L’élite capitaliste dirigeante du Québec et de partout au Canada a été secouée par la ténacité et le militantisme de la grève étudiante, qui dure depuis maintenant quatre mois. Lorsque le gouvernement libéral de Jean Charest a criminalisé la grève avec la draconienne loi 78, il y a eu un raz-de-marée d’opposition dans la classe ouvrière, exprimé par des manifestations jusque dans les régions minières et industrielles éloignées.
Cependant, la grève et la lutte des étudiants pour défendre l’accessibilité à l’éducation universitaire courent le grave danger d’être défaites.
Le mouvement contre la hausse de 82 pour cent des droits de scolarité universitaires du gouvernement Charest a mené les étudiants dans un conflit direct avec le gouvernement du Québec, mais aussi avec l’ensemble de la classe dirigeante canadienne – ses médias, sa police et ses tribunaux.
Cette violente réaction est due au fait que la grande entreprise et ses représentants politiques considèrent que la grève étudiante constitue un défi implicite à leur tentative de placer tout le fardeau de la crise mondiale du capitalisme sur les travailleurs. Dans tous les pays, que ce soit en Grèce, en Espagne, aux États-Unis ou au Canada, l’élite patronale et financière cherche à détruire ce qui reste des droits sociaux obtenus par la classe ouvrière à travers les luttes tumultueuses du siècle dernier.
L’attaque sur les étudiants du Québec coïncide avec le budget « transformateur » de Harper, un assaut sur la santé publique, les retraites et l’assurance-emploi.
Si les étudiants veulent l’emporter dans la lutte pour que l’éducation soit un droit social, ce défi implicite au programme d’austérité de la classe dirigeante doit devenir explicite. La grève étudiante doit devenir le catalyseur pour une mobilisation de la classe ouvrière au Québec et partout à travers le Canada dans le cadre d’une contre-offensive politique et industrielle en opposition à toutes les suppressions d’emplois, à toutes les baisses de salaire et au démantèlement des services publics. Le gouvernement libéral du Québec et le gouvernement fédéral conservateur doivent être renversés.
Mais cela ne veut pas dire qu’il faille donner un quelconque appui au PQ, au NPD ou à tout autre parti de la grande entreprise. Pour que les besoins sociaux puissent avoir le dessus sur les profits des banques et des sociétés mondiales, il faut impérativement que la classe ouvrière prenne elle-même le pouvoir politique et procède à la réorganisation socialiste de la société.
Personne ne doit sous-estimer la détermination de la classe dirigeante à empêcher que la grève étudiante devienne le déclencheur d’une vague de résistance de la classe ouvrière. Pour défaire la grève étudiante, elle mobilise tous les instruments et les mécanismes de sa domination de classe, des organes de répression de l’État jusqu’aux syndicats procapitalistes.
Le gouvernement Charest a fermé les universités et les cégeps pour trois mois dans le but de dissiper l’opposition au mouvement et de préparer une mobilisation policière massive en août. Les efforts pour intimider les opposants au gouvernement et pour diffamer les étudiants comme des personnes violentes continuent de s’intensifier, comme on l’a vu avec l’opération policière massive entourant le Grand Prix de Montréal et l’arrestation du député de Québec solidaire, Amir Khadir, pour le « crime » d’avoir manifesté.
Surtout, le gouvernement Charest compte sur la « gauche » officielle, c’est-à-dire les syndicats, le NPD et Québec solidaire – pour politiquement et géographiquement isoler la grève étudiante, afin d’empêcher qu’elle ne déclenche un mouvement indépendant de la classe ouvrière et qu’elle ne s’étende au-delà des frontières du Québec.
Les syndicats, comme le slogan de la Fédération des travailleurs du Québec le montre (après la rue, les urnes), tentent d’étouffer la grève et de détourner les étudiants dans un mouvement électoral, en terrain contrôlé par la classe dirigeante, et dans une campagne pour remplacer le gouvernement détesté des libéraux de Charest par un gouvernement du Parti québécois. L’autre parti traditionnel de l’élite dirigeante du Québec, le PQ, a mis en oeuvre les plus grandes coupes sociales de l’histoire du Québec et a utilisé une loi draconienne pour criminaliser la grève des infirmières lorsqu’il a été pouvoir la dernière fois. Comme les syndicats, le PQ a dénoncé la loi 78, mais a soutenu qu’elle devait être respectée.
De nombreux étudiants et leurs partisans reconnaissent que la grève est à la croisée des chemins et que l’affirmation de la CLASSE et des autres fédérations étudiantes que le gouvernement allait nécessairement reculer devant les protestations a été démentie par les événements. Vu l’intransigeance des libéraux, les fédérations étudiantes, y compris la CLASSE, ont déjà montré qu’elles étaient prêtes à accepter la hausse des frais de scolarité et entretiennent des illusions sur le PQ.
En tentant d’élargir leur lutte et voyant le lien entre la hausse des frais de scolarité et le programme de démantèlement des services publics de la bourgeoisie, beaucoup d’étudiants ont réagi favorablement à l’idée, défendue par les dirigeants de la CLASSE, qu’il faille maintenant une « grève sociale ».
Mais la « grève sociale », telle que mise en avant par la CLASSE, sous l’influence de divers groupes anarchistes, n’est vue que comme un mouvement de protestation plus important pour forcer Charest à négocier. La classe ouvrière ne serait qu’un élément parmi d’autres dans ce mouvement. De plus, dans la mesure où la CLASSE parle de lutte ouvrière, il ne s’agit que d’actions limitées, comme un débrayage d’un jour, organisées par les appareils syndicaux actuels, et non pas d’une rébellion contre ces organisations procapitalistes.
En dépit de la campagne médiatique incessante qui vise à isoler les étudiants des travailleurs, en traitant les étudiants d’ « égoïstes » et en présentant la classe ouvrière comme apathique et indifférente, il règne une grande sympathie au sein de la classe ouvrière pour les étudiants, comme l’a démontré l’explosion d’opposition à la loi 78.
Un tournant vers la classe ouvrière veut dire aider les travailleurs à rompre sur une base organisationnelle et politique avec les syndicats, qui, pendant des décennies, ont agi à titre d’assistants des employeurs et défenseurs de la « paix sociale ». Cela veut également dire de développer un mouvement politique indépendant basé sur un programme socialiste qui articule ses besoins en tant que classe : la lutte pour l’égalité sociale et la primauté des droits sociaux sur le profit capitaliste privé.
Le Parti de l’égalité socialiste appelle à la formation de comités d’action, indépendants des syndicats et des partis de la grande entreprise. Ces comités, sous contrôle de travailleurs de la base et établis sur les lieux de travail et dans les quartiers, doivent se mobiliser pour défendre les étudiants et lutter contre toutes les attaques sur les emplois, sur les conditions de vie et sur les programmes sociaux essentiels.
La lutte doit dépasser les frontières du Québec. Il faut unir les travailleurs à travers le Canada et internationalement dans une lutte commune contre la dictature économique et politique des banques et des grandes sociétés.
Ce qui est nécessaire surtout est la lutte pour construire un parti socialiste dans la classe ouvrière. À l’intransigeance dont fait preuve la classe dirigeante dans son assaut contre tous les gains sociaux des travailleurs, la classe ouvrière doit opposer sa propre intransigeance. Mais cela signifie de mener la lutte jusqu’à sa conclusion logique.
Le capitalisme mondial est dans un état de déclin avancé. La crise qui a éclaté en 2008 entre maintenant dans une nouvelle phase. La réaction de la classe dirigeante à cette crise systémique est de mener une contre-révolution sociale dans le but d’éliminer tous les gains sociaux obtenus à travers les luttes acharnées de la classe ouvrière.
Le capitalisme doit être remplacé par le socialisme. Il faut pour cela que la classe ouvrière, au Canada, aux États-Unis et internationalement, prenne elle-même le pouvoir politique, établisse un gouvernement ouvrier et réorganise la vie économique sur la base de l’égalité sociale et du contrôle démocratique de la richesse créée par les travailleurs. C’est seulement de cette façon que le droit à l’éducation publique pourra être garanti.