Après les protestations contre l’ambassade américaine, le président égyptien Morsi organise la répression.

Après les protestations contre l’ambassade américaine au Caire la semaine passée, Mohamed Morsi, président islamiste de l’Egypte, qui a le soutien des Etats-Unis, lance une campagne de répression contre les travailleurs et les jeunes.

L’Egypte a été l’un des premier pays où ont démarré les protestations contre la vidéo anti-islam produite par des cercles droitiers aux Etats-Unis. Depuis lors, les protestations se sont répandues à travers le monde musulman, reflétant la colère noire qui règne parmi les travailleurs et les jeunes à l’égard de l’impérialisme occidental, ses guerres menées en Libye et en Syrie et son soutien des régimes fantoches droitiers au Moyen-Orient en en Asie.

Lundi, les autorités égyptiennes ont arrêté 42 nouveaux suspects qui auraient participé aux protestations contre l’ambassade américaine qui ont éclaté mardi dernier. Le procureur du Caire les accuse d’avoir tenté de prendre d’assaut l’ambassade, d’attaquer les forces de police et de perturber le trafic. Les prévenus ont nié les faits et ont dit être des marchands ambulants vendant leurs marchandises près de l’ambassade. Plus de 300 personnes sont déjà détenues.

Samedi, les tristement célèbres Forces de la sécurité centrale égyptiennes ont envahi la Place Tahrir et les rues menant à l’ambassade américaine tandis que des centaines de policiers en civil mettaient brutalement un terme aux protestations.

Dans des scènes évoquant la répression des protestataires par l’ancien dictateur Hosni Moubarak avant son éviction par les luttes de masse de la classe ouvrière le 11 février de l’année dernière, les forces de sécurité ont poursuivi les manifestants au moyen de véhicules blindés, de grenades de gaz lacrymogène et de coups de feu. Les manifestants se sont défendus à l’aide de pierres et de cocktails Molotov. Lors des affrontements, deux manifestants auraient été tués et des centaines d’autres blessés.

Le gouvernement Morsi projette maintenant de réintroduire la loi d’urgence qui n'a plus cours actuellement. Mardi, un rapport publié par l’organisation égyptienne des droits de l’homme (EOHR) a révélé qu’un projet de loi pour « protéger la société contre des gens dangereux » a été préparé par les ministères de l’Intérieur et de la Justice. La loi qui doit encore être approuvée par Morsi conférerait à la police le droit d’arrêter les civils sans preuve et permettrait au ministère de l’Intérieur de placer des suspects sous surveillance ou de les assigner à résidence.

Selon l’EOHE, la loi pourrait aussi servir à « empêcher toute forme de protestation et de grève, même celles qui sont pacifiques, » étant donné qu’elle ne fournit pas de définition explicite du délit qu’elle interdit.

Les attaques de la police à l’encontre des protestataires et les préparatifs en vue d’une répression plus vaste se produisent à la demande de l’impérialisme américain. Le président américain Barack Obama a appelé Morsi mercredi soir dernier pour discuter de la situation et pour faire pression pour que Morsi ne tolère pas les manifestations.

Selon la Maison Blanche, Obama « a appelé aujourd’hui le président égyptien Mohamed Morsi pour examiner le partenariat stratégique entre les Etats-Unis et l’Egypte. » Il a « souligné qu’il était important que l’Egypte respecte son engagement de coopérer avec les Etats-Unis pour sécuriser le personnel et les installations diplomatiques. »

Parlant du régime égyptien sur la chaîne Telemundo, Obama a dit: « Je ne pense pas que nous le considérerions comme un allié pas plus que comme un ennemi. » Il a dit que le gouvernement égyptien était en train de « tenter de trouver sa voie » mais s’il échoue à montrer qu’il « prend ses responsabilités », ce serait « vraiment un gros problème. »

La déclaration d’Obama relative à l’Egypte – un régime avec lequel Washington entretient de nombreux contacts et sur lequel il exerce une profonde influence politique – a carrément été un ordre donné à Morsi de protéger l’ambassade américaine et de mettre fin aux protestations. L’affirmation que l’Egypte n’est pas un allié des Etats-Unis n’est pas été une déclaration factuelle mais une menace que Washington pourrait s’en prendre au régime égyptien s’il ne satisfaisait pas les attentes d’Obama d’écraser l’opposition populaire.

Washington et l’Etat égyptien sont de très étroits alliés stratégiques depuis les accords de Camp David en 1978 et la signature du traité de paix israélo-égyptien un an plus tard. Depuis lors l’Egypte, tout comme Israël, sont les principaux bénéficiaires de l’aide étrangère américaine et l’armée des Etats-Unis et de l’Egypte jouissent des liens étroits et organisent régulièrement des manœuvres conjointes.

Les gouvernements américains successifs ont soutenu Moubarak pendant trois décennies avant qu’il ne soit renversé en février dernier par la classe ouvrière. Depuis la chute de Moubarak, le gouvernement Obama compte sur l’armée égyptienne et sur les Frères Musulmans (FM) pour réprimer la classe ouvrière et défendre ses intérêts stratégiques et économiques dans la région. Il a établi des relations étroites avec Morsi, un scientifique formé aux Etats-Unis et membre des FM, et il a appuyé son coup d’Etat constitutionnel organisé le 12 août lors duquel il s’est emparé des pouvoir dictatoriaux de l’ancienne junte militaire.

Le capital financier américain soutient aussi la politique de Morsi. Il est significatif de noter que les protestations contre l’ambassade américaine ont éclaté au moment précis où la plus importante délégation commerciale américaine depuis les années 1980 était en visite en Egypte. L’un des dirigeants de la délégation a fait l’éloge du programme économique des Frères Musulmans : « Nous avons reçu un message clair que l’Egypte est prête à faire des affaires. La délégation repartira en étant très impressionnée par les progrès réalisés jusqu'ici. »

Les Islamistes sont en train d’intensifier la politique pro-patronale et anti-classe ouvrière de Moubarak. Le mois dernier Le Caire a officiellement demandé un prêt de 4,8 milliards de dollars au Fonds monétaire international en s’engageant à libéraliser davantage l’économie. Le 9 septembre, le nouveau premier ministre égyptien a annoncé des projets de réduire le déficit budgétaire et les subventions.

Par crainte de perdre le soutien populaire quant à sa politique anti-ouvrière et ses liens avec l’impérialisme américain, Morsi a tout d’abord été réticent à réprimer les protestations contre l’ambassade américaine. Les manifestants ont été en mesure d’escalader les murs de l’ambassade et d’arracher le drapeau américain.

Après s’être entretenu avec Obama, Morsi a suivi à la lettre les instructions de Washington. Il a déchaîné ses forces de sécurité contre les manifestants et les Frères Musulmans ont annulé les protestations de masse prévues contre le film anti-islam. Morsi a précisé qu’Obama lui avait dit qu’il était nécessaire de mettre en place des « mesures juridiques qui décourageront ceux qui essaieraient de nuire aux relations » existant entre les Etats-Unis et l’Egypte.

A présent, Morsi planifie d’étendre cette même répression contre l’ensemble de la classe ouvrière. Durant la semaine passée, une série de grèves se sont déclenchées à travers l’Egypte. Morsi et le gouvernement Obama veulent tous deux empêcher un nouveau soulèvement révolutionnaire des travailleurs et des jeunes égyptiens.

Lundi, un membre influent du Parti Liberté et Justice (Freedom and Justice Party, FJP), le bras politique des Frères Musulmans, a clairement fait savoir que les Islamistes considéraient les grèves comme un crime. En commentant une grève en cours des travailleurs des transports publics au Caire, Sabry Amer a dit sur Ahram Online « lorsque des travailleurs d’un service vital tel les transports publics décident de cesser de travailler, c’est une trahison envers le pays. »

Le même jour, les forces de sécurité ont évacuer un sit-in pacifique d’étudiants de l’université du Nil au Caire et un autre sit-in d’enseignants devant le ministère.

(Article original paru le 20 septembre 2012)

 

 

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