Un soldat américain en patrouille avec des forces de sécurité afghanes dans le Sud de l’Afghanistan a été tué dimanche lorsque l’un des Afghans a ouvert le feu. C’est au moins la sixième attaque du genre au cours de ces deux dernières semaines. Durant cette période, douze soldats américains ont été tués par des soldats ou des policiers afghans qui étaient censés être leurs alliés.
Le dernier incident en date porte le nombre total de telles attaques, qualifiés par les porte-parole militaires américains d'incidents « vert sur bleu », contre des forces américaines ou de l’OTAN à 32 depuis le début de 2012, en faisant 40 morts. Le nombre de soldats blessés lors de telles attaques d’initiés est probablement bien supérieur, mais il est dissimulé par la politique des Etats-Unis et de l’OTAN qui refusent de commenter les blessures non mortelles.
La prolifération de telles attaques a suscité une inquiétude croissante au sein de l’armée américaine et des responsables de la sécurité tant en Afghanistan qu’à Washington. Le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, a téléphoné samedi au président afghan Hamid Karzaï pour l’exhorter à procéder à un examen plus systématique des soldats et des policiers afghans en quête d’agents taliban.
Le dirigeant au plus haut rang de l’armée américaine en Afghanistan, le général John Allen, a donné vendredi un ordre qui témoigne de la précarité de la position américaine dans le pays occupé. Il a ordonné que les soldats américains portent en permanence leurs armes chargées à balles réelles, même au repos dans des installations supposées être sécurisées tel l’énorme complexe américain à la base aérienne de Bagram.
A chaque rencontre avec des troupes ou la police afghanes, au moins un Américain doit être désigné comme « ange gardien », chargé de surveiller les prétendus alliés et de tirer en premier si ces derniers semblent vouloir attaquer les Américains.
Malgré l’appel de Panetta en faveur d’une intensification des activités de contre-espionnage, le commandement de l’armée américaine s’est empressé de souligner qu’il n’existait des preuves de Taliban « infiltrés » que dans 11 pour cent des cas où des soldats ou des policiers afghans avaient retourné leurs armes contre des Américains, alors que le gros des attaques avaient impliqué des individus agissant de leur propre chef.
Si cela est vrai, ceci ne fait que démontrer que l’hostilité à l’égard de l’occupation militaire américaine est tellement vaste et profonde au sein de la population afghane que n’importe quel incident peut faire jaillir une étincelle et déclencher une résistance féroce. Telle est la situation après dix ans et 43 milliards de dollars consacrés par l’armée américaine à la formation d’une armée et d’une police afghanes pour satisfaire ses volontés.
Ces incidents ont une importance qui dépasse largement le bilan actuel des victimes étant donné qu’il donne un aperçu de la véritable relation qui existe entre une population opprimée et l’occupation Etats-Unis/OTAN, et qui entame maintenant la fin de sa onzième année.
La vaste majorité de la population afghane est opposée aux forces Etats-Unis/OTAN et au régime fantoche de Karzaï. De ce fait, le flux inépuisable de recrues pour les « Taliban », le nom que l’armée et les médias américains donnent à tous les insurgés, la plupart n’étant tout simplement que de pauvres fermiers qui luttent dans les villages et aux alentours où vivent leurs familles.
Les justifications énoncées d’abord par George W. Bush et actuellement par Barack Obama pour la conquête et l’occupation américaines de l’Afghanistan sont parties en fumée les unes après les autres.
Bush avait affirmé que son ordre d’envahir l’Afghanistan avait été donné en réaction aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 et au refus des Taliban de leur remettre le dirigeant d’Al Qaïda, Oussama Ben Laden. Mais Ben Laden a été tué par les forces spéciales américaines il y a plus d’un an et Al Qaïda est aujourd'hui un allié clé pour la campagne menée par les Etats-Unis pour déstabiliser le gouvernement de Bachar al-Assad en Syrie.
Bush et Obama ont tous deux affirmé libérer la population afghane du despotisme des Taliban et promouvoir la démocratie et les droits humains. Au lieu de cela, Washington a mis en place et maintenu un régime fantoche, dirigé par Hamid Karzaï, qui a truqué les élections, pratiqué la torture et la répression à grande échelle et qui vole sans aucune retenue.
Au début du mois, le parlement afghan a démis de leurs fonctions à la fois le ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur pour des faits de corruption alors que des rapports de presse font état de luttes intestines au sein de la famille Karzaï au sujet du partage du butin qu’elle a pillé à l’Etat afghan.
Il y a des relents de décomposition putride de l’ensemble de l’entreprise Etats-Unis/OTAN en Afghanistan. Les troupes américaines sont en train d’être réduites, l’équipement américain est retiré, les subventions américaines sont diminuées et les collaborateurs américains faisant partie du régime Karzaï font leurs valises – habituellement remplies d’argent – et vérifient leurs passeports. De nos jours, Kaboul rappelle de plus en plus Saigon dans les derniers mois et semaines précédant l’effondrement du régime fantoche soutenu par les Etats-Unis au Sud Vietnam.
Le gouvernement Obama et le Pentagone n’ont pas de réponse à cette débâcle grandissante, mis à part une plus grande brutalité. Les bombardements et les frappes de missiles aériens continuent de faire des ravages à la fois au sein des civils afghans et au-delà des frontières avec le Pakistan, dans les régions à dominance pachtoune où règne une grande sympathie pour les insurgés qui luttent en Afghanistan contre les forces d’occupation.
Ce processus se déroule sans que la population américaine n’ait son mot à dire. Ni le président Obama ni son adversaire républicain Mitt Romney n’ont parlé publiquement de cette vague d’attaques perpétrées par leurs alliés afghans contre des soldats américains. Ni les Démocrates ni les Républicains ne marquent une pause dans leur lavage de linge sale mutuel pour discuter de la politique américaine en Afghanistan. Les deux partis invoquent les mêmes mots d’ordre – la « guerre contre le terrorisme », la lutte pour « la liberté et la démocratie » contre les Taliban – sans aucun examen des coûts énormes d’une guerre qui dure depuis onze ans tant pour la population afghane qu’américaine.
Plus de 2.000 soldats américains sont mort en Afghanistan et près d’un millier de soldats des autres puissances de l’OTAN ainsi que d’innombrables dizaines de milliers au sein de la population afghane. Le pays a été dévasté trois fois en une décennie –d’abord par la guerre soutenue par les Etats-Unis contre l’armée soviétique, au cours de laquelle la CIA a contribué à créer Al Qaïda ; puis par la guerre civile qui a suivi l’effondrement du régime appuyé par l’Union soviétique et qui a entraîné l’arrivée au pouvoir des Taliban, parrainés par le Pakistan, un important allié des Etats-Unis ; et actuellement par la guerre qui a débuté en 2001 et qui dure plus longtemps que toutes les autres.
La constante dans ces effusions de sang est le rôle intéressé et réactionnaire joué par l’impérialisme américain. Les Etats-Unis sont le facteur le plus important dans la création d’Al Qaïda – formé par Ben Laden dans sa démarche de soutenir la lutte des moudjahedins soutenus par les Etats-Unis contre l’occupation soviétique – et dans la victoire des Taliban, saluée dans un premier temps par Washington comme étant un garant de la stabilité et un partenaire éventuel pour des accords pétroliers et gaziers en Asie centrale.
La classe ouvrière américaine a donc une responsabilité particulière à s’opposer et à dénoncer l’effusion de sang qui est en cours en Afghanistan. Des dizaines de milliers de civils afghans sont massacrés et leur pays est saigné à blanc et pillé au nom de la défense des « intérêts américains ». La vérité est que seule l’élite dirigeante impérialiste a un intérêt à la guerre en Afghanistan.
Les travailleurs doivent exiger le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les forces militaires américaines et de l’OTAN de ce pays dévasté par la guerre, le paiement de compensation aux millions de personnes dont la vie a été détruite par les interventions successives américaines ainsi que la poursuite des responsables de l’armée et du gouvernement américains pour les crimes de guerre qu’ils ont ordonnés contre la population en Afghanistan.
(Article original paru le 20 août 2012)