur des concessions. PSA a annoncé que l’accord « d’entreprise sur l’adaptation des conditions de travail, la pérennisation des emplois et le développement de Sevelnord, » avait reçu la signature des syndicats CFE-CGC [Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres], FO et SPI-GSEA [Syndicat professionnel indépendant (SPI), Groupement des syndicats européens de l’automobile (GSEA)].

Les syndicats ont fait l’éloge de l’accord en le décrivant comme « un bon compromis » pour sauver l’usine. Le délégué syndical de Force Ouvrière (FO), Jean-François Fabre, a remarqué cyniquement que l’accord permettait à l’usine d’être sauvée et que les camarades à Aulnay préféraient un tel accord à la fermeture de leur site.

Le vote de la Confédération générale du Travail (CGT) contre l’accord a été purement symbolique et le syndicat ne planifie nullement de mener une lutte à son encontre. Le délégué de la CGT à Sevelnord, Ludovic Bouvier, a dit, « On ne signe pas dans le dos des salariés à la veille des congés payés. »

Jean-Pierre Delannoy, le responsable de la région métallurgie de la CGT, a dit : « Cet accord de mobilité, de flexibilité, de gel salarial pourrait être appliqué dans tout PSA, voire dans toute la filière automobile, il n’est pas question d’accepter un accord aussi dangereux… Ils n’ont pas le droit d’utiliser le traumatisme de la fermeture d’Aulnay pour imposer un accord au rabais à Sevelnord et nous dire vous signez d’abord, après vous aurez le K-zéro [le nouveau véhicule utilitaire]. On n’est pas dupe, c’est du chantage. »

L’opposition verbale de la CGT à l’accord est totalement cynique. Elle a gardé le silence lorsque la direction a négocié l’accord il y a plus d’un mois – tout comme elle a refusé d’organiser une quelconque opposition contre la fermeture d’Aulnay. À Sevelnord, la CGT a simplement suivi les négociations pour attendre que les autres syndicats appuient l’accord.

L’accord signé par les syndicats à Sevelnord ressemble à la collaboration habituelle pratiquée par le syndicat américain de l’Automobile (United Auto Workers, UAW) avec les entreprises américaines de l’automobile pour imposer aux travailleurs de radicales mesures de réduction des coûts, dont la fermeture d’usines et les réductions des salaires et des prestations. Ceci a préparé le terrain aux entreprises automobiles américaines pour qu’elles deviennent plus compétitives et puissent accroître leurs bénéfices. 

La direction de PSA et les responsables syndicaux se servent de l’accord de Sevelnord comme de modèle pouvant être appliqué dans toute l’industrie automobile et au-delà.

Peu de temps avant que l’accord ait été annoncé, le PDG de PSA, Philippe Varin, avait carrément dit devant une commission économique parlementaire que l’accord pourrait servir de modèle pour le restant du secteur automobile… Si un accord était obtenu, PSA serait prêt à partager son expérience pour que l’ensemble de l’industrie en tire des enseignements.

Il a ajouté avoir discuté ceci avec les fédérations syndicales [nationales] et il croit savoir qu’elles sont disposées à examiner la question.

De la même manière, les syndicats s’attendent à ce que ce plan soit appliqué aux dépens de l’ensemble de l’effectif. Fabre, le responsable de FO, a expliqué que l’accord pourrait bien être repris ailleurs vu qu’il a principalement été négocié par les fédérations nationales et les services juridiques précisément dans cette optique.

Tout en obligeant les travailleurs à faire des concessions, PSA exige davantage de subventions et de réductions d’impôts du gouvernement afin d’encourager sa compétitivité. Le syndicat FO a même avancé ceci comme motif pour appuyer l’accord. Fabre a précisé que cet accord permet au syndicat d’accorder des garanties au gouvernement qui veut subventionner les usines qui demeurent en service.

L’accord de Sevelnord est une révélation dévastatrice des syndicats et du nouveau gouvernement du Parti socialiste (PS) du président François Hollande dont l’élection a été soutenue par les syndicats et des groupes petits-bourgeois de « gauche » tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

Après être arrivé au pouvoir sur la base de promesses électorales sur la « réindustrialisation » de la France et le renforcement de sa compétitivité, Hollande dit maintenant de façon explicite comment son gouvernement entend y arriver. Il soutient la campagne de suppression d’emplois et de prestations sociales du patronat en imposant des salaires de misère à la classe ouvrière.

Le gouvernement PS a dévoilé dernièrement un projet soutenant les entreprises automobiles et visant à renforcer la filière automobile française. Ce projet comprend des subventions accrues pour les voitures à motorisation hybride et électrique et des investissements dans de nouvelles technologies en consentant 600 millions d’euros de prêts aux petites et moyennes entreprises sous-traitantes du secteur automobile. Face aux travailleurs, toutefois, il prévoit de réduire de plus d’un milliard d’euros les coûts de la main-d’oeuvre en n’offrant aucune aide aux usines d’Aulnay et de Sevelnord qui sont menacées par la direction.

(Article original paru le 30 juillet 2012)

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