Hier, le parti conservateur Nouvelle démocratie l’a emporté de justesse sur SYRIZA dans les élections législatives en Grèce.
Nouvelle Démocratie a obtenu 30 pour cent des voix. SYRIZA est arrivé immédiatement derrière avec 26,5 pour cent, recueillant le soutien populaire sur la base de ses critiques à l’égard des mesures d’austérité fixées dans le mémorandum signé avec la troïka – l’Union européenne (UE), le Fonds monétaire International (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE).
Ceci prépare le terrain à d’intenses négociations sur la formation d’un gouvernement de coalition. Selon la plupart des observateurs, les pourparlers en vue de former une coalition disposent d’un délai limite de 48 heures à respecter. L’UE exige qu’ils affirment leur engagement en faveur de conditions clé pour le deuxième renflouement grec à hauteur de 130 milliards d’euros et qui a déjà signifié des coupes sociales dévastatrices et ravagé l’économie du pays.
Tout au long des élections, l’UE a menacé de supprimer le crédit à la Grèce si elle objectait aux conditions du sauvetage. Ceci obligerait la Grèce soit à accepter l’effondrement de son système financier soit à réintroduire une monnaie nationale grecque pour financer ses banques. Des responsables grecs ont dit, la semaine dernière, que si une tranche d'aide différée de la troïka, d'une valeur d'un milliard d’euros n'était pas versée, ils manqueraient de fonds d’ici le 20 juillet pour payer les retraites et les salaires du secteur public.
Ces tentatives de chantage à l'encontre de la classe ouvrière grecque n’ont pas empêché le score de SYRIZA de s’accroître substantiellement par rapport aux 16,7 pour cent atteints aux élections précédentes du mois dernier.
Nouvelle Démocratie (ND) est mathématiquement en mesure de former un gouvernement de coalition fondé simplement sur les partis pro-mémorandum. Le dirigeant du parti, Antonis Samaras, a dit que les Grecs avaient voté pour rester dans l’euro et réclamaient un « gouvernement de salut national. »
Le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras, a accepté que ND soit le premier à tenter de former une coalition.
La formation d’une coalition ouvertement pro-mémorandum rencontre toutefois des obstacles significatifs. L’allié clé de ND dans une telle coalition – le PASOK social-démocrate qui a obtenu 12,5 pour cent des voix – a annoncé hier soir qu’il ne rejoindrait une coalition que si SYRIZA y participe. Le vote important en faveur de SYRIZA et le mécontentement général exprimé par la faible participation ont convaincu PASOK qu’il serait dangereux de procéder comme si les partis pro-mémorandum disposaient d’un mandat pour gouverner.
Le PASOK a proposé un gouvernement d’unité nationale composé des quatre principaux partis – comprenant aussi le petit parti la Gauche Démocratique, une scission de droite de SYRIZA. Ses considérations étaient claires : un gouvernement qui défie visiblement l'opposition populaire profonde à l’austérité en Grèce en excluant SYRIZA serait confronté à une opposition de masse et serait incapable de gouverner efficacement.
Une incapacité à former un gouvernement aurait pour conséquence une troisième élection et accroîtrait la probabilité d’une expulsion de la Grèce de la zone euro.
La victoire de Nouvelle Démocratie et la nouvelle opportunité qui lui est offerte de former un gouvernement sont la conséquence, en premier lieu, d’une intimidation éhontée de la part de l’élite dirigeante européenne et internationale.
Dans une interview parue vendredi dans le journal grec Kathimerini et intitulée « l’Europe ne bluffe pas sur la sortie de l’euro, » le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a dit : «Il existe un accord signé par toutes les parties, dont le gouvernement grec … nous ne pouvons permettre à aucun pays de nous faire chanter avec les conséquences d'une contagion. »
L’interview a également été reprise dans d’autres journaux européens, dont le Corriere della Sera italien et El Pais en Espagne – comme menace aux autres pays qui sont confrontés à un effondrement financier.
Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker – a lancé le même jour un avertissement dans le journal autrichien Kurier « Si la gauche radicale l’emporte – ce qui n’est pas à exclure – les conséquences pour la monnaie de l’union sont imprévisibles. »
SYRIZA, organisation pro-capitaliste engagée à maintenir la Grèce dans l’UE et dans la zone euro, a été absolument incapable de combattre ses menaces en lançant un appel à l’opposition de la classe ouvrière. Au lieu de cela et malgré un discours anti-austérité durant la campagne électorale, elle a fait tout son possible pour rassurer les marchés et les créanciers grecs et les convaincre de ses bonnes intentions.
Le député et ancien porte-parole parlementaire, Tasos Kourakis, a dit samedi à Kathimerini que l’équipe économique de SYRIZA « parlera de restreindre les dépenses et d’attirer de nouveaux fonds, comme les fonds structurels de l’UE. » Il a prévu « une restructuration et une rationalisation de l’administration publique. »
Il a instamment demandé un audit international de la dette grecque, cherchant à n’exclure que la partie de la dette résultant de pots-de-vin à « Siemens, concernant des dessous de table relatifs à l’acquisition d’équipement de défense et autres. » Il a dit, « Nous paierons le reste. »
En précisant qu’il n’y aurait pas de nationalisation de banques ni d’entreprises, il a ajouté, « Si vous prêtez attention à notre formulation, nous demandons un contrôle public… on peut être à la direction sans être actionnaire majoritaire. »
Jusque-là, les ouvertures de SYRIZA à l’UE semblent n'avoir eu que peu d’effet sur la ligne dure de l’Europe. Toutefois, l’élite dirigeante est consciente qu’elle est confrontée tout autant à l’aggravation de la crise financière qui est en train d’engloutir l’ensemble de l’Europe, qu’au risque d’une explosion des protestations de la classe ouvrière avec leurs implications révolutionnaires.
Le Sydney Morning Herald est l’une des nombreuses publications à avoir estimé que la Grèce sera éventuellement obligée de quitter l’euro, « quel que soit le résultat des élections. » Mais, il a prévenu, qu’alors que « la Grèce est presque ingouvernable en ce moment… le problème est plus vaste que l’économie à elle seule. Les troubles sociaux ont le potentiel de se propager telle une trainée de poudre. »
Dans ces conditions, SYRIZA pourrait encore reprendre du service pour jouer le rôle consistant à subordonner la classe ouvrière aux dictats de la troïka – notamment si la troïka apportait quelques mesures cosmétiques aux conditions du sauvetage. Qu'il soit au gouvernement ou non, SYRIZA joue le rôle de désorienter la classe ouvrière et de confiner l’opposition à une perspective qui ne menace pas fondamentalement les intérêts du capitalisme grec et européen.
Hier soir, Tsipras a adopté une attitude légèrement contestataire tout en reconnaissant que le dirigeant de Nouvelle Démocratie, Antonis Samaras, « a la possibilité de former un gouvernement sur la base de son mandat et de sa politique. »
« Nous serons présents dans les évolutions, en position d’opposition, » a-t-il dit, bien que ceci ait été dit du point de vue d’un critique loyal conseillant ND sur sa politique : « Le gouvernement, Nouvelle Démocratie, doit tenir compte d’importantes questions – il ne peut pas continuer comme il l’a fait sans parler au peuple. »
La question centrale n’est pas de persuader le prochain gouvernement de « parler au peuple. » Un tel gouvernement sera engagé dans une politique qui s’attaque à la classe ouvrière.
La bourgeoisie grecque fera tout son possible et aura recours à absolument toutes les méthodes possibles – y compris la répression policière et militaire – pour forcer les travailleurs à porter le fardeau du désastre économique qui a résulté des activités spéculatives de la bourgeoisie. Les puissances européennes exigeront leur dû, qu’elles décident ou non immédiatement en faveur d’une sortie de la Grèce de la zone euro.
Les travailleurs grecs et les jeunes ont déjà enduré une baisse historique de leur niveau de vie. Ils seront ruinés, obligés de travailleur pour une bouchée de pain et abandonnés à moisir s’ils pensent une seconde que les négociations avec l’UE leur apporteront un répit.
Tout dépend maintenant de la mobilisation politique indépendante, sur la base d’un programme socialiste, de la classe ouvrière en Grèce et partout en Europe, en opposition à la classe dirigeante, à ses gouvernements et aux institutions de l’UE.
(Article original paru le 18 juin 2012)