Le procès d'une semaine concernant une nouvelle législation sur l’identification des électeurs dans l’Etat du Texas s’est conclu par la décision des membres d’un collège de trois juges fédéraux de respecter le Département de la Justice fédéral et de bloquer l’application de la loi au motif qu’elle a des effets discriminatoires pour les minorités.
Le Département de la Justice avait présenté un dossier clair et détaillé à l’appui de l’accusation selon laquelle les minorités sont beaucoup plus susceptibles d’être dépourvues d'un document d'identité avec photo, émis par le gouvernement, et requis pour voter en vertu du droit applicable au Texas. Un témoin expert a témoigné que 11 pour cent des électeurs blancs inscrits ne possédaient pas la pièce d’identification requise, contre 18 pour cent pour les électeurs hispaniques inscrits et 21 pour cent pour les électeurs noirs inscrits. Un total de 1,5 million de personnes, toutes ethnies confondues, pourraient se voir dénier le droit de vote en vertu de la loi en vigueur au Texas.
Les avocats représentant l’Etat du Texas ont contesté les affirmations selon lesquelles la loi aurait un impact « disproportionné » sur les électeurs américains hispaniques et africains en prétendant que « seuls » 167.000 électeurs actuels seraient privés de leurs droits par les nouvelles normes d’identification. Il est à noter, qu’ils n’ont jamais appelé à témoigner les législateurs de l’Etat du Texas et les responsables du gouvernement, tous des Républicains, qui ont rédigé et fait voter la nouvelle loi en tant que contre-mesure face à la croissance rapide de la population hispanique dans l’Etat. Ceci aurait soumis les politiciens républicains à un contre-interrogatoire quant aux motivations politiques les conduisant à adopter une loi restreignant le vote de minorités plus disposées à soutenir le Parti démocrate.
Les avocats du Texas n’ont pas contesté la preuve que 80 des 200 comtés de l’Etat n’ont pas d’emplacement où se procurer des documents d'identité avec photo et que de nombreux habitants devraient faire plus de 120 miles pour obtenir une telle carte d’identification moyennant des frais d’au moins 22 dollars, ce qui représente une difficulté et une dépense particulièrement coûteuse pour les personnes âgées et les pauvres. A un moment donné, Robert Hughes, l’un des avocats de l’Etat du Texas, a déclaré qu’il envisageait la possibilité de tests de lecture, bien que cela fut l’une des principales tactiques utilisées pour exclure les minorités frappées par la loi sur le droit de vote de 1965 (« Voting Rights Act »).
Le dossier transmis par l’Etat du Texas était tellement maigre qu’il laisse supposer que le véritable objectif du procès est de préparer un recours auprès de la Cour suprême américaine pour constituer un défi direct et sans précédent contre la loi sur le droit de vote lui-même. Le Texas est l’un des 16 Etats qui, en vertu de la loi sur le droit de vote, a besoin d’obtenir un « prédédouanement » du Département de la Justice afin d’apporter des changements majeurs aux pratiques électorales et aussi en raison de son histoire de discrimination officielle des minorités raciales. Ceci signifie que c'est à l’Etat que revient la charge de la preuve pour montrer que la loi d’identification électorale n’a aucun effet ou intention discriminatoire.
Le Texas n’est que l'un des Etats à avoir promulgué, au nom de la lutte contre la « fraude électorale », des exigences d’identification et autres mesures visant à entraver l’inscription sur les listes électorales et à réduire le nombre de gens en mesure de voter. Il n’y a pratiquement pas eu de cas documenté d’usurpation de l’identité d’un électeur, le genre de fraude qui pourrait être évité par l'obligation d'un document d'identité avec photo. Pas une seule personne n’a été condamnée pour un tel délit au Texas.
Au Michigan, selon un rapport du secrétaire républicain de l’Etat, sur près de 1,2 million de suffrages exprimés lors des primaires présidentielles du 28 février, il y eut une demi douzaine de personnes jugées non admises à voter.
En Floride, où l’Etat a tenté d’éliminer 182.000 personnes des listes électorales en fonction d’une liste contestable de soi-disant « étrangers clandestins », le nombre fut tout d’abord ramené à 2.600, puis à 47 seulement après que la presse a divulgué que les « clandestins » figurant sur la liste incluaient des individus tels le gouverneur républicain, Rick Scott, le principal parrain de la loi, et un ancien combattant de 91 ans hautement décoré de la Bataille du Saillant (« Battle of the Bulge ») durant la Seconde Guerre mondiale.
Depuis 2008, date à laquelle la Cour suprême américaine avait pris la décision réactionnaire d’exiger une identification avec photo pour voter en Indiana, de telles mesures ont été adoptées dans 17 autres Etats. En recourant aux pouvoirs que lui confère la loi sur le droit de vote, le Département de la Justice a bloqué l’application de ces lois au Texas, en Floride et en Caroline du Sud, mais, dans des Etats qui ne sont pas dans le Sud, ces mesures ont déjà commencé à prendre effet. Selon une estimation, le 6 novembre, jour de l’élection jusqu’à cinq millions d’électeurs pourraient être privés de leurs droits de vote par de telles lois.
On trouve l'une des attaques les plus flagrantes contre les droits démocratiques dans l’Etat de Pennsylvanie où les lois sur l’identification des électeurs entrera en vigueur pour la première fois en novembre. Selon des responsables de l’Etat, quelque 750.000 personnes, soit neuf pour cent des 8,2 millions d’électeurs de l’Etat, ne possèdent pas une carte d’identité acceptable. A Philadelphie, la plus grande ville de l’Etat qui compte une grande majorité noire, ce chiffre s’élève à 18 pour cent. Le dirigeant républicain au sein du corps législatif et dirigeant de la majorité de la Chambre, Mike Turzai, a ouvertement reconnu l’objectif politique de la loi, quand il a déclaré que le vote en faveur de l’identification « allait permettre au gouverneur Romney de remporter l’Etat de Pennsylvanie. »
L’objectif évident de ces lois est d’accélérer la tactique de « suppression du vote » utilisée par le Parti républicain lors des élections présidentielles de 2000 et de 2004 qui comprenait de vastes purges d’électeurs noirs et hispaniques des listes d’inscription au nom de l’élimination de travailleurs condamnés et sans papiers. La vaste majorité de ceux qui furent rayés des listes étaient en fait des citoyens américains admis à voter et qui furent privés de leurs droits pour donner à la droite républicaine un avantage électoral.
Bien sûr, le cas le plus flagrant de « fraude électorale » de ces dernières années fut le vol des élections de 2000 lorsque les responsables républicains de l’Etat de la Floride ont délibérément supprimé la participation dans les cités afro-américaines pour ensuite certifier George W. Bush vainqueur avec une majorité de 537 voix. Lorsque la Cour suprême de l’Etat de la Floride avait ordonné un recompte intégral qui menaçait la soi-disant victoire de Bush, la Cour suprême des Etats-Unis était intervenue avec sa tristement célèbre décision de Bush vs Gore suspendant le recompte des voix et installant le Républicain à la Maison Blanche. Le Parti démocrate avait capitulé devant cette attaque contre les droits démocratiques, préparant ainsi le terrain aux attaques qui ont suivi.
Comme l'avait fait remarquer à l’époque le World Socialist Web Site, l’action de la Cour suprême et la décision du candidat démocrate Al Gore ainsi que du Parti démocrate d’accepter l’installation de Bush, qui avait perdu le vote populaire par une marge de près d’un million, a montré qu’il ne subsistait plus au sein de l’élite dirigeante américaine une base significative décidée à défendre les droits démocratiques.
Alors que les Démocrates s’opposent, à des fins électorales à court terme, aux attaques des Républicains contre la participation à l'élection dans les zones habitées par des minorités, le gouvernement Obama a, à tout point de vue, continué et accéléré les attaques contre les droits démocratiques appliquées par le gouvernement Bush. Ainsi il a intensifié l’espionnage politique du peuple américain, maintenu le camp de concentration américain à Guantanamo Bay sans oublier la déclaration sans précédent que le président a le pouvoir d’ordonner l’assassinat de tout individu, dont des citoyens américains, au moyen d’un missile lancé depuis un drone.
(Article original paru le 14 juillet 2012)